Entretien. Abderrezak Mokri, président du MSP : « Notre marche a été bloquée, les salafistes ont été autorisés à marcher »

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Le MSP a lancé mercredi une campagne « Je suis Mohamed », en riposte au slogan « Je suis Charlie ». Vendredi, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues d’Alger pour dénoncer les caricatures du prophète Mohamed (QSSL), publiées par Charlie Hebdo. La manifestation a été émaillée d’incidents. Dans cet entretien, le président du MSP Abderrezak Mokri revient sur les raisons des débordements.

Le MSP a appelé à une marche contre les caricatures de Charlie Hebdo. Etes-vous satisfait de la mobilisation ?

On ne s’attendait pas à une telle affluence. Donc nous sommes très satisfaits. La manifestation était une réussite malgré l’interdiction des autorités et certains problèmes avec les forces de l’ordre.

Des manifestants ont scandé des slogans tels que « Kouachi Chouhadas ». Comment interprétez-vous cela ?

Ce ne sont pas des slogans qui ont été scandés au cours de notre manifestation (bloquée au 1er mai). Cela étant dit, je pense que ces slogans expriment des réactions de jeunes frustrés et en colère contre les manigances qui sont en train de s’opérer dans le monde. Sans vouloir leur chercher des excuses, il faut rappeler que ces jeunes n’ont plus que leur voix et vont vers ce genre d’excès à cause de ce jeu malsain des forces occidentales.

En quoi consiste ce jeu malsain ?

Je veux parler de cette logique du deux poids deux mesures. Les gens ont vu des enfants décimés par l’aviation israélienne dans le silence complice des forces occidentales. Ils ont également vu tous ces dirigeants du monde qui se sont déplacés à Paris pour Charlie Hebdo, alors qu’ils n’ont pas bougé pour les enfants de Gaza et ceux de la Syrie. Encore une fois, ces gens sont frustrés. Le fait que M. Natanyahou était au premier rang avec M. Hollande lors de la marche à Paris constitue une provocation.

Le président palestinien avait également participé à la manifestation…

Le président palestinien n’est pas étranger à ce système mondial où les plus forts imposent leurs règles au reste du monde.

Comment expliquez-vous que la marche à Alger se soit transformée en émeute ?

Notre manifestation s’était bien déroulée et nous sommes rentrés sans problème. Nous n’avons pas d’informations sur ce qui s’est exactement passé ailleurs. Certes, nous condamnons tout acte de violence mais nous considérons aussi que ces gens sont frustrés par cette logique du deux poids deux mesures.

La manifestation n’a-t-elle pas été récupérée par les salafistes avec tous ces slogans de l’ex-FIS et ceux glorifiant Daech ?

C’était une manifestation populaire de citoyens algériens à laquelle nous avons participé. (Pour les slogans du FIS et ceux glorifiant Daech), je pense que lorsque les autorités ne donnent pas d’autorisations à des partis politiques qui sont connus, reconnus et qui ont des agréments, les choses se passent toujours de cette manière. Les autorités tolèrent certaines manifestations qui constituent une sorte de soupape quand il y a beaucoup de pression. Et elles font tout pour interdire l’organisation d’autres manifestations par les partis agréés. La récupération de ce genre de manifestations par les salafistes intéresse les forces de l’ombre en Algérie. Car certains de ces salafistes sont liés à ces services occultes.

Est-ce que caricaturer le prophète justifie tant de violence en Algérie et ailleurs ?

Il faut être objectif ! Les actes de violence étaient marginaux. Dans tous les pays musulmans, les manifestations étaient pacifiques. Mais on ne peut pas écarter les excès qui existent partout. Evidemment, on condamne la violence mais on a tout de même assez d’intelligence pour comprendre ce qui se passe dans le monde. L’extrémisme et l’intégrisme sont fabriqués par l’injustice.

Pourquoi la CNLTD n’arrive pas à mobiliser autant de personnes ?

Hier, il s’agissait d’une question qui concerne tous les Algériens, toutes convictions confondues. Les Algériens ne sont pas en désaccord sur la religion et sur le prophète (QSSL). L’islam est le ciment qui rassemble tous les Algériens comme cela a été le cas pendant la guerre de Libération. Ensuite, la CNLTD n’a pas choisi d’appeler les gens à manifester sans autorisation. Au MSP, nous avons participé parce que nous avons une certaine expérience et nous savions que la marche allait être tolérée mais encadrée. Enfin, notre manifestation a été bloquée au 1er mai alors que les salafistes ont été autorisés à marcher au-delà du 1er mai comme cela s’est passé lors de la manifestation pour Gaza. Je pense que la carte de certains salafistes est une carte dont on discutera beaucoup à l’avenir.


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