ENTRETIEN. Hassan Khelifati, P-DG d’Alliance Assurances : « On réclame la hausse des tarifs des assurances »

Alliance

Le président Bouteflika a demandé au gouvernement de développer le marché financier pour diversifier les sources de financement des projets publics. Qu’en pensez-vous ?

C’est une très bonne nouvelle. Il y a des orientations très claires pour aller plus vite dans les réformes. L’Algérie se trouve devant des défis énormes, avec la chute des prix du pétrole. Cette baisse peut constituer une opportunité pour le pays de développer son marché financier et diversifier son économie. Pour l’instant, l’Algérie ne dispose pas d’un marché financier et boursier à même d’accompagner son économie. Les orientations présidentielles sont très claires. Les premiers résultats sont attendus dès le premier trimestre 2015. Il faut un marché financier dynamique, flexible et moderne pour donner de la perspective.

La nouvelle donne de la chute des recettes pétrolières doit nous orienter vers des reformes nécessaires dans la modernisation des administrations économiques et locales et la formation des ressources humaines nécessaires à ce nouvel élan de l’économie nationale. Un effort particulier doit être dirigé pour la simplification des procédures à tous les niveaux. L’administration doit être un accompagnateur qui pourra rendre des comptes à la collectivité sur ses décisions notamment dans le domaine économique. La diversification de l’économie nationale pour créer la richesse, des postes d’emplois et se substituer aux importations ne se décrète pas. Elle a besoin d’un plan d’action global et cohérent. Nous avons les moyens de le faire et les compétences existent. Le collectif Nabni a fait un travail extraordinaire sur ce qu’il faut faire et les choix à faire. Á mon avis, il mérite qu’on le regarde avec un certain intérêt pour y extraire des solutions qui peuvent être mises en place rapidement et par des compétences algériennes.

En tant que premier vice-président de l’Union des assureurs algériens UAR, quelles sont les perspectives de développement pour le marché des assurances ?

Sous l’autorité du président de l’UAR, nous avons mis en place un plan d’action sur quatre ans, que nous allons exécuter en concertation avec les pouvoirs publics et nos dhérents. On va mener des actions fortes pour régler le problème des délais de règlement des sinistres et de la qualité des services. Donc on va gérer le passif et démarrer sur de nouvelles bases. Les dirigeants des compagnies ont la ferme volonté de prendre le taureau par les cornes et régler les problèmes fondamentaux qui se présentent au secteur, notamment le problème des retards dans le règlement des sinistres et la communication. Nous avons bon espoir de concrétiser cela dès les premiers mois de l’année 2015 en toute collaboration et dans l’intérêt général du secteur, afin de changer l’image et la qualité de service dans les assurances en Algérie.

Le secteur des assurances n’est pas moderne. Avez-vous des projets de réformes à soumettre aux pouvoirs publics ?

Nous allons discuter avec les pouvoirs publics pour réformer certains textes pour moderniser le secteur pour qu’il puisse mieux participer à la dynamique globale de l’économie nationale. Nous pensons aussi revenir sur la responsabilité et la solidarité entre les acteurs pour assainir la situation et prendre les décisions les plus adéquates pour améliorer la qualité du service, mettre un terme à la guerre des prix et revenir aux fondamentaux. Tout cela ne pourra qu’être au profit des acteurs du secteur et de l’économie nationale. La croissance du secteur est en ralentissement. On prévoit environ 7% en 2014, contre 13 à 14% l’an dernier. Il nous faut donc trouver de nouveaux relais de croissance pour le secteur des assurances.

Quel est le chiffre d’affaires et le montant des investissements d’Alliance assurance en 2014 ?

Nous avons décidé, en interne, de faire une sorte de halte dans l’expansion de notre réseau. Nous voulons consolider nos bases et travailler sur nos acquis. On va procéder à une réorganisation, un rajeunissement et l’amélioration de nos fondamentaux. Alliance Assurances fêtera en 2015 ses 10 ans de présence sur le marché. Il est nécessaire de faire une halte et un bilan pour passer à une nouvelle phase de consolidation. Nous avons fait beaucoup de réalisations durant cette première phase et nous comptons nous améliorer encore plus en nous rapprochant plus de nos assurés et en améliorant sans cesse nos produits et nos prestations. Nous préparons l’année 2015 en toute sérénité et nous concentrons nos efforts à l’amélioration et à la modernisation de la gestion du sinistre et à l’innovation pour offrir à nos clients des produits plus adaptés. Alliance Assurances prévoit de clôturer l’année 2014 avec 4,4 milliards de dinars de chiffre d’affaires, en hausse de 7% par rapport à 2013. Le secteur dans sa globalité attend un chiffre d’affaires entre 121 et 122 milliards de dinars.

L’assurance « vie rencontre » a-t-elle eu du succès auprès des Algériens ?

Il n’y a pas beaucoup d’évolution par rapport aux années précédentes. Elle n’est pas encore très développée (environ 7% du marché). On ne prévoit pas beaucoup de nouveaux produits sur le marché, parce que nous n’avons pas de marché financier assez développé. Il n’y a pas assez de perspectives de construction, de placement et de rentabilisation de nouveaux produits. Aujourd’hui, les compagnies sont essentiellement limitées à l’assurance voyage, de petits produits concernant les complémentaires de santé, et un peu de crédit adossé à des accords de bancassurance avec les banques. La réforme et la séparation des activités n’ont pas donné les résultats escomptés.

L’assurance automobile est présentée comme déficitaire. Y-a-t-il des perspectives d’amélioration ?

La branche automobile est déficitaire dans la partie « Responsabilité civile ». C’est la partie qui couvre les dommages corporels et les dégâts occasionnés par les assurés. Il y a également un problème d’éthique et d’égalité entre les assurés. Ceux qui souscrivent pour une assurance tout risque payent pour ceux qui se limitent à l’assurance responsabilité civile ou ce qu’on a appelé dans le jargon populaire celle de la route, alors que ces derniers font plus de dégâts. Nous pensons que ce problème est fondamental et que le produit assurance doit être abordé comme produit économique devant obéir à des règles de marché. Les bons assurés ne doivent pas payer pour les assurés à forte sinistralité. Cette situation crée un déséquilibre de branches qui nuit énormément aux finances des compagnies et donc à la qualité de service et de remboursement. Nous avons donc demandé une révision des tarifs de la branche responsabilité civile pour l’automobile. En ce moment, pour chaque dinar engrangé, les assureurs payent 2 à 3 dinars. Je dois préciser que cette augmentation ne concerne pas la totalité du contrat automobile mais seulement la partie responsabilité civile, la plus sinistrée et qui ne représente qu’entre 2% à 10% du montant d’un contrat tout risque par exemple.

Vous réclamez donc une augmentation des tarifs des assurances ?

Oui, on le demande depuis quelques années. Sur la base d’une étude faite par des experts, nous avons constaté un déficit. Donc on va discuter au sein de l’UAR, puis avec les pouvoirs publics pour essayer de revoir certains prix. Mais je ne peux pas vous dire quand cela rentrera en vigueur. Il y va de l’équilibre technique et financier des entreprises et de leur survie future notamment avec l’augmentation du coût des sinistres à travers la pièce de rechange et le SNMG.

Les nouvelles normes de sécurité sur les voitures importées vont-elles influer sur le prix des assurances ?

Á l’avenir, ces nouvelles normes rentreront dans la détermination du coût de l’assurance. Par exemple, les puces de géo-localisation permettront de réduire les primes sur le vol de voiture. Les normes de sécurité proprement dites peuvent, à terme, contribuer à la réduction des prix de l’assurance. On pourra regarder cela de plus près, lorsque l’environnement global y sera adapté.

Les compagnies d’assurance publique représente-t-elle une forte concurrence pour le secteur privé ?

En effet, il y a une forte concurrence sur le marché. C’est psychologique en réalité. Il y a une circulaire qui date de 2004, abrogée en 2007, qui obligeait les entreprises publiques à déposer leurs avoirs dans les banques publiques. C’est resté dans les esprits. Ce que nous dénonçons, c’est l’excès de zèle de certains managers qui établissent des cahiers des charges excluant de fait une partie du marché et les empêchent de soumissionner, sans lui donner la chance de participer aux appels d’offres. Parfois ces cahiers des charges sont carrément restreints à certaines compagnies. Par exemple, on exige 20 ans d’expérience dans l’assurance ou un capital minimum de 4 milliards de dinars, le double de ce que la loi exige. Ces clauses excluent, de facto, une partie du secteur des assurances. Cela crée la distorsion de la concurrence et des situations que nous avons crues déjà révolues. Nous avons dénoncé cela au Conseil de la concurrence et nous attendons la suite car il y va de la bonne santé et des pratiques saines au sein de notre économie. Nous n’acceptons pas que certains managers se substituent aux législateurs et dictent leurs propres lois en toute illégalité et impunité.

Alliance Assurances est cotée en bourse. Quelles sont les perspectives de développement sur la place d’Alger ?

Il n’y a pas beaucoup d’avancement par rapport aux derniers constats que l’on a fait sur le dynamisme du marché secondaire et le problème fondamental du système de cotation et de la liquidité des titres. Nous avons appris qu’il y avait une réflexion au niveau des autorités pour que les acteurs financiers s’impliquent davantage dans le développement et l’animation de la place boursière afin de donner une profondeur au marché et impulser la dynamique. Nous attendons des signaux forts de la part des autorités financières notamment après l’insistance du président de la République pour développer le marché financier avec une perspective des premières décisions sur les trois mois. Cela nous donne beaucoup d’espoir et nous y croyons fermement. L’Algérie a les capacités de choisir des chemins de croissance très rapidement.

Quels sont vos motifs d’espoir ?

On attend l’arrivée de huit entreprises publiques à la bourse d’Alger. Cela va représenter quelques milliards de dollars. Il faut s’y préparer. En revanche, il ne faudrait pas que ces entrées en bourse consistent à un rachat par les banques publiques et les institutions de la partie à mettre en bourse. Il faut absolument mobiliser les petits porteurs, c’est-à-dire l’épargne du public, pour développer la bourse et créer le marché sinon se sera encore une occasion perdue. Nous espérons cette arrivée dans des délais raisonnables.

L’Algérie a le potentiel et les capacités d’avoir une place financière forte et solide et un marché financier dynamique qui peuvent accompagner la diversification de l’économie nationale. Pour cela il faut des décisions fortes et courageuses afin d’honorer les orientations du Président et sortir réellement de l’économie basée sur le pétrole. Les compétences nationales sont disponibles soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, il suffit de leur faire confiance et les solliciter et ils vous feront des merveilles.


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