ENTRETIEN. Bachir Frik, ancien wali : « La régionalisation est le modèle administratif idéal pour notre pays »

algérie

Bachir Frik, est un ancien wali. Dans cet entretien accordé à TSA, il revient sur l’organisation administrative en Algérie, ainsi que sur le nouveau découpage administratif annoncé mardi par le président Bouteflika pour les régions du sud.

Le découpage annoncé par le président Bouteflika est-il une bonne nouvelle pour les populations du sud ?

Tout d’abord je pense qu’il n’y aura pas de découpage administratif au vrai sens du terme. Selon le communiqué officiel, il y aura juste une réorganisation administrative. C’est tout. Juridiquement, la wilaya déléguée n’existe pas.

Le vrai changement consiste à donner des prérogatives réelles aux walis délégués. Je vous donne un exemple : au niveau de la wilaya d’Alger, tout le monde connaît Abdelkader Zoukh, mais on trouve rarement des personnes qui connaissent les walis délégués de Bouzareah, de Bir Mourad Raïs ou d’El Harrache. La raison est claire : ces derniers sont étouffés par le wali. Ils n’ont pas de prérogatives réelles. Ils travaillent sous la tutelle du wali comme des simples administrateurs.

Ces mesures pourront-elles apporter quelques améliorations ?

Il est claire que ces mesures ont été prises afin d’absorber la colère des citoyens au sud. Mais les citoyens ont protesté contre le gaz de schiste. Ils ont également protesté contre la marginalisation. Ils ont réclamé leurs droits. Mais ils n’ont pas protesté pour une nouvelle réorganisation administrative.

Cette période est déterminante pour l’Algérie. Il faut prendre de bonnes décisions et non pas faire des réactions. Ces nouvelles mesures visent à créer la wilaya déléguée d’In Salah à la place de la Daïra de In Salah. Si la réorganisation envisagée consiste à ça, elle ne va rien changer. Je trouve que ces mesures n’ont aucun sens et aucune importance.

Y a-t-il une différence entre les wilayas du nord et celles du sud ?

Le type de pressions dépend des richesses et des spécificités de chaque wilaya. Je pense que les walis au sud subissent beaucoup plus des pressions de la part des contrebandiers. Ces derniers veulent imposer leur loi tout au long de nos frontières sud. Le problème dans le nord est différent car il y a de grands intérêts, tels que le foncier.

Êtes-vous pour ou contre l’ouverture d’une enquête sur le décès de Mohamed Mounib Sendid, l’ancien wali d’Annaba ?

Le défunt était un homme brave et honnête. Nous avons déjà travaillé ensemble quand j’étais wali de Jijel. Actuellement, je ne fais plus partie du milieu, je ne peux juger s’il est nécessaire d’ouvrir une enquête ou pas.

Depuis le déclenchement de la polémique autour de sa mort j’ai discuté avec des hauts responsables à Annaba. Ceux qui étaient proches de lui, ils m’ont confirmé qu’il n’a pas subi de grandes pressions.

Vous avez publié un ouvrage intitulé « Le Wali en Algérie, au service de qui ? ». La question est toujours d’actualité ?

Officiellement, les walis sont au service des citoyens et de leur développement. Mais malheureusement, il y a ceux qui sont au service des groupes politiques, de groupes de pressions et même au service de certaines personnes. Il y a, aussi, ceux qui sont au service de leurs propres intérêts. On ne doit pas généraliser car il existe toujours des gens honnêtes.

À votre avis, quel est le modèle administratif qui convient le plus pour l’Algérie ?

Actuellement, c’est la centralisation qui règne en Algérie. Les prérogatives des walis sont, en effet, des prérogatives centralisées. Moi personnellement, j’opte pour la régionalisation. Je pense que c’est le modèle administratif idéal pour notre pays.

Cela ne constitue pas un risque pour l’unité du pays ?

Au contraire, cette division administrative respecte les spécificités de chaque région. Le wali régional aura pour mission de gérer plusieurs wilayas. En outre, personne ne peut détruire l’unité des Algériens. Pendant la période coloniale, la France voulait à tout prix négocier avec chaque région à part, mais elle n’a pas réussi.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici