REPORTAGE. In Salah, la mobilisation contre le gaz de schiste ne faiblit pas (VIDÉOS)

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Magasins, institutions et cafés fermés, des établissements scolaires boudés par les élèves, les transports quelque peu perturbés et des militants anti-gaz de schiste toujours aussi mobilisés. Durant toute la journée de mardi 13 janvier, In Salah a été une ville morte. Pourtant, depuis le début du mouvement de protestation, il y a près de quinze jours, plusieurs tentatives ont été menées pour calmer les esprits et mettre fin à cette situation de blocage. Peine perdue ! Les habitants de cette petite ville gazière qui abrite les champs de Hassi Moumène, Teg, Reg et Kracheba semblent déterminés à aller jusqu’au bout. Retour sur une mobilisation unique au sud du pays.
20150113_112546 1« La façon de faire… »

Au-delà du fond du problème, c’est aussi la forme qui a suscité la colère des habitants d’In Salah. « La façon de faire ne nous plait pas », lâche Abdelkader Bouhafs, ingénieur en télécommunication à Sonatrach et l’un des représentants de la société civile. Aucune information n’a été donnée aux habitants, selon lui. Youcef Yousfi, Ministre de l’énergie, était venu pour le forage pilote en l’absence des autorités locales et de la société civile. « Nous avons su pour le forage le soir en regardant la télé ! Mais je sais pourquoi ils ont fait ça. Ils voulaient montrer que le forage était dans un endroit désertique où il n’y avait pas d’habitant », dénonce Salah Azzi, cardiologue à l’hôpital d’In Salah.

Après le déplacement du Ministre de l’énergie, des membres de la société civile dont des militants associatifs, ont tenu des réunions pour débattre du sujet. « Des étudiants et des associations ont organisé des journées d’informations avec des jeunes. On en a parlé avant le mouvement de protestation », explique le Dr Azzi. Des jeunes sont ensuite passés à l’action en coupant la route avant l’organisation d’un sit-in devant le siège de la daïra.

 

Des mensonges

Dans ce dossier, il y a eu « des mensonges », accuse M. Bouhafs. « Ils disent que c’est loin, alors que le forage est situé à 25 kilomètres à vol d’oiseau de la ville. L’exploitation devait intervenir en 2022 aussi. Au début je n’arrivais pas à croire que les travaux étaient déjà lancés », avance-t-il.

Les habitants d’In Salah sont aujourd’hui convaincus que l’exploration du gaz de schiste est une opération « à haut risque ». « Ce qui aggrave les choses, c’est que le forage se trouve à proximité des ressources hydriques et de la population », assure Abdelkader Bouhafs. « C’est une menace directe ! », poursuit-il.

 

« Des produits chimiques… »

Ce militant anti-gaz de schiste évoque le danger que représentent certains produits chimiques utilisés dans la fracturation. Il tourne en dérision la façon avec laquelle les experts dépêchés d’Alger ont expliqué les choses. « Ils nous disent que ce sont des produits naturels, du jus d’orange peut-être ! », ironise-t-il. Notre interlocuteur parle même de risques « de failles géologiques ». Les conséquences n’interviendront pas immédiatement, selon lui. « Dix ans peuvent s’écouler sans que rien ne se passe ». Les conséquences des essais nucléaires à Reggane sont toujours là, selon lui. « Nous avons des familles originaires de Reggane. Jusqu’à maintenant, elles ont des enfants avec des malformations », note-t-il.

 

20150112_171127 1« Sonatrach n’a jamais maîtrisé la technologie ! »

Comme beaucoup d’autres habitants d’In Salah, Abdelkader Bouhafs estime que la Sonatrach n’a pas pris les dispositions nécessaires pour l’exploration du gaz de schiste dans la région. Pour lui, le groupe n’a jamais maîtrisé la technologie. « A Sonatrach, comme à Algérie Télécom, on achète la technologie, on fait une petite formation et on travaille avec », explique-t-il avant d’appeler Sonatrach à prouver aux Algériens qu’elle maîtrise bel et bien les choses. Et puis, comment faire confiance à une institution qui n’arrive même pas à maîtriser l’état de ses infrastructures. « Regardez l’état de l’établissement de Naftal, regardez la clôture », déplore Dr Salah Azzi.

Abdelkader Bouhafs pense qu’il indispensable d’arrêter le forage pilote avant d’aller vers un débat national dans lequel participeront tous les Algériens. La question ne concerne pas uniquement les habitants d’In Salah, selon lui. Il est également nécessaire d’impliquer toutes les institutions dans le processus, explique-t-il, pour évaluer tous les risques et les vulgariser. « Ce n’est pas en parlant dans une salle d’hôtel qu’on donne des garanties ! ».


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