ENTRETIEN. Laïd Benamor, président de la CACI : « La chute des prix du pétrole peut être bénéfique à notre économie »

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Laïd Benamor est président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI). Il est également P-DG du groupe Benamor, leader national dans l’agroalimentaire. Dans cet entretien, il s’exprime sur son projet pour la CACI, la chute des prix du pétrole, de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures, des importations…

La chute des prix du pétrole est-elle inquiétante pour l’économie algérienne ?

Quand on sait que nos recettes proviennent à 97% des hydrocarbures, on ne peut que s’inquiéter de la persistance de la baisse des cours du pétrole. Il y va de l’équilibre financier de notre pays. Toutefois, si la situation actuelle, aussi inquiétante soit-elle, nous pousse à nous inscrire dans une démarche plus agressive en matière d’accélération des réformes en vue de diversifier notre économie et de faire émerger un secteur privé créateur de richesses et d’emplois, je dirai qu’à chaque chose malheur est bon.

L’Algérie a-t-elle des chances de sortir de sa dépendance des hydrocarbures ?

Nous sommes tous désormais conscients que la diversification de l’économie nationale et son orientation vers les secteurs productifs est une nécessité incontournable pour libérer notre économie de sa dépendance de la rente pétrolière. C’est un constat qui fait aujourd’hui l’unanimité entre les différents intervenants ; pouvoirs publics, opérateurs et experts en économie.

Et en dépit d’un contexte de crise internationale marqué par l’instabilité, l’Algérie dispose d’atouts majeurs lui permettant de réussir la transition et s’ériger en économie émergente.

L’urgence de prendre les mesures appropriées dans ce contexte est à signaler, à travers une hiérarchisation des priorités et l’établissement de calendriers de réalisation opposables à l’ensemble des intervenants. Nous devons exploiter tout notre potentiel national afin de diversifier notre économie, promouvoir les partenariats public/privé et national/étranger, redonner à l’entreprise son statut d’acteur économique incontournable, libérer ses initiatives afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle dans un contexte où l’État aura à assumer son rôle de régulateur pour développer une économie garante de la cohésion sociale, créatrice d’emplois et de richesses.

En Algérie, il plus facile d’importer que de produire. Pourquoi ?

Produire, cela suppose investir, s’endetter, employer du personnel, prendre des risques mais surtout gérer un environnement très difficile qui freine les initiatives d’investissements. L’environnement actuel favorise hélas la tendance vers  les activités d’importations qui nécessitent relativement moins d’efforts et de prise de risques. Nous disposons aujourd’hui d’une chance historique parce que toutes les parties prenantes sont d’accord sur ce constat et sur la nécessité d’inverser cette tendance en faisant en sorte que l’acte d’investir et de produire devienne plus attractif que l’acte d’importer. Enfin, il y a lieu d’accompagner ces importateurs sans les accabler. Au contraire, il faut les impliquer dans cette phase de transition parce qu’ils ont une connaissance des besoins du marché et des circuits de distribution. Ils peuvent demain devenir exportateurs. Nous devons travailler tous ensemble afin de faire converger nos visions dans le but de donner le maximum de chances de réussite à nos actions.

Pensez-vous que la décision de la Banque d’Algérie d’autoriser les entreprises à investir à l’étranger pourrait permettre le développement des exportations ?

L’ouverture de notre économie à l’international est une initiative à la fois pertinente, nécessaire et à vocation de donner un nouveau souffle à l’économie algérienne. C’est une mesure qui permettra déjà aux entreprises algériennes exportatrices d’implanter des structures de proximité de leurs activités et avoir ainsi accès plus facilement aux circuits de distribution. Nous pourrions, par ailleurs, tirer profit de cette internationalisation si nous l’inscrivons dans une logique d’accès au savoir faire technologique qui profitera également aux activités domestiques des entreprises algériennes. Cette ouverture hors frontières donnera également aux entreprises candidates à l’investissement à l’étranger accès à certaines sources d’approvisionnement qui peuvent être valorisées et exportées vers d’autres marchés y compris le marché local. En revanche, il est nécessaire d’accompagner, d’orienter et de soutenir cette internationalisation et l’investissement dans des secteurs d’une portée stratégique pour le pays à travers une stratégie nationale concertée entre les autorités publiques et les opérateurs économiques.

Vous avez été élu président de la CACI qui a souvent été absente des débats économiques. Pourquoi ?

La rupture du dialogue entre la CACI et le monde de l’entreprise est à mon sens la raison qui explique l’absence de cette institution des débats qui animent actuellement la scène économique du pays. Aujourd’hui, l’entreprise est au cœur des débats et l’amélioration du climat des affaires et de l’environnement de l’entreprise est une exigence à laquelle on doit répondre. La CACI peinera à jouer son rôle tant qu’elle n’aura pas réussi à mobiliser et à se rapprocher des opérateurs économiques et des candidats à l’acte d’investir pour mieux cerner leurs attentes et préoccupations. Par ailleurs, cet organe a aussi besoin de valoriser son capital ressources et d’opérer une mise à niveau dans certains nouveaux domaines d’expertises. Comme il me semble aussi important de revoir certains mécanismes qui régissent son fonctionnement. Ce n’est qu’ainsi que la CACI pourra se repositionner comme une force de proposition crédible et une plateforme attractive à la fois, vis à vis des pouvoirs publics mais aussi des adhérents.

Dans quel état avez-vous trouvé la CACI ?

La CACI a fortement besoin d’un vrai projet de réformes qui soit à la mesure des défis qui lui incombent de relever dans un contexte économique décisif qui nécessite la mobilisation de l’ensemble des acteurs. La CACI est aujourd’hui une institution qui a besoin de réhabiliter la confiance et le dialogue auprès des différentes parties prenantes.  Il est tout aussi important de gagner en attractivité en revoyant son rôle et en l’adaptant aux besoins des opérateurs économiques mais aussi des investisseurs potentiels tant nationaux qu’étrangers.

Comment comptez-vous la réformer ?

Notre pays s’est engagé dans des réformes structurantes majeures visant la diversification économique et la consolidation du secteur privé. Les référentiels et les logiques d’actions économiques sont, également, appelés à connaître des changements importants. Nous devons tous nous inscrire dans cette logique et contribuer à la réalisation des objectifs stratégiques. La CACI se doit, pour sa part, de définir sa vision ainsi que son positionnement et son action. La CACI doit évoluer vers une  organisation fédératrice, initiatrice des changements négociés en concertation avec l’administration, les centres de décisions, les partenaires et les différentes parties prenantes. La Chambre de commerce et d’industrie doit nécessairement évoluer vers une organisation de propositions, d’actions et d’innovations qui prendra sa place dans le paysage et le jeu sociopolitique.

Allez-vous proposer un projet de réforme de la CACI ?

En effet, il est question d’un projet de réformes de la CACI qui sera présenté, soumis au débat et à la discussion avec les différentes parties prenantes internes et externes. Le projet portera sur la restructuration et la mise à niveau de la CACI ainsi que sur l’élaboration d’une stratégie et d’un plan d’actions à travers des axes identifiés dont la redéfinition du rôle de la CACI, de ses missions et objectifs et de son positionnement. Le projet portera également sur le développement des capacités techniques, opérationnelles et sur les processus de fonctionnement de la CACI. Nous mettrons en place un plan d’actions stratégiques sur les cinq prochaines années. Ce projet de réformes vise à préparer la Chambre de commerce et d’industries à concevoir ses nouvelles missions et le rôle qu’elle doit jouer dans l’écosystème et l’environnement des affaires en Algérie.

Comment imaginez-vous la relation de la CACI avec le FCE ?

Le FCE est devenu sans conteste la première représentation patronale nationale qui s’est distinguée par son dynamisme, la qualité et la pertinence de ses propositions. La CACI et les CCI de par l’étendu de leur réseau sur l’ensemble du territoire nationale, pourraient être des alliés de taille avec lesquels beaucoup d’actions pourraient être engagées. C’est donc en complémentarité que les deux organisations peuvent envisager des plans d’actions à même d’être au plus près de l’entreprise et des acteurs de l’économie nationale afin de porter leurs préoccupations aux plus hautes instances du pays. Ensemble elles travailleront à mettre l’entreprise au cœur du débat économique nationale.


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