ENTRETIEN. Abderrezak Mokri, président du MSP : « Ceux qui nous gouvernent n’ont pas de vision »

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Abderrezak Mokri est le président du MSP et fait partie de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD). Dans cet entretien, il revient sur plusieurs sujets dont les consultations autour de la révision constitutionnelle, le décès du wali d’Annaba, Madani Mezrag…

Comment interprétez-vous le nouvel appel lancé par le Président à l’opposition pour participer aux consultations autour de la révision constitutionnelle ?

D’abord, concernant le cadre, Monsieur le président de la République s’est adressé à la Nation par écrit et non par le biais de la télévision comme font tous les présidents dans le monde. Cela mérite beaucoup de réflexion. Ensuite, sur le contenu, il nous a habitués à des réactions aux difficultés qu’il rencontre. Le Président essaie de répondre à une crise économique et à des pressions par des comportements habituels. C’est-à-dire en essayant de gagner du temps pour dépasser cette phase difficile en espérant que le pétrole reprenne le plafond souhaité. Et cela veut dire qu’il n’y a pas de vision. Or, la solution commence par une vision claire du pays. Et nous sommes en train de constater que ceux qui nous gouvernent n’ont pas de vision, ne savent pas où aller et ne savent pas où va l’Algérie. Qu’ils sont en train de tâtonner sur le plan politique et économique.

Cet appel est-il un aveu d’échec des précédentes consultations autour de la révision constitutionnelle ?

Bien sûr qu’il s’agit d’un échec avoué qui est clair, net et sans appel. Le Président constate que le pouvoir politique est isolé. Et il veut donc une meilleure sortie pour ces concertations. Mais c’est du déjà-vu. Nous avons une certaine expérience dans ce domaine et nous sommes très conscients que ce n’est pas la solution pour l’Algérie.

Le Président a affirmé que cette révision n’est pas au service d’un pouvoir ou d’un régime. Est-ce que vous le croyez ?

On n’y croit pas ! On veut crédibiliser cette révision à travers la participation des partis politiques. L’Algérie a besoin d’un véritable consensus national qui repose sur un dialogue authentique et sincère. L’opposition a proposé une vision bien déterminée dans la plateforme pour les libertés et la transition démocratique. Et nous (au niveau de l’opposition) avons bien identifié le premier pas de bonne intention, c’est l’installation d’une instance indépendante d’organisation des élections.

Quelle sera donc votre réponse ?

Il n’y a rien de nouveau pour qu’on change notre position. Donc, on continuera à travailler avec toute l’opposition pour les libertés et la transition démocratique.

Comment allez-vous imposer votre projet ?

Nous continuerons à travailler avec l’opposition pour essayer d’exercer le maximum de pression politique et pacifique sur ce pouvoir pour qu’il accepte d’aller vers un véritable dialogue et un véritable consensus pour garantir les libertés souhaitées par toute la classe politique et aller vers une transition démocratique qui est dans l’intérêt de tout le pays.

Que comptez-vous faire concrètement pour exercer cette pression ?

Nous allons faire ce que font tous les partis politiques dans tous les pays du monde. Nous exercerons cette pression  par l’action politique. C’est-à-dire à travers les meetings, les conférences thématiques, les sit-in et le travail de proximité avec les citoyens dans toutes les wilayas. Nous allons élever notre voix et essayer d’éveiller la conscience des Algériens et leur faire comprendre l’utilité, les objectifs et la finalité de notre (projet). Il est nécessaire qu’on soit très proches d’eux. Car c’est le peuple qui décidera. Nous sommes de simples partis politiques qui font partie de ce peuple, mais qui ne sont pas le peuple.

Le Président prépare une révision constitutionnelle, reçoit des responsables étrangers… Peut-on réellement parler de vacance du pouvoir ?

D’abord, je pense que le Président agit par réactions à une pression exercée par l’opposition. Ensuite, il n’y a pas un exercice normal du pouvoir comme c’est le cas dans tous les pays à travers le monde. Donc effectivement, il y a une certaine vacance du pouvoir même si on essaie de donner l’impression que le Président est présent. Cela dit, au MSP, nous ne considérons pas que le seul problème du pouvoir soit le Président. Nous estimons que tout le système politique est en crise et que tous les décideurs ont une responsabilité. Certains partis font une fixation sur le président de la République, mais ce n’est pas notre position. Pour nous, cette crise de la présidence est l’une des facettes de la crise globale du système politique.

Pourquoi le traitement de certaines affaires de corruption accuse-t-il tant de retard ?

La corruption est l’un des outils essentiels de l’exercice du pouvoir en Algérie. Ce dernier a utilisé la généralisation de la corruption pour pouvoir perdurer et se stabiliser. Par son biais, il a fidélisé un certain nombre de forces économiques politiques qui ont trouvé leurs intérêts dans ce système. Donc nous avons la grande corruption (des gens les plus proches du système) et la petite corruption (celle du simple fonctionnaire dans une commune éloignée qui trouve son intérêt dans cette corruption et qui résiste à toute tentative de changement). Et entre les deux, il y a tout un système de corruption généralisée à tous les échelons et dans tous les domaines de l’institution de l’État algérien.

Êtes-vous satisfait de la réponse du ministre de l’Intérieur concernant l’affaire du décès du wali d’Annaba ?

Le fait que le ministre réponde veut dire qu’il y a un problème, qu’il y a une crise. Beaucoup de choses se disent autour de ce décès et le ministre a répondu à ce qui se dit. Si nous étions dans un État de droit où il y a une séparation des pouvoirs, le problème ne se serait pas posé. C’est-à-dire que ce n’est pas au ministre de s’exprimer sur ce sujet. Le procureur d’Annaba aurait pu ouvrir une enquête, aider à ce que la vérité soit connue par tout le monde et faire taire les rumeurs. Mais puisque notre système est dominé par le pouvoir exécutif, la justice ne peut pas bouger et le Parlement aussi. Tout le monde attend les ordres.

Pensez-vous qu’il y a un retour des intégristes sur la scène politique, dont Madani Mezrag ?

Certains de ceux-là sont des amis du pouvoir. Lorsqu’on parle de Madani Mezrag, on parle d’un ami intime de grands responsables du pouvoir. Et il le dit et il s’en vante. Il parle de personnalités très importantes dans le système qu’il considère comme des amis. Le pouvoir utilise tout. Madani Mezrag peut organiser des universités d’été alors que nous, nous ne pouvons pas le faire ni dans les forêts ni dans les universités.


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