ENTRETIEN. Abdelmalek Sahraoui, P-DG de Promo Invest : « L’Algérie n’a pas intégré la culture de l’export »

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Abdelmalek Sahraoui est le P-DG de la Holding Promo Invest, qui inclut les groupes GGI Filaha (Slatna Fruits, Aghriss Légumes…) et Taqa Invest (Petroser, Citergaz…).

 L’Algérie mise sur l’agriculture pour diversifier son économie pour faire face à la chute des prix du pétrole. Est-ce que c’est possible ?

Bien sûr, c’est une approche inévitable. C’est nécessaire pour trouver un salut pour notre économie et atteindre une autosuffisance alimentaire.

Il faut faire la distinction entre l’amont et l’aval agricole. Il y a une faiblesse dans l’amont, c’est-à-dire, les exploitations agricoles. Nous avons pourtant des terres vierges, des ressources hydriques avec des nappes phréatiques non-exploitées.

Par ailleurs, la question du foncier, qui représentait un problème important, a été définitivement réglée grâce à la politique sage du Président Abdelaziz Bouteflika, qui consiste à la mise en place du principe de concession des terres agricoles et la création de l’Office nationale des terres agricoles (ONTA). Désormais, les personnes morales ont la possibilité d’avoir le statut d’agriculteur, ce qui favorise l’investissement des entreprises.

Pourquoi l’Algérie n’arrive pas à exporter ses produits agricoles vers l’Europe ?

L’Algérie n’a pas intégré la culture de l’export. Nous avons des quotas dans le cadre de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne que nous n’exploitons pas.

Un autre problème essentiel est lié à la chaîne logistique qui fait défaut, notamment dans le transport, le stockage et même le packaging (emballage).

Il y a un problème de normes et de régulation qui se pose pour exporter nos produits agricoles. Enfin, on doit penser à la création d’un Office spécialisé dans l’exportation de produits agricoles, à l’image des pratiques de nos voisins tunisien et marocain.

L’agriculture algérienne est restée traditionnelle, voire archaïque. Comment la moderniser ?

Je tiens à préciser que l’agriculture algérienne n’est pas archaïque. Elle est héritée de l’ère coloniale. C’est une agriculture autogérée, centrée autour des familles. Et il y a également la révolution agraire qui est passée par là. Par contre il y a, en effet, un besoin de modernisation.

On doit mécaniser notre agriculture, développer la technique d’irrigation du goutte à goutte, optimiser la sélection de plants pour améliorer les rendements et arriver à garantir une sécurité alimentaire pour le pays.

On sent une volonté des pouvoirs publics de développer l’agriculture. Une des initiatives positives consiste à l’ouverture des fermes pilotes aux entreprises privées.

Vous avez entamé un processus de modernisation de vos exploitations agricoles. Pouvez-vous nous parler de votre expérience ?

 Nous avons opéré, depuis 1995, une reconversion de nos cultures maraîchères. On a consenti d’importants investissements pour atteindre de meilleurs rendements. Le seul moyen est de passer par la mécanisation et l’adoption de techniques modernes. A notre niveau, nous opérons une gestion par satellite des plantations, une étude des sols et une irrigation adaptée à leur nature.

Notre présence se répartit essentiellement entre Mascara (200 hectares), Oran, Saida (3000 hectares en tout) et le Sud du pays à Ghardaia. Nous avons actuellement près de 3000 hectares d’exploitations agricoles. Il y a aussi  un projet de 3000 hectares à Ghardaia dans la production d’agrumes et autres arbres fruitiers. Nous comptons, à terme, arriver à 9000 hectares.

Nous avons plus de 800 salariés permanents, dans le secteur agricole, à l’heure actuelle. Ce nombre est appelé à évoluer.

Des produits comme la pomme de terre et l’oignon connaissent des fluctuations brutales et importantes. Pourquoi ?

La production ne pose pas de problèmes. La preuve, la pomme de terre est parfois cédée à 20 dinars le kilogramme. Le dispositif Syrpalac est une bonne chose, mais il faut le dynamiser. Il a le potentiel de pouvoir très bien fonctionner.

Le principal problème réside dans les infrastructures de stockage. Mais le problème semble être pris en charge par les pouvoirs publics avec des investissements importants pour améliorer les capacités de stockage.

Vous produisez des légumes et des fruits, mais ils ne sont pas disponibles en quantité sur le marché. Pourquoi ? 

Le marché est très demandeur. Nous avons des produits à forte valeur ajoutée et il est difficile de satisfaire la demande dans sa totalité.

Nous comptons mettre en place un système BtoC (Business to Customer), c’est-à-dire que nous livrerons directement le consommateur, sans passer par les marchés de gros. Cela permettra de mieux diffuser nos produits.

Le Tchad veut attirer les investisseurs algériens pour développer son agriculture. Etes-vous intéressé ?

Le président tchadien a exprimé une volonté d’attirer les investisseurs algériens dans l’agriculture. Au Tchad, il y a beaucoup de terres fertiles, près d’un million d’hectares), avec des disponibilités de réserves d’eau. Nous avons remarqué que le pays exporte déjà vers le Nigeria, le Moyen-Orient et d’autres pays, c’est intéressant et c’est une bonne opportunité, d’autant plus que c’est un pays voisin.

La Banque d’Algérie autorise les entreprises algériennes à investir à l’étranger. Qu’en pensez-vous ? 

Cela fait partie des initiatives des pouvoirs publics pour inciter les investissements. Donner la possibilité d’investir à l’étranger est une très bonne chose. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’exportation de capital lié à l’investissement et pas seulement une sortie de devises. Il y a un retour sur investissement, à travers des dividendes,ce qui profite notamment à l’économie nationale.

Vous êtes présents dans les lubrifiants et les carburants. Quels sont vos projets dans le domaine?

 Pour la petite histoire, nous nous sommes lancés dans ce domaine à travers l’agriculture. Nous avions acheté une station service pour répondre à nos besoins dans nos exploitations agricoles. A partir de là, nous avons étendu notre réseau, toujours dans des zones rurales, pour fournir du carburant aux agriculteurs.

Par la suite, nous avons diversifié nos activités, notamment dans les lubrifiants. Nous avons également un réseau de 52 stations-services, dont 44 en franchise. Nous voulons développer notre système de distribution, à travers les enseignes Lub Express.

A l’heure actuelle, nous avons une part de marché de 12% dans le secteur, et on vise à atteindre 30%. Nous avons consenti un investissement de 70 millions de dollars, toutes activités confondues.

Avez-vous développé des partenariats avec des entreprises étrangères?

En effet, nous avons un partenariat avec British Petroleum. Nous sommes le distributeur officiel de la gamme de lubrifiants de BP. Nous avons commencé dans la distribution de leurs produits, puis nous avons développé un partenariat avec eux.

A travers des visites périodiques dans leur centre de recherche, nous avons pu améliorer notre processus de production et développer nos produits, grâce à l’homologation de nos produits chez les constructeurs Man, Mercedes et Volvo.

L’Algérie importe le gasoil et l’essence. A-t-elle intérêt à développer comme le GPL/C?

L’Algérie est l’un des pays qui a le plus grand potentiel dans le monde pour le GPL/C qui est un carburant propre et pas cher. Le développement de ce carburant doit répondre à une vision de moyen et long terme.

Pour l’instant, il n’y a qu’un seul producteur de matériel pour la distribution du GPL/C dans le pays. Il s’agit de Citergaz et c’est une filiale de notre groupe Taqa Invest.

 Mais le GPL/C n’est pas disponible dans toutes les stations. Pourquoi?

En effet, toutes les stations ne disposent pas du GPL/C. Il faut arriver à un concept de stations services exclusivement dédiées au GPL/C. On doit investir dans le secteur pour arriver à le diffuser en Algérie. Pour cela, nous avons opté pour un concept qu’on a appelé Gaza, qui consiste à doter nos stations de services du GPL/C avec des services annexes.

Vous avez aussi un projet dans la récupération des huiles usagées…

Nous avons un projet de réalisation d’une usine de régénération des huiles usagées à Ghazaouet (extrême Ouest), le premier du genre en Algérie. Cette usine, dont  l’entrée en service est prévue pour 2017, nous permettra de fabriquer à partir d’huiles usagées, des huiles de haute qualité destinées exclusivement à l’exportation. Cette usine coûtera 60 millions de dollars.

Quel est le chiffre d’affaires de Promo Invest ?

Le groupe Promo Invest emploie 3200 salariés. Nous recrutons entre 700 et 800 employés par an et nous investissons en moyenne l’équivalent de 15 millions de dollars par an. Notre chiffre d’affaires en 2014 atteindra l’équivalent de 160 millions de dollars et en 2015 nous prévoyons d’atteindre un chiffre d’affaires de 340 millions de dollars.


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