La chronique de Benchicou. Silence !

Mohamed Benchikhou

Que se taisent les opposants et que chacun ravale ses récriminations ! L’heure n’est plus à jouer à la démocratie. Devant ce qu’il faut bien appeler une catastrophe nationale, cette dégringolade vertigineuse des prix du pétrole, le régime algérien s’affole. N’ayant pas les réponses au drame qui s’annonce, il interdit les questions. C’est simple, efficace et sans appel !

Mouloud Hamrouche aurait dû y penser avant de programmer sa conférence à Sidi Bel Abbes. Dans ces heures où le gouvernement n’a rien à dire, le patriotisme consisterait à savoir s’imposer le silence. L’obligation s’applique à tous, même à lui, Hamrouche, tout ancien Premier ministre qu’il fut. Le pouvoir ne tolère les communications publiques que lorsque ses mensonges sont rôdés, c’est-à-dire assez plausibles et suffisamment charmeurs pour l’emporter sur les discours des opposants.Aujourd’hui, les dirigeants algériens sont sans recours. Ah, qu’ils regrettent ce temps qui les fit cigales, sourds aux mises en garde, barbotant dans l’insouciance et l’imprévoyance. C’est bien ce même ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, aujourd’hui catastrophé par la soudaineté de la chute des cours, qui avait si majestueusement désavoué le précédent PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine qui avait eu, lui, le culot de dire la vérité à la presse, déclarant que les gisements de pétrole sont en « déclin » et les réserves « modestes ».C’était le temps, rappelez-vous, où l’on était sourds aux avertissements d’où qu’ils venaient, le temps où l’on chantait la gloire du parrain, où l’on promettait aux uns la lune, aux autres Mars et Jupiter, ce temps radieux où l’on jurait aux gens de Mascara qu’avec l’argent du pétrole, ils seraient bientôt Californiens et aux jeunes chômeurs qu’ils seraient bientôt riches sans avoir à faire la révolution, « pas comme ces fous  de Libyens, parce que, voyez-vous chers compatriotes, ici c’est  la terre bénie et la tirelire nationale y est inépuisable grâce à Dieu qui nous a envoyé la pluie, le soleil et Bouteflika ».Mais tout cela c’était avant que ne sonne le tocsin des mauvaises nouvelles : l’argent du pétrole, c’est presque fini ! Et l’Algérie d’aujourd’hui ne sait toujours rien faire d’autre que de vendre du pétrole. Du pétrole et pas autre chose. Bouteflika, à la différence de ceux qui l’ont précédé, a fait du pétrole le moteur de sa stratégie de pouvoir : le pétrole pour acheter la paix sociale, le pétrole pour inonder les souks et flatter les estomacs, le pétrole pour enrichir la pègre pétrolière internationale et s’assurer de son amitié, le pétrole pour s’offrir une réputation…

Non, plus de débat public sur les immenses échecs du régime de Bouteflika et l’interdiction de la conférence de Hamrouche augure d’un durcissement sans précédent.

Il va falloir réapprendre à se taire en même temps que se serrer la ceinture ! le clan Bouteflika est effaré par l’ampleur de ses propres échecs et donc par la sombre postérité qui se profile pour lui, celle de rester dans l’histoire par l’ampleur de son propre échec, c’est-à-dire la perspective terrible de rester dans l’histoire comme l’homme qui n’aura respecté aucun de ses présomptueux engagements annoncés, tous, sur le mode de l’arrogance et de la suffisance.


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