PRESSE. Entretien avec Hamid Grine, ministre de la Communication

hamid grine

Le journal El Khabar vous a accusé publiquement de faire pression sur des annonceurs privés…

L’article auquel vous faites allusion était injurieux, diffamatoire et insultant à l’égard de ma personne. Le journal m’accuse de faire pression sur des entreprises privées, sans apporter la moindre preuve confirmant du coup l’urgence de poser des règles professionnelles dans le métier. Je lutte contre la diffamation et l’insulte et ce journal me diffame et m’insulte ! Je lui dis : merci de prouver à tous les observateurs le bien-fondé de notre démarche.

Je suis pour la liberté d’expression la plus totale à condition qu’elle soit expurgée de son acné qu’est la diffamation. On veut critiquer l’action et le programme du gouvernement, on veut critiquer une politique ? Rien de plus normal. Mais qu’on y mette les formes. On n’a pas le droit de blesser, on n’a pas le droit d’insulter ou de mépriser, on n’a pas le droit de frapper bas. Le journaliste n’est pas au-dessus des règles de l’éthique et de la loi. Donc je suis pour tout débat, toute forme d’expression à condition qu’il n’y ait pas violence, qu’il n’y ait pas atteinte aux personnes. C’est d’ailleurs de cette manière qu’on peut se développer, en confrontant les idées.

Je reviens à ma conception du cercle vertueux qui a tant déplu à certains titres et qui m’a valu ces attaques. Je m’explique : l’annonceur vertueux qui a une gestion transparente et éthique ne doit associer son image qu’à un média vertueux. C’est quoi un média vertueux ?  C’est un support qui n’attaque pas, qui ne diffame pas, qui croise l’information, qui s’en tient aux faits et non aux personnes, qui assure la couverture sociale à ses employés, des salaires dignes, un contrat clair et toutes les conditions de travail, qui consacre 2% de ses bénéfices à la formation des journalistes…

Pour que le cercle vertueux soit bouclé, il faudrait que le journaliste soit vertueux, c’est-à-dire qu’il n’écrive pas les articles sous la contrainte, qu’il se préserve de toute corruption, qu’il vérifie l’information. Il est évident que beaucoup d’annonceurs ont compris le message et qu’il était nécessaire de développer la presse et de la moderniser sur des bases saines et déontologiques. Une presse libre et professionnelle, voilà ce que veulent les annonceurs et voilà ce que nous cherchons à faire et à encourager.

Maintenant, je réitère ce que j’ai dit : toutes les pressions, toutes les attaques, quelles que soient leur nature ne me feront pas reculer. Le projet de professionnalisation que nous menons depuis un certain temps, selon les instructions de son excellence le président de la République, sera achevé quel qu’en soient le prix et les entraves.

Pour que les choses soient claires et dites définitivement, je réitère mon appel aux annonceurs : ne prenez pas comme supports publicitaires des journaux qui diffament et qui insultent. Maintenant, il est évident que si certains journaux se reconnaissent dans cette description, je n’y peux rien ! Ils n’ont qu’à changer.

J’ai reçu de très nombreux messages de soutien me disant que nous sommes sur la bonne voie pour professionnaliser la presse. A l’heure où je vous parle, il y a plus de 1 300 dossiers qui ont été déposés au niveau de la Commission provisoire de la carte de journaliste professionnel, alors que déjà 1 200 d’entre eux ont été traités. Donc, les journalistes répondent en masse à notre projet de professionnalisation. Qu’un, deux ou trois directeurs de journaux soient contre ne m’émeut pas. Moi, ce qui m’importe, ce sont les 4 000 journalistes qui veulent améliorer leurs conditions de travail et s’inscrire dans la modernité et le professionnalisme.

El Khabar se dit attaqué pour sa ligne éditoriale.

Je ne me suis jamais attaqué à ce journal. Et puis, parlons de sa ligne éditoriale. Diffamer, insulter, c’est une ligne éditoriale ? Il y a d’autres journaux qui ont une ligne éditoriale dure par rapport à notre action. Pourtant, il n’y aucun problème avec ces supports, tout simplement parce qu’ils respectent les règles du métier.

Ce journal m’a attaqué sur ma vie privé, mais je n’ai rien dit. Les choses sont claires, le ministre n’est pas attaqué sur sa politique, mais sur sa personne. J’aurais aimé que ce fût le contraire. Alors, je vais le répéter franchement : un journal qui diffame l’Etat n’aura pas la publicité de l’Anep parce que c’est cette publicité qui intéresse le journal que vous avez cité.

Justement, le monopole de l’Anep et sa gestion opaque est un problème qui est souvent dénoncé…

Je vais commencer par vous citer un exemple. Il y a un journal à fort tirage qui bénéficiait de la publicité d’un opérateur assez important. Dès lors que cet opérateur a cessé de donner de la publicité, il a été attaqué à plusieurs reprises par ce journal. Aujourd’hui, je me pose la question : si un jour l’Anep n’a plus le monopole de la publicité publique, vous imaginez les dégâts, si on laisse les entreprises publiques choisir seules leurs supports. Des entreprises publiques vont certainement subir toutes les attaques de la part de supports qui n’auront pas leur «part». Cela correspond parfaitement au chantage qui est pratiqué aujourd’hui vis-à-vis d’opérateurs privés.

Alors, moi je dis non, car je sais qu’on ne peut développer l’information et la communication dans notre pays et les moderniser sans éthique. Je le répète : nous sommes pour la critique d’une politique, d’une d’action, mais je m’élève contre la diffamation. La gestion de l’Anep n’est pas opaque, elle répond à des règles de déontologie et des objectifs de communication des annonceurs.

Donc, selon vous, c’est le ministre en personne qui est visé. Pourquoi ?

On s’attaque à la mission du ministre parce que notre projet de professionnalisation est en train d’aboutir. Il y a un consensus chez les opérateurs privés qui consiste à ne pas donner de la publicité aux journaux qui diffament et comme par hasard, les journaux qui diffament et qui insultent se sont reconnus. Leur défense a été l’attaque. Au lieu de se poser des questions sur la façon d’exercer leur métier, ils empruntent les chemins contre lesquels nous luttons de toutes nos forces. Je relance un autre message aux opérateurs privés, qu’ils soient nationaux ou internationaux : choisissez bien votre support, ne brouillez pas votre image en l’associant aux journaux qui diffament quel que soit leur tirage.

Ne s’agit-il pas là d’une ingérence dans les choix des opérateurs privés ?

Si vous appelez ingérence, l’instauration des règles d’éthique et de déontologie, alors oui, je veux bien endosser le sens de ce mot. Il se trouve que certains journaux ne sont pas d’accord pour l’organisation du secteur. Ces journaux s’opposent à cette démarche de transparence, tout simplement parce qu’ils pensent que l’anarchie et la culture du lobbying et des attaques sont plus profitables pour eux. Messieurs, il est temps de passer à une autre presse. Où est l’ingérence ? Nous avons un rôle de régulateur et nous veillons au respect des règles de l’éthique.

On vous reproche d’accorder la publicité de l’Anep à des journaux qui ne sortent même pas de l’imprimerie…

Je demande à voir. Je ne me suis pas encore penché sur la publicité de l’Anep, mais je peux aussi vous dire que jusqu’à présent, et à ma connaissance, il y a trois ou quatre critères qui orientent le choix de l’Anep, dont la déontologie et le tirage. Mais le plus déterminant, c’est le choix que fait l’annonceur lui-même. Pour moi, l’éthique et la déontologie sont les critères les plus déterminants. Pour nous, la grandeur d’un journal ne se mesure pas au tirage, mais au respect de l’éthique et des valeurs de la société algérienne. Vous me dites qu’il y a des journaux qui n’ont pas un grand tirage. Je dis que les 80 journaux, environ, qui ont la publicité de l’Anep, font vivre, directement et indirectement, environ 25 000 familles. Il y a des journaux qui tirent à 5 000 exemplaires et qui emploient 200 ou 300 personnes. Il ne faut pas les montrer du doigt.

La démarcation pour nous se fait sur le plan éthique. Un journal à fort tirage qui diffame, manipule et insulte est dangereux pour le lecteur, pour la sécurité publique ainsi que pour la stabilité du pays. Aujourd’hui, je lance un appel à ces journaux qui nous attaquent depuis quelques temps et je leur dis : soyez professionnels. Marchons la main dans la main pour moderniser, professionnaliser et développer notre secteur. Nous avons besoin de tous les journaux, de tous les directeurs quels que soient leurs couleurs politique. L’Algérie a besoin d’une presse libre. E non d’une presse qui veut s’enrichir avec de la publicité en foulant les principes de l’Etat de droit et de la loi. Je tends la main sur une seule base : celle du professionnalisme, donc de l’éthique et de la déontologie. J’espère que ces attaques stériles s’arrêteront et qu’on passera au dialogue et aux débats constructifs.

Car nous n’avons qu’un pays et ce pays a besoin d’une grande presse professionnelle. Je profite de l’occasion pour rendre hommage à tous les journalistes algériens sans exception, en souhaitant qu’ils fassent les démarches nécessaires pour obtenir leurs cartes professionnelles le plus rapidement possible.


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