La chronique de Hafid Derradji : tout va bien, Dieu merci

Hafid Derradji

Lorsque je lis ou entends les critiques concernant mes écrits hebdomadaires dans la presse,  le doute m’habite et je commence à croire que je parle dans le vide me concentrant sur les aspects négatifs uniquement. Ainsi, j’omets de citer toutes les réalisations accomplies lors de la dernière décennie dans tous les domaines. Cependant,  lorsque j’ai lu le rapport, auquel a participé le célèbre magazine américain Forbes et qui a classé l’Algérie parmi les sept pays ayant la plus mauvaise réputation dans le monde, j’ai réalisé à quel point j’avais raison. J’ai compris que  je n’exagérais pas et que les Algériens sont victimes d’un énorme mensonge que nous racontent les partisans de la stabilité, de la paix et de la continuité.

L’étude s’est appuyée sur les normes de la qualité de vie, de la qualité des institutions et de leurs performances ainsi que sur le niveau de développement et de prospérité des États.  Ce rapport a souligné que les Algériens ont une vie triste, que les services offerts par les institutions sont médiocres et que le taux de croissance du pays est très faible. Cependant, les profiteurs et les opportunistes de tous bords, persistent dans leurs mensonges et ne se lassent pas de nous chanter la même chanson ennuyeuse, énumérant ce qu’ils savent si bien appeler les acquis et les réalisations.

En réalité, ce qu’ils appellent réalisations et acquis, ne sont que des initiatives populistes destinées à gaspiller l’argent public pour acheter la paix sociale en échange de la pérennité du pouvoir et de sa survie. Les partisans du pouvoir en place font campagne pour une Algérie où tout va bien alors que nul n’ignore que le pays fonctionne par la grâce divine.  Sans institutions fortes, sans président en mesure de s’adresser à son peuple ou de le représenter dans les instances internationales, lui qui a tout délégué à ses proches.

Tout ce beau monde, estime que tout va bien en Algérie tant que sur le plan politique, la situation est calme et triste.  Tant que l’opposition est faible et la liste des profiteurs et des opportunistes s’allonge en échange du statut quo où le Président et son entourage jouent au ping-pong, désignant et révoquant les responsables selon leur bon vouloir, au point que l’Algérie est désormais unique au monde dans ce genre de pratiques.

On nous demande de remercier Dieu alors que les pouvoirs qui se sont succédé étaient tous rentiers et populistes gaspillant l’argent du contribuable pour acheter la paix sociale. C’est ainsi qu’ils ont distribué 4 000 milliards de centimes à 400 000 jeunes dans le cadre des projets de l’ANSEJ afin de les faire taire et de les occuper.

En outre, ils ont décidé d’allouer 20 mille milliards de centimes pour le plan de renouveau de la capitale après que l’état ce soit enfin rendu compte qu’Alger s’est transformé en énorme bidonville. Malheureusement, cet argent connaîtra le même sort que tous les milliards dépensés sur d’autres projets de restauration et de modernisation. Cet argent sera partagé par trois entrepreneurs parmi ceux qui détiennent le pouvoir.  Ceux-là même qui ont toujours obtenu les plus gros marchés et qui aujourd’hui ont leur mot à dire pour nommer ou révoquer, des ministres, des responsable, voire même des généraux.

Merci mon Dieu, aujourd’hui, nos routes ne tuent que 5000 personnes par an dans les accidents de la circulation, malgré les milliards dépensés pour la construction et l’aménagement des routes depuis 15 ans.  Et tout va bien chez Air Algérie qui a dépassé les plus grandes firmes aériennes dans le monde, mais en  nombre d’accidents et en un temps record.  Une situation qui a poussé le ministre des Transports à évoquer la nécessité d’ouvrir l’investissement dans le transport aérien à « leurs amis » du privé et ainsi détruire complètement Air Algérie.

Dieu merci, tout va bien dans le secteur de l’éducation.  L’année scolaire a commencé dans le chaos et les protestations avec un déficit notable dans les infrastructures, la ressource humaines et des  classes surchargées.

Merci aussi pour nos prisons remplies de jeunes délinquants qui ont pris goût au gain facile car ils ont perdu toute valeur et moralité.

Nous remercions Dieu car l’Algérie est le seul pays dans le monde où les richesses sont pillées en permanence, dans l’impunité la plus totale.  C’est aussi le seul pays qui cultive et favorise la médiocrité, et  où les  analphabètes et les voleurs se retrouvent ministres ou à la tête de grandes institutions de l’État. Tout continuera à aller bien avec le déficit de 50 milliards de dollars prévu en 2015, après la chute des cours du pétrole à moins de 100 dollars le baril.

Nous devons remercier Dieu pour l’état de nos hôpitaux, de nos aéroports, de nos plages, de nos villes et villages, de nos écoles et universités où le niveau de qualité des services est l’un des plus grand dans le monde.

Nous remercions Dieu pour notre autosuffisance alimentaire et  médicale, grâce au développement enregistré dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie et des services.

Tout va bien en Algérie depuis l’ouverture du champ audiovisuel et l’émergence de plus de vingt chaînes de télévisions opérant dans une anarchie inégalée. Certaines chaines font carrément dans le chantage, la tromperie et l’exagération en poussant à plus de congestion oubliant leur vocation d’informer, d’éduquer et de divertir et d’offrir un service  public réel.

Nous remercions Dieu parce que l’équipe nationale de football va se qualifier pour les finales de la Coupe d’Afrique des nations et pourrait même remporter le sacre continental.  On aura ainsi la preuve que le secteur sportif fonctionne à merveille.  On oubliera que tous les autres sports connaissent une nette régression, les installations sportives tombent en ruine, à cause du laisser- aller et de la négligence.

Avec tout ça, on nous dit que «tout n’est pas noir en Algérie». Nous leur disons, « tout n’est pas noir » certes, mais tout a atteint la ligne rouge en raison du laxisme et de la négligence dans la conduite des affaires de la nation, les hommes sont asservis et les institutions détruites.

Quant au peuple, on fait tout pour le distraire en lui sortant, telle une épée de Damoclès, les dangers du terrorisme, Al-Qaïda et Daesh et ce, dans l’unique but de faire passer leurs projets de succession au pouvoir, en anesthésiant  le peuple, en affaiblissant l’opposition et en remettant en question le nationalisme de tous ceux qui osent prétendre que l’Algérie ne va pas bien.


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