La chronique de Hafid Derradji : c’est le peuple qui a failli

Hafid Derradji

J’ai reçu beaucoup de courrier suite à la publication de ma dernière chronique sur le règne de Bouteflika, lequel, selon moi, n’était pas si mauvais ni catastrophique qu’on pourrait le penser. J’avais aussi évoqué ma conception du prochain président qui devrait éviter les erreurs et les lacunes dont nous souffrons aujourd’hui, pour nous sauver de la médiocrité et du sous-développement qui sévissent à tous les niveaux.

De ce que j’ai reçu comme réactions, j’ai choisi de partager avec vous les extraits d’un  courrier envoyé par un jeune Algérien qui pense que la responsabilité de l’impasse et du statu quo que vit l’Algérie d’aujourd’hui, n’est pas de la seule responsabilité du président.  Le peuple a sa part de responsabilité dans cet échec.  N’est-ce pas lui qui a décidé de lui accorder un quatrième mandat sachant que l’homme « tab djnanou » et qu’il n’est plus en mesure de s’acquitter de ses responsabilités ni d’exercer ses fonctions ?

Cher Hafid,

« Nous parlons beaucoup de l’échec de Bouteflika dans la gestion des affaires de l’État depuis 2009, mais la vérité est toute autre.»

En réalité, c’est le peuple qui a échoué dans son choix de décider pour lui-même

Quant à Bouteflika, il a réussi à assurer plus de pillage et de rapine par les mêmes personnes depuis l’indépendance.  Il a réussi à les protéger et à couvrir leurs crimes. Eux, à leur tour, ont réussi à le pousser vers un quatrième mandat en dépit de son incapacité au vu et au su d’un peuple qui n’a point réagit face aux multiples crimes et scandales.

Bouteflika a mené à bien sa mission de vengeance de ses prédécesseurs et du peuple.  Il s’est appliqué à l’humilier au point de ne plus respirer ou de pouvoir dénoncer les pilleurs.  Car le peuple aussi a eu sa part de logements, de prêts bancaires et toutes sortes de facilitations qu’il paiera très cher à l’avenir.

Faut- il rappeler que depuis 1999, le niveau intellectuel et spirituel de l’Algérien ne fait que régresser ?

Cependant, il serait injuste de tout mettre sur le dos de la seule personne du président. Pour son successeur, on ne peut hélas rien prévoir sur sa capacité à changer et à reformer les choses.  C’est là un grand chantier qui l’attend à tous les niveaux ; intellectuel, morale, éducatif et social, avant de parler des domaines politique et économique »

Ces extraits ainsi que d’autres messages qui me parviennent de mes compatriotes vivant à l’intérieur du pays ou à l’étranger me rappellent des propos similaires prononcés par de hauts fonctionnaires de l’État parmi les proches de Bouteflika il y a quelques semaines.  Ils ont, en effet, tous, reconnu les déséquilibres que vit le pays, exprimant leurs regrets pour un peuple qui a voté pour un président qu’il ne voit plus et qu’il n’entend plus, ne sachant même pas où il se trouve aujourd’hui.

Un peuple qui ignore qui décide pour lui et qui gouverne à la place du président. Un peuple qui croit que la paix et la stabilité dont il jouit est une aumône que lui donne pouvoir qu’il risque de perdre une fois Bouteflika et son entourage partis.

De nombreux Algériens d’ici et d’ailleurs sont unanimes pour dire que le peuple a démissionné de la vie politique et sociale. Il ne se sent plus concernés par les nombreux scandales et mascarades, au point où même le pouvoir ne le prend même plus en compte dans ses prévisions pour la prochaine étape ; une étape qui ne prend en compte ni la volonté du peuple ni de ses ambitions et aspirations pour un avenir meilleur qui préserve la dignité du peuple et de la nation avant de penser aux intérêts des individus et des groupes.

Que l’on soit d’accord ou pas avec les uns et les autres.  Qu’on ait des appréciations différentes de l’ampleur du désordre et du dommage, causé à la nation. Nous ne pouvons ignorer que l’Algérie d’aujourd’hui, ne ressemble en rien à celle dont ont rêvé ceux qui ont sacrifié leurs vies, de novembre 54 à octobre 88, jusqu’aux martyrs du Printemps berbère. Et tous ces hommes nobles qui sont morts à différentes étapes de notre histoire pour construire un État  où chaque personne est soumise au pouvoir de la loi et à la volonté du peuple, et non au bon vouloir d’une personne qu’on ne voit pas, qu’on entend pas , et ne sachant pas où elle se trouve aujourd’hui.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici