Entretien. Abdallah Djaballah : « L’AIS a le droit de revenir sur la scène politique »  

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Le FFS a annoncé le report de la Conférence nationale du consensus. Un rendez-vous auquel vous avez initialement refusé de prendre part. Quel est votre commentaire ?

Moi je suis désespéré du pouvoir algérien qui n’est pas sincère sur la démocratie et les libertés. Un pouvoir qui ment sur le développement économique, sur la situation sociale et politique. C’est un pouvoir qui ne dit jamais la vérité au peuple. Et sincèrement, je pense que le moment est venu  pour l’opposition d’adopter une nouvelle approche dans sa démarche avec le pouvoir.

L’erreur du FFS est d’avoir reconnu la légitimité du pouvoir. De part ma longue expérience et mes observations continues, je pense qu’il faut agir autrement.

L’Algérie est dirigée par un pouvoir qui ne se soumet à aucune logique mais à des intérêts et des volontés personnels. Il n’est sincère ni avec le peuple ni avec l’opposition. Le FFS reconnu Bouteflika et a cru à ses bonnes intentions, en pensant amener le pouvoir à la table des discussions en cas de consensus dans la classe politique. Une approche complètement fausse. Le pouvoir acceptera le dialogue si de nouvelles donnes surgissent au sein même du système. L’autre option est le recours à la rue et la mobilisation de la classe politique et du peuple.

Donc pour vous le changement peut émaner du pouvoir ?

Oui, si une partie influente au sein du pouvoir hausse le ton pour dire stop aux mensonges, arrêtons la médiocrité et les erreurs. Si cette partie prend une position sincère et franche aux côtés du peuple.

Pour certains  le pouvoir fait partie de la solution…

Il  n’y a rien à espérer de ce pouvoir. Il n’est pas capable de mettre en place un plan de développement économique, ni d’améliorer les conditions sociales des Algériens. L’opposition peut imposer le changement en assumant ses responsabilités, en choisissant le camp du peuple, en exprimant mieux ses revendications, notamment le changement pacifique du pouvoir.

Comme le FFS, l’opposition peine à amener le pouvoir au dialogue. La CNLTD dont vous faites partie a-t-elle échoué ?

Ne croyez surtout pas qu’il soit facile de réunir l’opposition autour d’une même table avec un pouvoir autoritaire. La CNLTD a réussi ce pari. Elle a réussi surtout à s’entendre sur la manière de s’opposer au pouvoir. Ce qui est en somme un énorme pas.  L’initiative par contre nécessite plus d’efforts, davantage de sacrifices  pour aboutir. Nous nous sommes mis d’accord sur les mécanismes d’une transition pacifique et démocratique. C’est vrai que cette initiative a fait  face à des obstacles. J’invite  pour l’occasion  les membres de la CNLTD à faire face à leurs responsabilités historiques.

 Le président du MSP Abderrazak Mokri a lancé une initiative destinée justement à convaincre le pouvoir à s’ouvrir sur l’opposition…

Dialoguer avec le pouvoir est une perte de temps.

Mokri va-t-il  à contre-courant de la démarche de la CNLTD ?

Le bureau national  s’est déjà prononcé sur cette question. A la CNLTD, un accord a été établi sur le refus d’aller au dialogue individuellement pour chaque parti.

Pour le pouvoir la prochaine Constitution sera une occasion pour créer un consensus politique. Partagez-vous cette approche ?

 La prochaine Constitution servira à consacrer la  mainmise du régime sur le pouvoir. A travers cette démarche, le pouvoir veut créer un semblant de changement et prolonger sa durée de vie. Il est préférable donc qu’il n’y ait pas de révision.

 Le status quo est-il lié uniquement à la maladie du Président ?

C’est l’une des raisons et non pas la seule. Il y a une partie qui contrôle le pouvoir; qui refuse tout changement. Qui ne veut pas s’ouvrir sur la classe politique et l’empêche d’exercer ses droits. Preuve en est le refus d’autoriser la dernière réunion de la CNLTD.

 L’Armée a-t-elle une part de responsabilité dans cette situation?

 L’Armée doit rester neutre, et exercer ses missions constitutionnelles. Or, nous avons remarqué que cette institution sert à protéger le pouvoir. Ce qui constitue une grande erreur et un grave danger.

Etes-vous pour le retour de l’AIS sur la scène politique ?   

C’est leur droit. La politique d’exclusion ne mène à rien.

Un retour valable même pour ceux qui ont tué ?

 La crise qu’a connue le pays n’est pas la responsabilité d’une seule partie. C’est même la responsabilité de ceux qui ont pris la décision d’interrompre le processus électoral (en 1992).

Abdellah Djaballah a pris ses distances avec la scène politique. Pourquoi ?  

Effectivement, j’ai pris la décision depuis 2008 de prendre un peu de recul  par rapport à la scène politicienne, mais aussi vis-à-vis des médias pour une raison principale. Je ne suis pas satisfait du pouvoir qui veut s’imposer en entretenant un semblant de démocratie, ni de l’opposition d’ailleurs, qui a favorisé les intérêts personnels et partisans sur l’intérêt suprême du pays. Vous pouvez vérifier cela sur le terrain à travers la multiplication des partis politiques proches du pouvoir. Tout cela m’a amené à prendre du recul  pour consacrer un large temps à l’écriture et à la production intellectuelle.

Djaballah prépare-t-il sa retraite politique ?

Pendant mon parcours politique, j’ai été plusieurs fois trahi, j’ai subi des complots colportés par le pouvoir autoritaire qui a voulu briser la mouvance islamiste. Je n’avais aucun projet, ni ambition personnelle pour moi. La seule récompense, c’est celle d’Allah.


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