Enlèvement du touriste français : « L’Algérie n’est pas l’Irak ! »

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Ancien ministre et ancien diplomate, Abdelaziz Rahabi fait partie de l’instance de concertation de la Coordination nationale pour la transition démocratique (CNLTD). Dans cet entretien,il explique l’impact de l’enlèvement du  touriste français en    Kabylie sur  l’image de l’Algérie, la lutte contre le terrorisme et la présence du mouvement Daech en Algérie.

Comment expliquez-vous le kidnapping d’un ressortissant français en Kabylie ?

Un acte terroriste peut se passer en tout lieu et en tout moment. Rappelez-vous les attentats de septembre 2001 aux Etats-Unis. Les chances que cela se passe en Kabylie ou à Jijel sont plus grandes que dans d’autres régions du nord du pays. Les raisons sont nombreuses. D’abord, la proximité de la Kabylie avec Alger qui était la ville la plus touchée par le terrorisme, il y a 16 ans. La Kabylie, l’Ouarsenis étaient des zones de repli qui ont connu une activité terroriste intense durant la crise politique et sécuritaire des années 1990. Ensuite, il s’agit d’une région montagneuse où il y a un résidu de terrorisme. Je dis résidu car quand vous mesurez l’ampleur du terrorisme aujourd’hui par rapport à l’ampleur terrorisme d’il y a vingt ans, vous vous rendrez compte que ce n’est pas la même chose.

Le groupe terroriste auteur du kidnapping se réclame de Daech. Qu’est-ce que cela signifie, pour vous ?

Ce groupe peut se réclamer de qui il veut. En réalité, il se réclame d’une menace internationale pour avoir plus d’impact. Car il est conscient que les Occidentaux ont peur de Daech. Une menace qu’ils ont, sciemment, amplifiée. Se réclamer de la GIA ou de Daech ne signifie donc rien pour moi. Le terrorisme a agenda national : celui d’affaiblir l’Algérie. Il participe également à une stratégie internationale qui vise aussi à affaiblir l’Algérie. Encore une fois, Daech ne représente pas la menace que les Occidentaux lui prêtent. Et l’Algérie n’est pas l’Irak et on aurait tort de faire lien avec ce pays. J’ajoute que les capacités de nuisances des groupes terroristes en Algérie ne sont pas aussi grandes qu’on le prétend, à mon sens. On a tort d’inscrire l’Algérie dans cette géopolitique du terrorisme. Celui-ci peut être de l’avenir au Moyen Orient. Il n’en a pas chez nous. 

L’Algérie a été pourtant le théâtre d’une des plus grandes opérations de prise d’otages dans le monde, à Tiguentourine, en 2012…

La société algérienne a un niveau de mobilisation sociale contre le terrorisme qui est le résultat de sa propre expérience. Il faut commencer par tirer des leçons de ce qui s’est passé chez dans les années 1990. Aujourd’hui, il y a un consensus national contre le terrorisme et la violence. Je pense qu’on a tort de sous-estimer la capacité de mobilisation de notre société contre le terrorisme. La victoire était sociale avant d’être militaire. Le nombre de victimes civiles était bien plus important que le nombre des victimes militaires.

L’Algérie est perçue comme le gendarme de la région. Quel sera l’impact de cet acte terroriste sur son image ?

Être perçu comme étant gendarme de la région fait de vous la cible privilégiée du terrorisme international. Cela étant dit, l’impact sera incontestablement très négatif. L’acte donne l’image d’un pays où un étranger n’est pas l’abri d’un kidnapping et donc un pays qui n’est pas stable. Quand un pays présente plus de risque, il y a forcément moins d’attractivités pour les investissements et pour le tourisme. Mais il faut attendre de connaitre le dénouement de ce malheureux kidnapping.

Comment expliquez-vous le retard dans l’éradication du terrorisme à l’est du pays ?

Une des faiblesses majeures du processus de réconciliation nationale, c’est la confiscation de la victoire du peuple sur le terrorisme. Au lieu de dire au peuple : nous avons vaincu le terrorisme grâce à toi et à tes sacrifices, à ceux des services de sécurité, nous avons dit aux Algériens, c’est grâce au pouvoir politique et à Bouteflika que l’Algérie à retrouver la paix. Comme en 1962, la victoire du peuple a été spoliée. Résultat : il y a une sorte de démobilisation sociale contre la violence terroriste. Si vous ajoutez la marginalisation économique et la faible couverture sécuritaire de certaines régions en Kabylie, ça vous donne des situations de cette nature.


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