Témoignages. Les coups de gueule des Algérois

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Dire que la vie n’est pas simple à Alger relève de l’euphémisme. Au quotidien, pas un Algérois pour taire les problèmes de propreté, de circulation ou de sécurité que rencontre la capitale.  TSA a donc décidé de faire parler ces gens. Recueillir leurs témoignages pour dresser un état des lieux des doléances de la population. Les voici.

La saleté

« La saleté gangrène la capitale. C’est une honte qu’Alger, censée être la vitrine de l’Algérie, donne le visage d’une décharge à ciel ouvert », témoigne un quinquagénaire. Les différentes personnes interrogées se sont accordées sur l’importance de redorer l’image de la capitale en la rendant propre. « Nous avons honte de voir des ordures partout. Il faut y remédier, quitte à infliger des amendes aux gens qui jettent leurs ordures dans des endroits inappropriés », lance Abd El Ghani. « On respire de mauvaises odeurs partout. Lorsqu’on marche, on traverse des égouts, les sacs en plastique sont omniprésents, les quartiers croulent sous les ordures », décrit Asma, étudiante en informatique.

Le manque d’entretien des bâtiments

La jeune étudiante relève également le manque d’entretien des immeubles aux façades hideuses. « Les bâtiments ne sont repeints qu’en cas d’occasion, les routes sont généralement dans un mauvais état, plusieurs fuites d’eau sont laissées sans réparation, ajouter à cela les chiens et chats errants, et la liste est longue », égrène-t-elle.

Omar, ingénieur de 40 ans, est du même avis. « Il faut penser à rénover les vieilles bâtisses et à les entretenir, il faut faire plusieurs travaux pour donner à Alger La Blanche une image digne de son nom ». Cet ingénieur fait remarquer que « l’architecture est anarchique ». « Regardez autour de vous. Chacun construit à sa guise. Il faut qu’il y ait un cachet architectural propre à nous. Que les gens respectent des normes lorsqu’ils construisent. Si on continue comme ça, Alger ne ressemblera plus à rien », s’indigne-t-il.

Des cités abandonnées et des ruelles dégradées

Les Algérois vivent mal. À l’extérieur, la saleté, l’insécurité et l’absence de loisirs, les poussent à se barricader chez eux dans leurs appartements, situés dans des cités dortoirs délabrées. Les promoteurs immobiliers construisent des immeubles sans commodités : ni aires de jeu pour les enfants, ni espaces verts, ni places de parking suffisantes pour les habitants. « Je termine le travail et je rentre vite à la maison pour stationner ma voiture. À partir de 19h, il n’y a plus de places de parkings dans la cité. Le promoteur a vendu des appartements et pour stationner, les habitants se débrouillent », affirme un cadre habitant dans une petite cité à Ain Benian. Le ministère de l’Habitat doit revoir le cahier des charges pour la construction de logements promotionnels et exiger des promoteurs de prévoir des parkings souterrains. Outre les problèmes de stationnement, les Algérois sont confrontées à l’état de dégradation avancé des rues et ruelles qui mènent vers leurs maisons. Les autorités se contentent de refaire les routes principales, les grands boulevards, et délaissent les ruelles adjacentes, comme à Air de France, Bouzareah, Beni Messous, Ain Benian, Cheraga, Bordj El Kiffan, etc. « Pour rentrer chez moi, je passe par une route complètement dégradée et à l’entrée de la cité, c’est une piste qui se transforme en piscine en hiver », déplore Ali, qui habite à Beni Messous, un quartier où le wali d’Alger visite très rarement.

Les embouteillages

Les embouteillages sont l’une des bêtes noires des Algérois. Aucun quartier n’est épargné. Aux heures de pointe, c’est l’enfer partout. Noureddine, habitant de Bouzaréah qui travaille au centre d’Alger, explique que  le trajet Bouzareah – Alger, qu’il fait au quotidien, devient « une angoisse ». « Rien que d’imaginer que je vais faire le trajet le matin me met de mauvaise humeur », dit-il.

« Peu importe l’heure, on ne peut jamais échapper aux bouchons. C’est infernal. Il est temps de trouver une solution », réclame Lyes, un jeune employé de 25 ans qui habite à Staouali et travaille aux Annassers. Cette anarchie qui règne peut être résolue, selon lui, en développant les moyens de transport. « Si j’avais le moyens de laisser ma voiture au garage, je le ferai sans hésiter », dit-il. « Malheureusement, c’est impossible. Nous n’avons pas de moyens de transports. Il faut faire plusieurs escales pour arriver au finale avec plus d’une heure de retard au travail », juge-t-il.

Pour Asma, un autre problème se pose ; celui du manque de parkings. « Il faut tourner en rond pendant beaucoup de temps pour trouver où se garer. Le nombre de parkings est insuffisant. Nous sommes contraints de nous garer à l’extérieur, dans des endroits où il est interdit de stationner au risque de se faire retirer le permis », explique-t-elle. La jeune fille estime qu’il est urgent de mettre à la disposition des citoyens des parkings. « C’est logique. Si les gens achètent des voitures, il faut trouver où les garer », pense-t-elle. Elle pointe du doigt la négligence des « autorités ». « Je ne comprends pas pourquoi laisser le champ libre à des bandits qui s’improvisent gardiens de parking. On est obligé de payer à chaque coin de rue sans que les autorités ne bouge un doigt ».

Le stationnement anarchique est également pointé du doigt. Dans plusieurs quartiers comme Bouzareah, les transporteurs clandestins occupent les trottoirs et les rues, obligeant les piétons et les voitures à rouler sur une seule voie. La police laisse faire. Dans le centre d’Alger, où sont concentrées beaucoup d’administrations et d’entreprises, trouver une place de stationnement à partir de 9h, même dans les parkings payants, relève de l’impossible. Du coup, les automobilistes tournent au rond, stationnement en deuxième position. L’anarchie règne.

L’absence de divertissement

Plusieurs Algérois se plaignent de l’absence de vie nocturne à Alger. « Les magasins sont fermés très tôt. À 18h, pratiquement aucun magasin n’est ouvert », dit une dame. « On aimerait bien sortir le soir pour faire les courses, mais cela n’est possible que durant le mois de ramadhan », ajoute-t-elle.  « Nous souffrons toujours de la décennie noire qui a installé la terreur. Les gens se pressent de rentrer chez eux et les commerçants aussi. Mais il faut penser aux jeunes, notamment, qui ont la soif de vivre. Il faut leur offrir la possibilité de s’évader un peu du quotidien », explique une jeune étudiante en pharmacie.

Imène, 24 ans, est du même avis. Elle estime que les centres de loisirs ne sont pas suffisants. « On peine vraiment à trouver où aller pour s’amuser et briser la routine ». La jeune fille explique que les rares lieux qui existent restent chers. « On ne peut pas se les permettre tous les jours ». « Pour aller à la piscine, il faut compter 1 000DA la personne, la majorité des plages sont payantes. Tous les endroits sécurisés sont excessivement chers. Et en tant qu’étudiants, on ne peut pas se le permettre tout le temps ». Pour sa maman, la vie en général est chère à Alger si on la compare à d’autres wilayas. « Il n’y a rien qu’à voir les prix des fruits et légumes », argumente-t-elle. « Le logement, la nourriture… tout est cher à la capitale ».

Le manque de sécurité

Autre élément soulevé ; le manque de sécurité. Selon différents témoignages, il est difficile de se sentir en lieu sûr à Alger. « On se fait insulter à chaque coin de rue », témoigne Nabila. La jeune fille explique qu’il est « inconcevable » pour elle d’imaginer marcher la nuit seule dans la rue. « C’est impossible. Il n’y a pas de sécurité. Il suffit que je tarde un peu le soir pour que la peur m’envahisse », dit-elle. La jeune employée dans une entreprise étrangère explique qu’elle s’est déjà fait agresser par un groupe de jeunes, en plein centre d’Alger. « L’hiver passé, un groupe de jeunes m’a agressée vers 18 heures pour s’emparer de mon téléphone », dit-elle encore effrayée par ce qui lui est arrivé.

Un quinquagénaire est du même avis. Selon lui, « les temps ont changé ». « Actuellement, on  ne peut pas marcher tranquillement dans la rue. On a peur de se faire agresser, notamment dans les ruelles isolées », dit-il. Ce qui fait le plus peur à Selma, ce sont les nombreuses personnes qui ont des maladies mentales et qui sont livrées à elles-mêmes. « On les croise pratiquement tous les cent mètres et ils sont parfois très agressifs. Pourquoi ne pas les prendre en charge au lieu de les abandonner ? »


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