Embauche en Algérie : quand le mariage devient une contrainte pour les femmes

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Une annonce d’emploi diffusée par Air Algérie a intrigué les internautes algériens ces derniers jours. Pour être hôtesse de l’air, il faut être célibataire. Mais cette obligation ne concerne que les femmes. Rien n’est exigé pour les hommes. Alors chères algériennes, si vous souhaitez devenir hôtesses de l’air, n’envisagez pas de vous marier dans l’année, car vous risqueriez de vous disqualifier d’office. Dans une annonce de travail diffusée par la compagnie nationale Air Algérie on peut lire ceci :

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air algérie travail

Un physique exigé pour les futures hôtesses de l’air, jusque là rien de surprenant, toutes les compagnies aériennes du monde entier le demandent. Mais le célibat uniquement pour les femmes est un critère qui pourrait en dérouter plus d’une.

« Ce n’est pas discriminatoire »

Contactée par TSA, la compagnie aérienne s’explique : « Ce n’est pas discriminatoire, seulement la formation dure un an et demande beaucoup de disponibilités. Mais on n’empêchera certainement pas les femmes recrutées de se marier à l’avenir, si elles le souhaitent », explique Mounia Bertouche, chargée de communication chez Air Algérie. La responsable précise que le métier exige un travail de nuit régulier, et des absences répétées au domicile familial.

Or, cette obligation n’a finalement pas de sens puisque ces mêmes femmes recrutées peuvent se marier au cours de leur formation ou de leur mission au sein d’Air Algérie. La compagnie promet de les garder même si elles se mariaient dans l’année. Finalement à quoi bon exiger ce statut ? Tous les métiers de nuit, demandent-ils nécessairement le célibat ?

Pas forcément, par exemple dans les médias, la police, des métiers aux horaires très flexibles, parfois nocturnes, n’ont jamais demandé ce statut. Au contraire elles ont tendance à vouloir tout aménager pour préserver la vie familiale de leurs employées. « Au sein de la DGSN une mesure a été mise en place, les femmes avec une famille n’ont plus à travailler le vendredi », explique le commissaire Kamel Ouali, chargé de communication au sein de la DGSN.

Femmes à bannir ?

En revanche si l’on interroge des acteurs des ressources humaines, on nous concède qu’une femme mariée, n’est pas le profil idéal dans le secteur privé, voire celui que l’on préfère écarter. « De manière générale dans nos pratiques pour ce qui concerne le recrutement des femmes, on préfère prendre des célibataires », reconnaît un cadre du service des Ressources humaines (RH) d’une multinationale basée à Alger.

Les femmes mariées sont persona non grata dans les entreprises, et c’est un secret de polichinelle. « Lors de colloques sur les Ressources humaines, on m’a indiqué que c’est une préoccupation dans le recrutement. Une femme en plus mariée, sera plus absente qu’un homme. Elle ne peut pas rester trop tard au travail ou voyager à son aise. Dans une société conservatrice, il est difficile de trouver des femmes qui peuvent se permettre ces contraintes, sans que leur mari ou leur père ne leur fasse des remarques », explique notre cadre chargé des Ressources humaines.

Difficile de faire l’impasse dans un pays où les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail. Or, il semblerait que les recruteurs soient devenus contradictoires, les algériennes sont souvent prisées pour leur sérieux, mais d’un autre côté sont considérées comme contraignantes.

Mariage dans l’année, travail à éviter

Et comment ces entreprises font le tri ? Rares sont celles qui comme Air Algérie assument dans une annonce d’embauche « l’obligation de célibat ». « On ne peut pas ouvertement afficher ça dans une annonce d’embauche. Pour certains postes on va définir si l’emploi convient à un homme ou à une femme mais jamais demander le célibat et surtout spécifier que cela ne concerne que le sexe féminin », admet notre cadre RH. « C’est plus ou moins maquillé pendant l’entretien, durant la sélection. Parfois il y a certaines entreprises qui posent directement la question. Comptez-vous vous marier dans l’année ? Ou même allez-vous bientôt faire des enfants ? Les recruteurs veulent savoir en avance quelles seront ses disponibilités. Vous savez que les femmes mariées peuvent tomber enceinte. Avec les femmes célibataires ça peut prendre plus de temps », concède notre cadre.

Preuve que cette exigence est une norme dans les mentalités algériennes. Même les femmes en ont bien conscience, puisque d’après notre cadre RH, « la plupart, parce qu’elles ont besoin d’un travail, répondent normalement à ces questions. Elles ne s’en offusquent pas toutes. » De même si l’on épluche les annonces de demandes d’emploi on s’aperçoit que les femmes se sentent désormais obligées de décliner leur situation matrimoniale. « Femme mariée cherche travail ». Faudra-t-il plutôt stipuler « Femme mariée espère travailler » ?


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