Entretien avec Amar Ghoul, ministre des Transports

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Est-ce que le transport aérien sera ouvert au privé ?

L’ouverture du transport aérien au privé est une nécessité. Mais elle se fera quand toutes les conditions économiques, commerciales, techniques et de sécurité seront réunies. On doit également respecter les normes de l’Organisation internationale de l’aviation civile. Le ministère du Transport s’attèle, aujourd’hui, à finaliser le cahier de charges, le texte d’application et toutes les mesures pour maîtriser l’ouverture de ce secteur sensible au privé. Cette ouverture doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie et du plan de développement du secteur du transport. Elle doit être à l’avantage du pays.

Est-ce que cela veut dire que l’ouverture n’est pas à l’ordre du jour ?

Les textes et les mesures (concernant l’ouverture du secteur au privé) seront finalisés d’ici la fin de l’année. Une fois cette étape terminée, nous allons transmettre le dossier au gouvernement. Les autorités avaient décidé de la fermeture pour éviter les erreurs du passé et c’est le gouvernement qui va trancher sur quand et comment le secteur du transport aérien sera de nouveau ouvert. Si le gouvernement donne son accord, la priorité sera accordée aux investisseurs privés nationaux. Cette ouverture doit également se faire dans le cadre de la complémentarité entre le public et le privé pour renforcer le transport domestique et à l’international.

Que contient le rapport que vous avez remis au Premier ministre sur les dysfonctionnements au sein d’Air Algérie ?

Nous avons mené un audit approfondi. Mais je ne peux pas vous fournir les détails d’un rapport confidentiel remis au Premier ministre. Nous avons formulé des propositions importantes pour une réorganisation profonde de la compagnie. Nous irons, à titre d’exemple, vers une filialisation : Air Algérie sera réorganisée sous forme de filiales plus solides et modernes. C’est-à-dire sous forme d’entreprises dans le cadre d’un groupement. La compagnie emploie presque dix mille personnes. Donc il y aura un redéploiement par spécialité. Nous n’avons pas de date pour l’instant, mais un conseil interministériel (avec tous les responsables des secteurs concernés) est prévu concernant ce dossier afin de prendre des décisions.

Le ministre du Transport n’a-t-il pas le pouvoir de prendre directement des décisions concernant une entreprise qui est sous sa tutelle ?

Tous les grands dossiers passent par le gouvernement parce que cela ne concerne pas uniquement le ministère du Transport. Ce n’est pas un dossier simple. Il concerne les domaines des finances, de l’économie, de la sécurité et donc d’autres secteurs.

Un changement est-il prévu à la tête d’Air Algérie ?

C’est un détail pour nous. Aujourd’hui, on doit sauver Air Algérie, la moderniser et préserver l’outil national qu’elle représente. Ce n’est pas une personne qui nous gêne. L’urgence maintenant n’est pas de mettre fin aux fonctions de quelqu’un ou promouvoir quelqu’un d’autre.

Beaucoup d’Algériens se plaignent des prix des billets d’avion…

Le PDG de la compagnie nationale est revenu, mardi lors d’une conférence de presse, avec détails sur ce sujet. Personnellement, j’ai dit à plusieurs reprises que les prix ont été revus à la baisse et les résultats ont été rendus publics. En 2014, il y a eu une baisse par rapport au tarif référentiel d’Air Algérie. Ensuite, je pense qu’on fait de fausses comparaisons. On ne peut pas comparer (le prix) d’un vol régulier, avec celui d’un vol low-cost ou d’un vol charter. D’ailleurs, parmi les propositions faites dans le cadre de la filialisation d’Air Algérie figure la création d’une société low-cost.

Pourquoi votre ministère n’anticipe pas l’organisation de la saison estivale pour éviter l’anarchie qui caractérise cette période tous les ans ?

La saison estivale 2015 a été préparée depuis septembre dernier. Dans le même temps, nous sommes en train de réformer totalement Air Algérie. Et puis, il y a aussi Tassilli Airlines, qui a fait un saut qualitatif. En mars 2013, j’ai donné l’autorisation à cette compagnie d’ouvrir 21 lignes domestiques. En juin 2014, elle a ouvert onze lignes vers l’Europe. Elle va encore augmenter le nombre de ses dessertes. S’il y a un manque ou une insuffisance, Tassilli Airlines est là pour pallier.

Quelle évaluation faites-vous de l’expérience du transport maritime urbain de voyageurs ?

C’est la première expérience pilote engagée par l’Algérie avant de faire l’extension avec d’autres bateaux et d’autres lignes. Et elle a été intéressante, même excellente. La fréquentation a dépassé le taux qu’on avait fixé. Cela dit, il y a une période creuse en hiver, avec le danger de la houle. Pendant cette période, même les bateaux de commerce ne sortent pas.

Comment comptez-vous le développer ?

L’objectif est de desservir toute la baie d’Alger en 2015. Ensuite, il s’agit de relier Alger à Boumerdes et Tipaza avant de lancer le transport maritime inter-wilayas. On travaille doucement. Le processus de renforcement de cette ligne (Alger-Djemila) est déjà engagé. Actuellement, on est en train de se préparer pour les Sablette, Mohamadia, Bordj El Bahri et Sidi Fredj. Nous sommes en train de préparer les infrastructures. Il faut construire des quais pour l’accostage et il faut acquérir de nouveaux navires. Il faut également préparer la réglementation. C’est notre première expérience en matière de transport maritime urbain. Il faut préparer et former des équipes aussi.

Le transport maritime sera ouvert au privé ?

Oui bien sûr. Il pourrait être ouvert au privé.

Que fait la commission nationale chapeautée par le ministère de l’Intérieur et dont vous faites partie pour remédier au problème que pose le nombre élevé d’accidents de la route ?

D’abord, les accidents de la route sont un problème qui se pose partout dans le monde et les premiers pays du monde en la matière sont les Etats-Unis, la Chine et la Russie. L’Algérie est loin derrière ces pays. Ensuite, contrairement à ce qui est véhiculé, on a eu moins d’accidents cette année par rapport à 2012 et 2013. Le nombre de victimes a baissé de 4,73%, celui des blessés de 14,76% et celui  des accidents de  5,46%. Certes, nous avons eu quelques accidents spectaculaires. Pour l’accident du bus (à Laghouat) par exemple, le conducteur a été sévèrement sanctionné avec dix ans de prison et un retrait définitif de son permis de conduire.

Mais quelles sont les mesures prises pour remédier à ce problème ?

Outre le travail de sensibilisation, nous avons décidé au niveau de cette commission de durcir encore plus les sanctions. Il ne s’agit pas de revoir le code mais son application. Nous avons, pour une certaine infraction par exemple, une peine allant d’une année à cinq ans (de prison). A partir de 2015, nous allons opter pour le niveau supérieur, la peine maximale. Nous allons aussi vers un contrôle beaucoup plus sévère concernant la surcharge (des camions, des bus…). Des instruments de pesage seront mis à la disposition de la police et de la gendarmerie. Un décret sera prêt d’ici la fin de l’année concernant cette question.

Pourquoi les feux tricolores n’ont-ils toujours pas été installés dans les villes ?

C’est un détail ! Toutes les procédures ont été engagées. Le centre de contrôle est déjà en réalisation et il est presque achevé. Un appel d’offres a été lancé pour l’installation de ces feux tricolores durant le premier semestre de 2015.

Pourquoi le transport maritime ou ferroviaire des marchandises est quasi-inexistant ?

C’est un choix fait depuis l’indépendance. La route a été privilégiée par rapport à d’autres voies de transport. Ainsi, le rail a été presque totalement délaissé. 97% du transport de marchandises et des voyageurs passe par la route. Dans le programme de son excellence le président de la République, il y a eu un renouveau et une dynamique pour revenir aux chemins de fer. En 1999, on était à plus de 1000 kilomètres de chemins de fer. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 4000. Fin 2015, on sera à 6000. Et en 2020, on sera à 12500 km de chemins de fer modernes et électrifiés. Nous sommes en train de construire de nouvelles gares.

Il faut savoir que nous avons parfois  des problèmes de terrain, d’expropriation, de déplacement de réseau, des litiges et des conflits. Nous avons des contraintes réelles. Je suis au ministère depuis une année et j’ai engagé sur le terrain 2000 km de chemins de fer qui sont en chantier. Pour le transport maritime, on n’avait pas de pavillon. On vient d’acquérir quatre nouveaux bateaux pour le transport de marchandises. Entre 2015 et 2016, nous allons acquérir 27 nouveaux navires de marchandises. Auparavant, on n’avait que quatre bateaux de 35 à 40 ans d’âge. Le transport maritime de marchandises renaît de ses cendres.

Pourquoi a-t-on opté pour le tramway comme moyen de transport de masse dans les villes ?

En Algérie, nous avons un programme bien étudié. Nous avons des lignes qui nécessitent le tramway. Ce dernier est beaucoup plus rentable économiquement et plus léger comme investissement par rapport au métro. Et nous avons d’autres lignes qui nécessitent le métro. C’est un ensemble et il faut créer l’interopérabilité.

 


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