Fraudes aux importations : pourquoi le phénomène explose

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Les services des douanes ont cette semaine une grande affaire de transfert illicite de devises à l’étranger via une banque étrangère installée en Algérie. Au total, 400 millions d’euros ont été transférés en 2013 et 2014. Derrière cette affaire, des importateurs frauduleux. L’opération a été largement médiatisée. Pourtant, cette affaire est loin d’être un cas isolé. « Les services des douanes signalent régulièrement des tentatives de transferts illicites de devises à l’étranger à travers des opérations d’importations. Plusieurs centaines d’affaires sont traitées annuellement et signalées à la Banque centrale», précise à TSA une source douanière.

Les importateurs mis en cause « utilisent deux procédés », selon notre source. « La surfacturation du produit importé et les fausses déclarations sur le produit ». « Pour certains, importer est surtout un moyen de faire sortir du pays des sommes colossales en devises », souligne notre source, qui attire notre attention sur les conteneurs en souffrance dans les ports. « On évoque souvent ces conteneurs en pointant du doigt la responsabilité des douanes. Mais il faut savoir que plusieurs importateurs, après avoir confirmé que leurs devises ont atterri dans une banque à l’étranger, abandonnent leurs marchandises dans les ports ». Une marchandise « bien sûr sans aucune valeur», affirme notre source. En ouvrant certains conteneurs abandonnés, les douaniers ont été surpris de trouver des gadgets, des bouteilles vides, du sable, etc…, comme le révélait TSA dès le 14 janvier. D’autres importateurs gonflent les factures. « Le problème c’est qu’ils recourent à cette méthode même pour les produits négociés en Bourse, comme le riz, le café, etc…». Parfois le prix de la marchandise déclarée « est dix fois supérieur à sa valeur réelle ».

Quel rôle pour la douane?

Pour notre source, la douane manque de moyens logistiques pour lutter efficacement contre la fraude. Mais des défaillances « existent aussi sur le plan juridique». « La loi interdit à la douane de se constituer partie civile quand une affaire d’importation illicite est portée au niveau de la justice », souligne notre source douanière. « La fraude est très souvent signalée par les douaniers après des enquêtes, mais dès que la Banque centrale est saisie, l’affaire nous échappe complètement, et c’est la Banque centrale qui mène les actions en justice ». Or, regrette la même source, « faute d’efficacité, plusieurs importateurs sortent indemnes de cette bataille juridique contre la Banque centrale, malgré les preuves irréfutables fournies par la douane».

Credoc et absence de volonté politique

Les douaniers pointent également du doigt le crédit documentaire. « On ne peut pas lutter contre la fraude et maintenir le crédit documentaire », affirment-ils. Mis en place par la LFC en 2009 pour réduire la facture des importations, ce document est devenu rapidement le moyen le plus simple de transférer les devises à l’étranger. « Une simple signature permet à n’importe quel importateur de placer ses devises dans une banque étrangère. Il faut avouer que ce procédé a compliqué davantage le travail des douaniers », souligne notre source. «Auparavant l’importateur ne pouvait transférer son argent sans l’aval des services des douanes qui lui délivraient un document de constat après avoir vérifié la marchandise transportée dans le conteneur. Maintenant l’argent est transféré avant même que la marchandise ne soit chargée dans les conteneurs», précise-t-elle.

Pour lui, la responsabilité est d’abord politique. «Lorsqu’on veut lutter contre la fraude et le transfert d’argent, il faut mettre les moyens et surtout avoir la volonté politique d’aller au bout de ses objectifs », conclut notre source.


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