La chronique de Hafid Derradji. Je n’aime plus cette Algérie !

Hafid Derradji

Le titre peut paraître surprenant et choquant pour celui qui se contenterait de le lire sans parcourir le texte. Le lecteur de la chronique se rendra bien vite compte que les Algériens ne détestent pas leur pays, malgré le désarroi et le pessimisme dans lesquels ils baignent et le fait que l’Algérie d’aujourd’hui n’est pas celle dont on rêve et qu’on désire reconstruire après la fin de la prise d’otages. Une prise d’otages menée par des aventuriers qui lui nuisent tous les jours à travers leurs mauvaises pratiques et qui tuent en nous l’amour que nous portons pour ce pays.

Ces malversations tuent en nous l’espoir de nous débarrasser de la médiocrité dans laquelle on se débat à tous les niveaux. C’est à croire que l’objectif est de pousser les Algériens à la reddition et au fait accompli sous prétexte de maintien de stabilité et d’éviter l’explosion si Bouteflika venait à s’en aller.

Je ne veux pas parler au nom des Algériens, car je ne suis ni habilité ni mandaté à le faire. Mais je suis sûr que beaucoup partagent ce même sentiment et impression, car on ne se reconnaît plus dans cette Algérie qui est méprisée chaque jour et se trouve dans un gouffre diplomatique, politique, social, culturel et sportif. Alors oui, je n’aime plus cette Algérie :

– Je n’aime plus cette Algérie où le peuple élit un président qui ne s’adresse plus à son peuple et ne pratique nullement son devoir constitutionnel, s’entoure de sa famille, de son clan et délègue la gestion du pays à un groupe d’opportunistes médiocres et dévastateurs qui sèment le mal et brisent tous ceux qui s’opposent à eux;

– Je n’aime pas cette Algérie qui bâillonne la liberté d’expression pour la presse, les femmes et les hommes libres qui s’opposent au système, critiquent ses pratiques et ne tolèrent plus que l’Algérie et son président soient otages d’un groupe qui fait main basse sur tout;

– Je n’aime plus cette Algérie qui se plie devant toute personne qui descend dans la rue. Cette Algérie qui s’agenouille devant la France. On en vient même à avoir honte de lire et d’entendre ce qui circule dans les médias sur les concessions et les mépris dont elle fait face !

– Je n’aime plus cette Algérie où la justice se place en téléspectateur pour regarder défiler le long cortège des scandales de corruptions et de malversations, de Khalifa à Sonatrach en passant par ceux de l’autoroute Est-Ouest, le métro, le programme de soutien à l’agriculture et autres scandales qui nuisent à l’Algérie et à son peuple !

– Je n’aime plus cette Algérie qui n’a pas construit d’usines, de stades, d’hôpitaux et d’infrastructures touristiques et culturelles avec toutes les ressources financières engrangées pendant quinze ans. Je ne l’aime plus car les gouvernants ne possèdent ni un projet de liberté ou de démocratie, et encore moins celui d’une justice sociale.

– Je n’aime plus cette Algérie où le régionalisme, la haine et la marginalisation ont atteint leur paroxysme et où l’atteinte aux institutions de l’État n’a pas connu son pareil, au point où on en vient à avoir de la pitié pour un État qu’on rêvait fort avec tous ses enfants.

– Je n’aime plus cette Algérie où la santé du Président, ses activités limitées et son lieu de présence sont le fait à retenir. On ne parle plus du peuple, de son avenir, des principes et des choix stratégiques à prendre, ni de la construction de l’État et de ses institutions, encore moins de l’éducation des générations à venir, leur sensibilisation et leur culture.

– Je n’aime plus cette Algérie où l’Armée est utilisée pour intimider le peuple et l’opposition. Comme si cette Armée était celle de Bouteflika uniquement, et non plus cette protectrice républicaine, populaire et algérienne. Cette Algérie, je l’aime encore moins quand je les entends mépriser l’intelligence du peuple en déclarant fièrement que le Président possède toutes ses facultés mentales et physiques. À ce train, ils finiront par dire que c’est le peuple qui a perdu la raison et ne mérite pas Bouteflika !

L’Algérie qu’on aime est celle des valeurs de la révolution de Novembre 54, qui respecte ses enfants sans les dénigrer, les marginaliser ou les sous-estimer. C’est l’Algérie qui reconnaît la légitimité du peuple, de la justice et de la loi. Pour ce qui est de Bouteflika, il s’en ira, comme nous tous ! Mais l’Algérie, elle, restera et l’histoire dira un jour, que nous n’avons pas été à la hauteur de ce pays et de ce peuple. Que nous avons tous failli à notre devoir à l’égard de notre pays et de notre peuple.

derradjih@gmail.com


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