Entretien. Accusé à tort de terrorisme en France, un Algérien raconte

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En avril 2012, moins d’un mois après les attentats perpétrés par Mohamed Merah, les services français sont en état d’alerte et multiplient les arrestations dans « les milieux fondamentalistes ».

Parmi les personnes interpellées et expulsées, figure Ali Belhadad présenté comme un islamiste radical, déjà condamné pour son implication dans les attentats de Marrakech en 1994. Des accusations infondées et un communiqué de presse erroné qui trouvent leur origine dans une erreur lors de l’enquête et une mauvaise communication du ministère de l’Intérieur français alors dirigé par Claude Guéant, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Agé de 44 ans, marié et père de deux filles de nationalité française, Ali Belhadad, vivait en France depuis 1992 avec un titre de séjour valable jusqu’en 2019. L’homme, qui n’a de cesse de contester les faits dont il est accusé, est expulsé en urgence vers l’Algérie le 2 avril 2012, jour même de son arrestation. Pour son avocat, cette décision n’est ni plus ni moins qu’une « opération de communication », juste avant les élections présidentielles, prévues pour mai 2012. Après une bataille judiciaire de deux ans, l’arrêté d’expulsion est considéré comme « un excès de pouvoir » et finalement annulé par le tribunal administratif.

Ali Belhadad regagne la France en mai 2014. Une première victoire pour celui qui poursuit ses actions en justice pour demander réparation.

Entretien

 Comment s’est passée votre expulsion vers l’Algérie ?

Tout s’est passé en moins de deux heures. Ils (les forces de police, ndrl) sont venus chez moi pour prendre mon passeport en mentant à ma femme, en lui disant que c’était un contrôle de routine. Naïve, elle leur a donné les documents. Une fois le passeport en leur possession, les démarches pour m’expulser étaient plus faciles. A mon arrivée en Algérie, j’ai été interrogé par la PAF (police aux frontières) puis par le DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité) pendant deux jours. Ils ont compris que je n’avais rien fait et m’ont dit qu’il ne fallait pas que je laisse tomber. Ensuite j’ai été hébergé par de la famille à Alger.

Quel a été le rôle des autorités algériennes dans cette affaire ?

Après mon expulsion, j’ai entamé des démarches au niveau du ministère des Affaires étrangères à Alger qui m’a aidé dans cette procédure un peu longue et qui comprend différents recours administratifs. Les autorités algériennes ont envoyé plusieurs lettres pour débloquer la situation, dont une au Consulat de France en Algérie, pour qu’ils puissent appuyer mon dossier donc je les remercie beaucoup pour leur travail.

Durant ces deux ans, j’ai aussi déposé des plaintes pour diffamation contre M. Guéant et TF1. La chaîne a repris le communiqué du ministère de l’Intérieur et a diffusé une photo de moi sur fond d’archives des attentats de Marrakech (dans le 20h du 2 avril 2012). Dans le cas de TF1, j’ai été débouté mais l’affaire sera plaidée en appel le 2 avril prochain.

Une procédure est actuellement en cours contre Stéphane Bouillon, ancien directeur de cabinet de Claude Guéant au ministère de l’Intérieur, aujourd’hui préfet de la région Alsace (nord-est de la France) poursuivi pour diffamation publique devant le tribunal correctionnel de Paris

Oui, logiquement c’est lui qui est responsable, puisque qu’il a vu le communiqué de presse. Il y a au moins sept services par lesquels l’information est passée avant d’arriver entre ses mains. Pour moi c’est voulu, ce n’est pas une erreur. Dans l’avis d’expulsion, ma participation supposée aux attentats de Marrakech n’était pas mentionnée alors que dans le communiqué, si ! Il y avait déjà une contradiction entre les deux documents.

Qu’attendez-vous de la justice française ? Avez-vous été indemnisé ?

Pour l’instant je n’ai pas touché d’indemnisation. Je fais actuellement les démarches avec mon avocat. Je fais confiance à la justice française. Le Procureur a donné tort à M. Bouillon donc mon avocat et moi sommes confiants. Pour cette affaire, le jugement doit être rendu le 15 mai.

Comment votre famille a-t-elle vécu cette histoire ?

C’était une souffrance totale. Quand j’ai été expulsé vers l’Algérie, ma famille n’avait pas les moyens de venir me voir. J’étais coincé au niveau financier. Malgré tout ça ils m’ont soutenu. Avec les procédures, ils étaient dans l’obligation de rester en France pour gérer les démarches judiciaires. Nous avons écrit une lettre au président français (François Hollande, ndrl), qui nous a répondu. J’ai envoyé des lettres à différentes associations, comme le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), qui m’ont répondu qu’elles ne pouvaient pas faire grand-chose car c’est un dossier géré par le ministère de l’Intérieur.

Comment envisagez-vous votre futur en France ?

J’ai repris mon travail à mon retour d’Algérie. J’ai ressenti une injustice totale. Ça fait plus de vingt ans que je suis en France, je n’ai jamais été impliqué dans quoi que ce soit. Je suis blanc comme neige, mes casiers judiciaires, en France et en Algérie, sont vierges. Je vivais une vie normale et du jour au lendemain, je me retrouve accusé et expulsé. Ça m’a rappelé le film Hassan Terro (rire).


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