La chronique de Benchicou. Procès Sonatrach,  l’embarrassante commedia milanaise

Benchicou

S’il n’avait tenu qu’au pouvoir algérien, ce procès Sonatrach n’aurait jamais eu lieu. Ou alors  le plus tard possible. Quand les gens auront tout oublié. L’affaire Sonatrach aurait rejoint, aux oubliettes, toutes les combines qui impliquent l’entourage du Président, comme le scandale Bouricha ou le volet de l’affaire Khalifa qui traite des transferts internationaux.

Du reste, jusque là, l’affaire était gérée selon le style bien familier au clan présidentiel et qui consiste à faire mine d’avancer d’un pas et de reculer réellement de trois. L’entourage du président algérien maîtrise comme pas un, l’usage de la force d’inertie au service de la protection de ses amis.

Mais la justice algérienne aux ordres, ne maîtrise ni l’agenda ni le dossier Sonatrach dont elle n’a pas le monopole. Elle ne peut se permettre de tergiverser après que le Procureur de Milan ait remis ses conclusions, il y a deux mois, signe que l’affaire avance de l’autre côté de la Méditerranée.

Alors, comment trancher dans cette affaire de Sonatrach sans impliquer les plus hautes autorités de l’État algérien ?

C’est à ce casse-tête que se trouvent confrontés les juges algériens chargés d’animer ce qu’il faut bien appeler une mise en scène judiciaire appelée à se solder, comme de coutume, par l’incarcération de quelques lampistes et la relaxe des vrais coupables, en majorité des proches du cercle présidentiel. Une autre supercherie judiciaire Khalifa, en somme, serait-on tenté de dire.

Sauf que… Sauf que, pour la première fois, en effet, le sort d’une enquête sur un scandale algérien ne dépend pas exclusivement de la justice algérienne mais aussi, et surtout, d’une magistrature étrangère qui traite concomitamment le dossier, sur laquelle Alger n’a aucune prise et dont les deux pilotes, Fabio De Pasquale et Sergio Spadaro sont réputés être des procureurs inflexibles. Ils seraient décidés à aller le plus loin possible pour faire la lumière sur cette grande rapine qui a provoqué un véritable séisme en Italie. Des dirigeants de la filiale du géant ENI viennent d’être limogés et l’opinion publique suit avec attention cette nouvelle affaire de corruption dont elle redoute qu’elle n’ait des ramifications avec la mafia.

Comment conduire un procès où les enquêteurs algériens et italiens ne parlent pas des mêmes personnes et peut-être pas de la même affaire ? Pour la justice algérienne, le coupable central dans cette affaire s’appelle Mohamed Meziane, l’ex-PDG de Sonatrach. Nulle évocation des proches du président de la République. Alger a sa liste de lampistes qu’on ne retrouve, curieusement, pas chez les juges de Milan. Ces derniers accusent des proches de Bouteflika. Ils l’ont confirmé en janvier dernier quand ils mirent en cause, dans leur conclusions, au grand désappointement des autorités algériennes, Farid Bedjaoui, présenté comme intermédiaire de Saipem en Algérie et bras droit de l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil. Qui dit Bejaoui dit Khelil, qui dit Khelil dit…Bouteflika ! C’est pourquoi le pouvoir n’était pas pressé de juger Mohamed Meziane.

On avait visiblement peur de ce qu’il avait à dire.  Mohamed Meziane travaillait sous les ordres de Chakib Khelil et avait certainement des révélations à faire à la barre. Alors, mieux valait retarder le procès…

Le clan Bouteflika avait réussi à « relativiser » l’affaire et donné instruction aux magistrats algériens de la décriminaliser et de la classer en affaire correctionnelle ! Autrement dit, selon les solides traditions mafieuses qui sont en cours depuis 1999, faire en sorte qu’elle soit « dégonflée » petit à petit. Mais l’intrusion du duo De Pasquale – Spadaro a tout bouleversé. Certains craignent qu’ils n’arrivent au sommet de l’Etat algérien. Il fallait bien qu’arrive le jour où un pouvoir douteux s’expose au monde moderne.

C’est donc contraints et forcés que les magistrats algériens vont « statuer » sur une affaire explosive dans laquelle, à la différence du scandale Khalifa, le délit des proches du Président est bien avéré ! La justice algérienne est entrée dans un procès à reculons. Il va falloir en sortir, maintenant. Si sortie il y a.


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