ENTRETIEN. Anwar Haddam, ancien dirigeant du FIS : « Le recours aux armes n’était pas une solution »

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Anwar Haddam, 60 ans, ancien cadre de l’ex-FIS, pense enfin que le recours aux armes n’était pas la bonne solution pour combattre le pouvoir. Il ne renonce pas à la politique et conseille aux frères égyptiens, syriens et libyens de ne pas recourir aux armes…

La justice américaine a refusé de vous extrader. Une réaction ?

Après de longues années, la justice américaine a compris que toutes les allégations dont je faisais l’objet étaient infondées et qu’il n’y avait aucune raison de m’accuser d’avoir eu un lien quelconque avec les actes de terrorisme en Algérie. Donc, elle a rejeté la décision politique du ministre américain de la Justice datant de 2005. Ce ministre voulait m’expulser en se basant sur les accusations rapportées par une certaine presse en Algérie et aussi sur la base d’une demande de recherche d’Interpol. En fait, la cour fédérale a refusé mon extradition en l’absence de preuve sur mes liens supposés avec le terrorisme tout en confirmant le refus de m’accorder le droit à l’asile politique vu la décision du ministre de la Justice.

Quelles sont ces accusations ?

Je ne me rappelle pas de toutes les accusations. Mais je peux vous donner quelques exemples. On m’a accusé d’être derrière l’unification des groupes armés (en Algérie dans les années 1990). Chose qui n’avait aucun sens puisque je n’étais pas en Algérie. Mon arrestation en 1996 et ma détention qui a duré quatre ans étaient purement politique car la délégation parlementaire du FIS à l’étranger a eu un soutien international. Mais elle avait comme base juridique la loi sur l’immigration.

Pourquoi êtes-vous toujours recherché par Interpol ?

Plusieurs mandats ont été émis par Interpol. En février 1996, j’ai été reçu par Nelson Mandela, après, il y a eu un autre mandat qui a été émis m’accusant d’être allé en Afrique du sud pour trafic d’armes. Et puis, une certaine presse me lie à l’attentat du commissariat central. Dans El Watan d’aujourd’hui, un article revient là-dessus alors qu’aucun mandat d’Interpol n’a été émis à ce sujet. Officiellement, je n’ai jamais été accusé de cela.

Avez-vous revendiqué ou justifié l’attentat contre le commissariat central d’Alger ?

Non.

Á l’époque, vous aviez pourtant déclaré : « La bombe était destinée au commissariat de police qui est connu pour être un centre de torture »…

Dans l’affaire de l’attentat du commissariat central, je n’avais fait qu’un seul communiqué en février 1995, intitulé « communiqué explicatif de l’attentat » où j’avais dit dès la première phrase : « parmi les principes de base du djihad en islam figure celui de ne pas tuer les enfants, les vieillards et les innocents de façon générale ». Et j’avais déclaré (dans ce même communiqué) deux choses importantes : « le commissariat central, haut lieu de torture et d’exécution connu de tout un chacun, était apparemment visé » et qu’il fallait constituer « de toute urgence un comité indépendant d’enquête sur tous les actes de terrorisme et les atteintes aux droits de l’Homme en Algérie ». Si quelqu’un prend une phrase sans tenir compte du contexte, on ne peut rien faire.

Mais vous n’aviez pas condamné l’attentat ?

Nous avons condamné cet attentat. Le GIA m’avait même condamné à mort parce que j’avais demandé une enquête sur tous les actes du terrorisme. Mais nous disions en même temps à l’époque : pourquoi certains médias ne parlent pas des abus du pouvoir ? Je refuse et rejette le coup d’État (arrêt du processus électoral de janvier 1992, ndlr) des militaires et des putschistes et je défends le droit du peuple algérien à choisir ses représentants. Il faut savoir qu’il y a eu des abus des deux côtés. Et ceux qui ont commencé sont responsables car ils ont utilisé les armes contre nous.

Regrettez-vous ce qui s’est passé dans les années 1990 ?

Avec le recul, je crois que le recours aux armes n’était pas une solution car les régimes militaires peuvent toujours manipuler la violence. Donc quoi qu’il arrive, aujourd’hui, je suis contre le recours aux armes. Et cela même si le droit international nous donne le droit de nous défendre car nous étions élus par le peuple et il y a eu un coup d’État militaire. Maintenant, j’appelle les frères égyptiens, syriens et libyens à ne pas recourir aux armes car ce n’est pas une solution. Il faut une désobéissance pacifique.

Qui est responsable de la mort de milliers de personnes pendant cette période ?

J’ai toujours appelé au rétablissement dans la vérité sur tous les crimes horribles commis dans le cadre d’un État de droit et d’une justice indépendante. Je fais partie du groupe du FIS qui a toujours nié l’existence de branches armés du FIS. En tant que parti, le FIS ne s’est pas engagé dans la lutte armée.

Mais ceux qui sont montés au maquis se réclamaient du FIS…

Ce sont peut être des anciens membres du FIS mais ils ne sont pas montés au nom du FIS. Avoir des partis avec des branches armés est une dérive.

Souhaitez-vous toujours rentrer en Algérie ?

Oui, je travaille actuellement là-dessus. Je pense que c’est le moment de revenir car je serai plus utile à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Comment vous travaillez pour revenir ?

Il y a des négociations en cours.

Avec qui ?

Je ne voudrais pas en parler pour l’instant car il y a des gens qui s’opposent à mon retour. Mais cette fois-ci, je pense que nous avons frappé à la bonne porte.

Pourquoi voulez-vous revenir en Algérie ?

Je suis un Algérien et j’ai une famille en Algérie. J’avais quitté le pays dans le cadre d’une mission : représenter les élus du peuple auprès de la communauté internationale. Je n’ai pas arrêté de travailler pour mon pays.

Vous avez toujours des ambitions politiques…

Mon ambition est de créer avec mon groupe un nouveau parti politique après la création d’un centre d’études stratégiques pour que les décisions politiques soient prises sur la base d’études comme cela se fait partout dans le monde.

Où se trouve votre groupe ?

En Algérie. Je fais partie des politiciens appartenant au plus ancien mouvement islamique en Algérie : le Mouvement du renouveau civilisationnel (haraket bina hadari) que certains ont appelé le mouvement de Djazaara et qui a vu le jour cinq ou six ans après l’indépendance. En fait, j’appartiens à une mouvance islamique qui est bien enracinée en Algérie. Et nous voulons créer un véritable parti politique.

Vous pensez que les islamistes peuvent encore accéder au pouvoir en Algérie ?

Par les armes, non. Par le biais d’élections libres et d’un nouveau système politique exprimant le choix du peuple dans sa diversité, oui. Nous avons un projet politique que nous voulons présenter en toute liberté. Au fin fond du pays, le peuple sait qui est derrière cette décennie noire. Il nous connaît.

En quoi consiste votre projet politique ?

On ne peut pas présenter un projet politique dans une interview. Mais avant d’arriver à cela, il faut un consensus national pour un changement du système politique. Sur les cinq prochaines années, on ne peut pas parler de partis politiques à proprement dit. Il faut aller vers un nouveau système pour permettre au peuple de choisir librement ses élus. En fait, nous sommes dans une situation politique marquée par un échec total de ceux qui ont arrêté le processus électoral. Ils ont échoué à établir un État stable et l’État du 1er novembre.


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