El Wahrani, polygamie, menaces contre Bouraoui. Y-a-t-il un retour en force du débat sur la religion ?

mosquée

Nacer Djabi est sociologue et chercheur au Centre de recherche en économie appliquée et développement (Cread).  

Assiste-t-on à un retour en force du débat sur la religion ?

Depuis très longtemps, les Algériens ont des rapports conflictuels avec leur environnement culturel et religieux. Donc, je pense qu’il n’y a pas de retour au débat sur la religion mais un retour au conservatisme et à une certaine religiosité sociétale, donc de façade. C’est-à-dire qu’on veut toujours montrer à notre voisin, à notre collègue, à la famille qu’on est pratiquant. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont toujours pas réglé un problème de fond : la citoyenneté. Alors souvent, nous avons des croyants mais pas de citoyens qui ont le droit, dans un État, d’avoir des avis différents. La religion est devenue une affaire de société et non de rapport entre un individu avec Dieu.

À quoi est due cette religiosité de façade ?

Cette religiosité de façade pourrait s’expliquer à travers l’histoire de la colonisation française en Algérie. Pourquoi les Algériens sont-ils plus rigoureux sur le jeûne que sur la Zakat ou même la prière ? C’est que c’était l’un des signes par lesquels les Algériens montraient aux Français qu’ils étaient différents et nous avons reproduit cela après l’indépendance. Notre relation avec le jeûne est devenue une singularité nationale.

Comment expliquez-vous alors tous ces débats sur la polygamie, les moudjahidine et l’alcool dans un film, les menaces contre Amira Bouraoui après un commentaire sur le prêche du vendredi ?

D’abord, je pense qu’il y a une certaine diversion politique et même politicienne à travers ces questions. C’est-à-dire qu’au moment où on commence à évoquer de vrais problèmes socioéconomiques par exemple, ces questions culturalistes ou religieuses resurgissent comme des points de fixation. Ensuite, il ne s’agit pas de débat religieux. Depuis quand la polygamie est-elle un grand phénomène en Algérie ? La polygamie est un épiphénomène en Algérie. Et les gens qui en parlent n’ont ni la qualification religieuse, ni le droit de juger les Algériens.


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