Hommage à Kamel Daoud* : Foutha…

daoud kamel

Pas pleurer Kamel. Le Goncourt est comme la vie. Les hommes blancs gagnent à la fin. Toi, t’es brun ; mate, enfin basané. T’es l’Arabe qui est parti le plus loin possible dans le maquis de l’édition française. T’es monté très haut et cela sans coloniser un cockpit d’avion.

Pourtant, t’as tout bien fait. T’as mangé des petits fours, tout en sachant qu’ils ne servaient pas de Karantika oranaise. T’as convoqué Meursault, Camus, l’imaginaire Pied noir. Les hommes blancs ont été bouleversés. T’as gagné des prix, refusé des frais de missions du Quotidien d’Oran (qui d’ailleurs n’en donnent pas), tu t’es fait petit, même si t’es grand, beau gosse, et t’as déjà enseigné à l’université. Pas celle d’Es-Senia en plus. T’as quitté la province pour devenir Parisien d’un jour, t’as sacrifié aux flashs des photographes, toi qui est aussi People qu’un croque mort. T’as du talent, bourré de talent comme cette génération des Chawki Amari ou Sid Ahmed Semiane qui, en passant, ne paient toujours pas les ardoises. T’as même eu 29% des lecteurs du Figaro qui ont voté pour toi. Imagine. Un Arabe à 29% dans un sondage du Figaro de notre vivant !! Même Sarko ne fait pas mieux. Tu méritais de gagner pour Nous. Hada Raina.

Mais le jury du Goncourt a préféré choisir « Pas pleurer » de Lydie Salvayre. Une charmante dame au demeurant. Blanche, mure, avec des boucles d’oreilles de chez Cartier. T’as perdu le Goncourt de deux voix. Je t’avais dit d’appeler Zerhouni. Et t’es passé au cinquième tour du scrutin. Ce qui veut dire que Bouteflika a ses chances pour un cinquième mandat ! Donc arrête de déconner. Le vote a été serré. Mais elle, elle publie dans le Seuil et toi t’as été fouillé par un douanier à Oran ! Ils ont choisi la guerre d’Espagne au lieu de la tienne. Que pèse un chroniqueur algérien qui réinvente la littérature algérienne d’expression française face à Guernica et les républicains espagnols ? Et s’il fallait une preuve, c’est la phrase lancée par Tahar Ben Jelloun, le francophone du pauvre, qui, à l’énoncé du verdict, a dit à celle qui a gagnée « Lydie, tu le mérite amplement ». Ah, ces Marocains….Hada Raihoum

Enfin, maintenant qu’on est fixé sur le taux de change d’un écrivain algérien à Paris, reviens-nous vite. Avec un autre bouquin. Et c’est le plus difficile quand on a tutoyé l’excellence comme tu l’as fait. Et maintenant, qu’ils savent que t’as raté le Goncourt, reviens par Charles de Gaulle. L’aéroport. Pas par Orly. Les Pafistes sont plus sympa, parait-il.

*Toute ressemblance avec les chroniques de Kamel est une pure réalité

**Mounir B. est journaliste à Liberté


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