Pour la compagne de Messali Hadj, « il était évident que l’Algérie allait devenir indépendante » 

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A l’occasion de la diffusion prochaine* de son documentaire intitulé « Emilie Busquant, une passion algérienne » et consacré à la compagne de Messali Hadj, le journaliste-réalisateur Rabah Zanoun, répond à nos questions et revient sur les propos de Saïd Saadi.

Parlez-nous de la genèse de votre documentaire. Comment vous est venue l’idée de ce projet et quel en est le but ?

 J’ai lu énormément de livres sur la guerre d’Algérie. C’est une période de l’histoire qui me concerne de très près. Lors de mon précédent film en 2008, « Le choix de mon père », j’ai questionné d’une certaine façon la guerre d’Algérie, à travers le parcours de mon père.

Aujourd’hui, pour ce film concernant Emilie Busquant, ce qui m’a interpellé, c’est son parcours et son action en faveur de l’Algérie libre. Comme moi, elle est née en Lorraine. Dans mon précédent film,  je pars de la France vers l’Algérie, pour lire cette histoire, une sorte  « d’immigration à l’envers ». J’ai surtout cherché à comprendre le déni et l’oubli de cette femme militante de la première heure. Elle aurait cousu le premier drapeau algérien, elle aurait remplacé Messali Hadj aux heures les plus dures du nationalisme algérien. Il ne s’agit pas de réhabiliter Emilie Busquant, il s’agit de ressortir un destin oublié de l’Histoire.

Avez-vous rencontré des difficultés à rassembler les informations concernant la vie d’Emilie Busquant ?

 Oui, dans le sens où toutes les archives concernant Emilie Busquant ont disparu aujourd’hui. Elle est née en 1901, rares sont ceux qui l’ont connue. Je me suis appuyé sur sa fille, Djanina, qui a partagé 15 ans de sa vie. Et sur l’énorme travail qu’a réalisé Marie-Victoire Louis sur Emilie Busquant. Une somme impressionnante de recueils, de témoignages, d’archives, de correspondances privées et officielles, de recherches historiques. J’ai interrogé des historiens comme Benjamin Stora, Mohammed Harbi, Alain Ruscio et également Mohamed Benchicou.

Au vu de vos recherches sur le couple, avez-vous plus d’informations sur la position de Messali Hadj lors du processus d’indépendance de l’Algérie et sur le conflit Messali-FLN ? 

 Mon film évoque le parcours d’Emilie Busquant, la compagne de Messali Hadj. Elle est morte en octobre 1953, quasiment une année avant le début de la guerre. Je n’ai pas découvert d’information supplémentaire, pour Emilie, il était évident que l’Algérie allait devenir indépendante. Elle souhaitait connaître l’indépendance de son vivant.

Que pensez-vous de la récente polémique engendrée par les propos de Saïd Saadi ? 

Sincèrement, je ne suis pas un spécialiste de la vie politique algérienne. Je les ai lus, ils m’ont surpris par leur virulence. Maintenant, convoquer le passé à des fins politiques ne me semble pas la meilleure des stratégies. Que Saïd Saadi engendre une polémique, prouve encore une fois, qu’aborder l’Histoire du nationalisme en Algérie est encore un sujet qui suscite débat, réaction et polémique. Parce que l’Histoire est encore à découvrir et à écrire.

Suite à ces déclarations (de Saïd Saadi) une information judiciaire a été ouverte par le parquet d’Alger, ne devrait-on pas plutôt laisser place au débat ?

Mais il faut un débat, public et transparent. Je crois aux vertus du dialogue, à un apaisement des mémoires. Il faut cesser cette guerre des mémoires. Bien entendu, il faut aborder toutes les plaies qui empoisonnent la vérité. Mais jeter l’anathème ne me semble pas le cadre idéal pour un échange. Et débat ne veut pas dire insulte. Comparer Messali à Pétain, est un raccourci effrayant. Que Messali se soit opposé au FLN est un fait, mais il me semble que cet homme a payé chèrement (25 années de privation de liberté) ses convictions.

 

 

*Le documentaire qui met en lumière le rôle d’Emilie Busquant, oubliée par les livres d’histoire français et algériens, sera diffusé le 24 janvier sur la chaîne France 3 Lorraine et le 26 janvier sur France 3 National.

 

 


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