Autodétermination de la Kabylie, Printemps berbère, gaz de schiste, Constantine : Idir nous dit tout !

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Dans cette interview, accordée ce mercredi 1er avril à TSA, Idir revient sur l’autodétermination de la Kabylie, le printemps berbère, le gaz de schiste…

 Vous allez animer des galas les 12 et 19 avril 2015 à Paris à l’occasion du 35e anniversaire du printemps berbère. En dehors de Paris, quelles sont les autres villes où vous allez vous produire?

 Nous avons effectivement deux dates sur Paris dans la salle l’Alhambra. Après on fêtera ce vingt avril, un peu plus tard, au Canada et à Londres.

Avez-vous prévu des dates pour l’Algérie ?

Pour l’instant non.

 Pourquoi ?

Ce n’est pas une question de calendrier. Les raisons sont plutôt politiques. Je suis Algérien, je le suis encore. Je n’ai pas d’autre nationalité. Je n’ai pas de pays de rechange, parce que je croyais à cette terre, elle m’appartient et je lui appartiens. Je me suis acquitté de mes devoirs : le service national. J’ai toujours donné une image positive de mon pays, j’ai même défendu ses points de vue, mais quand il s’agissait de réclamer mes droits je n’ai rien reçu en échange. Il a fallu du temps pour qu’on reconnaisse mon identité ce qui n’est pas normal. Il faut encore du temps pour donner une officialité à ma langue maternelle ce qui n’est pas normal non plus. C’est comme si on disait : tu es Algérien, mais comme on veut que tu sois. La moindre des choses c’est que si j’ai fait autant de devoirs que les autres, j’ai autant de droits qu’eux. J’ai été vexé d’avoir cette algérianité infériorisée. Je ne fais pas de militantisme de Souk El Fellah, je dis juste ce que je ressens.

Nous sommes à quelques jours du 20 avril. Quel bilan faites-vous de ces 35 années de lutte identitaire ?

Tu es Algérien avec ton identité et ta langue, et tant qu’elles ne sont pas reconnues officiellement et nationalement et bien tu n’es rien parce que tu es toujours sous le commandement de quelqu’un qui n’a pas à faire ces choses et qui est autant Algérien que toi. Tant qu’on n’a pas ça on ne peut pas continuer à discuter ou à mettre à plat les choses. Comme diraient les Anglais : Wait and see.

Certains médias ont rapporté que vous avez refusé de participer à l’événement Constantine capitale de la culture arabe. Quelles sont les raisons qui ont motivé votre choix ?

D’abord ce qu’il faut savoir c’est que personne ne m’a demandé si je voulais ou pas assister à Constantine capitale de la culture arabe. Certainement parce que ceux qui étaient censés me poser la question s’attendaient sans doute à un non. De toutes les façons ça aurait été un non.

D’un côté on me refuse quelque chose et ils veulent que j’adhère à quelque chose qui n’est pas à moi. Je n’ai rien contre la culture arabe. La langue arabe est une langue très belle, très contemplative, au niveau de la poésie surtout. Elle a eu des poètes, écrivains et penseurs absolument extraordinaires. Le problème n’est pas là. Tu m’aurais appelé à Doha ou à Dubaï  pour dire qu’elle est capitale de la culture arabe, je ne verrais aucun problème. Je n’ai pas à refuser car je ne suis pas fermé, je ne suis pas Amazigh contre quelque chose. Mais Constantine Capitale de la culture arabe, historiquement c’est faux, parce qu’ avant d’être la capitale de n’importe quoi elle a d’abord été la ville de Massinissa, un des plus grands rois berbères. Il y a une idéologie qui tend à écarter une sorte de vérité historique. Jusqu’à quand ?  Cette injustice, je ne la vis pas bien.

 L’Algérie s’apprête à réviser sa Constitution. Pensez-vous que cela apportera quelque chose à la cause Amazigh ?

Je l’espère parce que de toute façon, c’est depuis 62 qu’on aurait dû faire ça. Le fait de ne le faire qu’en 2015 est pour moi une espèce de négation. C’est la première langue née sur le territoire de l’Afrique du nord. Si on lui donne ce droit, on le fait dans l’indifférence générale et ça c’est terrible.

Etes-vous  pour l’autodétermination de la Kabylie ?

Je ne me suis jamais prononcé pour l’autodétermination, l’autonomie, l’indépendance ou autre chose. Idir étant ce qu’il est, fait que les gens récupèrent un peu tout pour dire : il est ceci, il est cela. Je me prononce sur l’autonomie de la Kabylie si d’un autre côté on a échoué dans d’autres secteurs. Je ne peux pas prendre de position tant que l’on n’a pas mis au clair toutes les données. Je ne vais pas mendier mon officialité, c’est comme si je demandais l’autorisation à quelqu’un d’être moi-même. C’est terrible. Ce n’est pas à moi de mendier, je suis ce que je suis, c’est aux autres d’apporter la preuve de ce qu’ils sont. Je suis amazigh et je le serai toujours envers et contre tous.

Quelle est votre position en tant qu’intellectuel sur le gaz de schiste ?

En tant que géologue, je pense que c’est une erreur terrible pour un pays comme l’Algérie. On sait à peu près le fonctionnement sans connaître très bien ce qui se passera sous la terre. A mon avis, il faut d’abord s’occuper des énergies de substitution comme le solaire. Si on meurt de faim un jour, à ce moment-là on pourra y penser.

Vous avez une longue carrière mais un nombre d’albums réduit. Pourquoi ne pas sortir des albums plus souvent pour faire plaisir à vos nombreux fans ?

Cette question me trouble, me rend triste, mais me fait plaisir. Je vois que les gens ont une affection pour moi, c’est un amour de fond j’espère l’avoir mérité. En même temps, lorsque les gens ne voient pas beaucoup de production ils peuvent se dire : c’est quelqu’un de fainéant ou de perfectionniste. Il y a un peu de cela. De là, à rester 10 ans sans faire un disque c’est un peu exagéré, en tout cas de ma part (rire). Il y a des gens qui veulent en faire une carrière.  Mais moi quand je suis arrivé à la chanson, c’est la chanson qui m’a appelé, c’est une petite voix à l’intérieur qui m’a demandé de défendre mon identité par la chanson. Je suis parti de ce principe. Je prends les choses qui me tiennent à cœur. On ne peut pas faire des choses sur commande, l’inspiration peut venir à n’importe quel moment, la chanson naît toute seule. Malheureusement ça n’arrive pas tout le temps comme ça et quand je n’ai rien à dire je me tais tout simplement.

 Quels sont vos projets à l’avenir ? Y a-t-il un album en préparation ?

Pas pour le moment mais ça peut venir demain. Rien n’est calculé. C’est un challenge chaque jour est une remise en question dans ce métier.

Idir en concert


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