Gaz de schiste : les arguments forts de la population, les contre-vérités du gouvernement et de Sonatrach

in salah

Depuis près de deux semaines, les habitants d’In Salah manifestent pacifiquement contre l’exploitation du gaz de schiste dans leur région. D’autres régions telles que Ouargla se sont jointes en solidarité avec les habitants de In Salah pour dire non au gaz de schiste.

Pour soutenir cette démarche, les habitants d’In Salah ont présenté deux arguments majeurs contre l’exploitation du gaz de schiste. Le premier argument, le plus important, est la pollution que va engendrer l’exploitation du gaz non conventionnel. Les citoyens d’In Salah arguent que le premier forage est réalisé dans une zone de pâturage non loin du centre-ville. Le fracking contaminera inévitablement les eaux souterraines, et engendrera des conséquences désastreuses sur l’élevage et les ressources hydrauliques de la région.

Des habitants laissés-pour-compte

L’autre argument présenté par les manifestants est que la région ne profite absolument pas de l’argent engendré par la vente des hydrocarbures. Et en effet, comme a pu le constater notre envoyée spéciale, In Salah ressemble à une terre désolée où les habitants sont laissés-pour-compte. Le témoignage poignant d’un habitant d’In Salah qui considère Alger comme un paradis sur terre en dit long sur les conditions de vie extrêmement difficiles auxquelles sont soumis les habitants d’In Salah.

En réponse à ces manifestations et à ces inquiétudes légitimes, le gouvernement a, en premier lieu, adopté une attitude de dédain et a refusé tout commentaire. Cette attitude de moins en moins tenable au fil des jours, le gouvernement s’est par la suite décidé à communiquer par le biais d’une campagne via les médias publics.

Saïd Sahnoun, le P-DG par intérim de Sonatrach a effectué un entretien sur la Chaîne III de la radio algérienne. Youcef Yousfi, ministre de l’Énergie, a quant à lui, effectué un déplacement à In Salah dans le but de rassurer la population locale. Même la ministre de l’Environnement, Dalila Boudjemaâ, a fait une déclaration sur le sujet ce dimanche à Sidi Bel Abbes.

Contre-vérités du gouvernement

Le message que fait passer le gouvernement se veut simple : l’exploitation de gaz de schiste ne représente aucun danger pour l’environnement. Les ministres assurent en effet qu’aucun impact négatif ne sera enregistré. En adoptant une telle position, le gouvernement va à l’encontre de toutes les études scientifiques qui ont été effectuées. En effet, la fracturation hydraulique pollue la nappe phréatique, renforce le risque de réactivation des failles sismiques, peut causer la fuite massive de méthane dans les sols et consomme d’énormes quantités d’eau, ce qui est problématique dans une zone aride comme le sud algérien. Le gouvernement adopte donc une contre vérité scientifique intenable face aux faits.

L’autre argument présenté par le gouvernement est que l’Algérie n’a pas d’autre choix pour assurer son avenir que d’exploiter les gaz non conventionnels. « Il faut garantir l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants », déclarait Yousfi lors de son déplacement à In Salah. Un argument qui ressemble plus à un chantage émotionnel qu’à un réel appel à la solidarité des habitants d’In Salah. Pire encore, cette position laisse penser que le gouvernement ne voit aucun autre avenir prospère sans les hydrocarbures. La dépendance aux hydrocarbures dans la stratégie gouvernementale semble totale, et ne laisse rien présager de bon. Les discours du gouvernement concernant les politiques de « diversification économique » semblent bien loin.

Les réponses du gouvernement face aux demandes des habitants d’In Salah ne sont donc pas suffisantes. Les arguments proposés ne semblent clairement pas valables, et ne risquent certainement pas d’apaiser les manifestations. Le mépris dont fait preuve le gouvernement pour une région du Sud dépourvue de tout est suintant. Le gouvernement se doit maintenant de parler aux habitants d’In Salah comme à des adultes, et de trouver des solutions pour répondre à leurs inquiétudes.


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