Entretien avec Amara Benyounès

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Amara Benyounès est Secrétaire général du MPA et ministre du Commerce. Dans cet entretien, il revient sur les décisions prises par le gouvernement pour gérer la crise née de la baisse des prix du pétrole.

Un conseil des ministres restreint a été consacré, mardi, aux conséquences de la chute du prix du pétrole sur l’économie nationale. Le gouvernement n’a-t-il pas réagi tardivement ?

J’ai lu tout et son contraire sur cette question de l’intervention du gouvernement et du Président. J’ai même lu sur votre journal : « Réveil tardif du gouvernement ». Cela veut dire qu’on s’était endormis et on s’est réveillés tardivement. Je crois que le gouvernement ne s’endort jamais quand il s’agit des affaires de l’Etat. Il faut analyser la situation, comprendre ce qui se passe, prendre les mesures nécessaires et ne pas s’affoler. Et je pense que le gouvernement est serein, ne panique pas. Il a pris le temps d’analyser la situation.

Cela dit, les hydrocarbures, c’est exactement comme les séismes. Nous savons tous, qu’un jour ou l’autre, il va y avoir un tremblement de terre. Sauf qu’on ne sait jamais quel jour il aura lieu et quelle sera son intensité. Aucun expert au monde n’a prévu cette chute des prix du pétrole. Le FMI a changé, trois fois, ses prix de référence pour le pétrole. Tout le monde s’accorde sur le fait que ces perturbations vont durer quelques temps et estime que les prix, même en cas d’augmentation, ne vont pas remonter de manière exponentielle. Donc le scénario le plus raisonnable, au moins sur les deux prochaines années, c’est un baril entre 55 et 65 dollars. Mais là encore, personne ne peut prévoir. Des troubles politiques survenant quelque part peuvent provoquer une hausse ou une baisse des prix. Mais le Premier ministre l’a dit : nous avons élaboré plusieurs scénarios à 50, 60, 70 et 80 dollars le baril.

Quelles sont concrètement les mesures décidées lors de ce conseil, hormis le gel des recrutements dans la fonction publique ?

Le Premier ministre a annoncé le report d’un certain nombre de projets qui ne sont pas prioritaires notamment dans le domaine des transports (tramway, chemins de fer). Le Premier ministre a également été très clair en indiquant qu’on n’arrêtera pas des projets en cours.

En ce qui concerne les importations, le Premier ministre a indiqué qu’il était hors de question de toucher aux importations qui concernent les produits alimentaires. Ce que les Algériens doivent savoir c’est que 62% de nos importations sont constituées de biens d’équipements et de matières premières. Et contrairement à ce qui se raconte, nous importons autour de 9 milliards de dollars de produits alimentaires et les postes les plus importants concernent les produits essentiels subventionnés (l’huile, le sucre, le blé). Contrairement à ce que certaines personnes pensent, il n’y a pas de sommes colossales importées dans les produits de luxe.

Une chose est sûre : il est hors de question d’abandonner la politique sociale de l’Etat, pour l’instant. Donc il est hors de question d’abandonner les subventions aux produits essentiels. Il y aura une plus grande rationalité dans la gestion des dépenses publiques, notamment les dépenses de fonctionnement.

Est-il censé de maintenir ces subventions dans la conjoncture actuelle ?

La situation est totalement différente de celle qui prévalait en 1986. D’abord, nous avons un pays qui n’est pas endetté. Cela est extrêmement important. Ensuite, les réserves de change peuvent nous permettre de tenir trois à quatre ans. Sur les cinq ou six prochaines années, nous avons les moyens d’amortir le choc. En tant que Secrétaire général du MPA, je pense que la vraie solution réside dans la relance de l’économie nationale : relance industrielle, relance de l’agriculture, une politique touristique, lancer l’économie numérique.

Est-il normal de maintenir des subventions qui profitent même à certaines grandes entreprises ?

Nous sommes un pays extrêmement spécifique qui a vécu 132 années de colonialisme et qui s’est soulevé de manière massive contre l’injustice sociale. Donc, cette politique sociale de l’Etat existe depuis les premières années de l’indépendance. Au MPA, nous pensons qu’il faut privilégier une politique de complément de revenus aux personnes nécessiteuses pour qu’elles puissent se nourrir de manière decente. Car il est hors de question de laisser les Algériens sur les trottoirs.

Deux thèses sont actuellement en débat, la première consiste à dire qu’il faut continuer ces subventions. La seconde consiste à dire qu’il faut garder ces subventions mais – et c’est la position du MPA – on ne subventionne pas les produits mais les personnes. Il faut donner de l’argent aux personnes nécessiteuses et non pas subventionner les produits.

Pensez-vous qu’on devrait aller vers une Loi de finances complémentaire ?

Je ne sais pas comment le prix du pétrole va évoluer. Pour une Loi de finances complémentaire,  nous avons jusqu’au mois de juin pour décider. Et d’ici là, on verra comment vont évoluer les prix des hydrocarbures et comment vont évoluer les équilibres budgétaires du pays dans les trois prochains mois.

Pourquoi le sommet de l’Alliance présidentielle prévu à la fin de la semaine n’a finalement pas eu lieu ?

Le principe d’une rencontre a été arrêté mais il n’y avait pas de date prévue. Personnellement, je les rencontre tous. Avec M. Saadani, M. Bensaleh et mon ami Ghoul, on se voit régulièrement.

Quelle est l’objectif de cette réunion ?  

Il s’agit d’une réunion ordinaire de mon point de vue qui n’a rien d’exceptionnel. Que des partis politiques soutenant le Président se retrouvent pour discuter entre eux est une chose tout à fait normale au MPA. Nous allons voir le point de vue des uns et des autres par rapport à l’analyse de la situation politique du pays. L’ordre du jour de ladite réunion sera extrêmement ouvert,

Dans quel cadre rentre l’organisation de votre meeting à Tébessa ?

En tant que partis politiques, nous devons faire des réunions publiques et aller à la rencontre des citoyens. La force d’un parti se mesure aussi par la mobilisation citoyenne sur le terrain. Vous constatez bien que les partis politiques d’opposition ont une présence médiatique phénoménale et la plupart ont une présence disproportionnée par rapport à leur présence politique et organique. L’anormal est ce qu’ils font : organiser des conférences et se réunir entre eux. Je leur ai toujours dit qu’il faut aller prendre l’air à l’intérieur du pays.

Un imam salafiste a appelé à condamner à mort l’écrivain et journaliste Kamel Daoud, et il est régulièrement invité sur les plateaux de télévision…

Je trouve, extrêmement scandaleux, préoccupant et dangereux qu’un type pareil puisse occuper les plateaux de télévision et s’exprimer. Et je ne comprends pas pourquoi ces télévisions l’invitent. Les gens ne savent pas mais le premier qui a été condamné par cette personne, c’est moi. Il avait même appelé à une marche contre moi à la sortie de la mosquée, un vendredi, à Belcourt. La deuxième personne qu’il a condamnée est Amira Bouraoui de Barakat. La troisième est Kamel Daoud qui a eu le tort d’écrire un livre et de parler. Au MPA, on se battra pour qu’on ne revienne plus jamais aux années 1990. Le temps des condamnations et des fatwas est définitivement révolu.

 


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