Entretien. Kamel Daoud en lice pour le prix Goncourt : « C’est une sorte de pré-consécration »

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Chroniqueur au Quotidien d’Oran et écrivain, Kamel Daoud est en lice pour le prestigieux prix littéraire Goncourt pour son roman Meursault, contre-enquête. Un roman où l’auteur brosse talentueusement un tableau de la société algérienne à partir du principal personnage de L’Étranger d’Albert Camus.

Que représente pour vous cette nomination pour le prestigieux prix Goncourt ?

C’est difficile de répondre car je n’ai pas envie de parler de moi-même. D’abord, je dirais que c’est une sorte de pré-consécration qui change les choses pour moi. J’étais toujours très engagé en tant que journaliste tout en voulant faire de la littérature. Pour moi, c’est donc un bon virage, dans le sens où je vais hiérarchiser, autrement, mes engagements éditoriaux, mes chantiers de travail.

Ensuite, ce qui m’a le plus touché est le fait que ce soit la première fois qu’on essaie de consacrer un écrivain algérien, qui est installé et qui travaille en Algérie.

Dans Meursault, contre-enquête, vous revenez sur le meurtre de « l’arabe » dans L’Étranger de Camus. Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de faire cette « investigation » ?

D’abord, il n’y avait aucune intention idéologique au début. C’est que dès qu’on parle de Camus, on se retrouve dans les clichés autour de lui : l’histoire, la mémoire, le déni de l’arabe. Et c’est très difficile de fantasmer autour de Camus sans se faire piéger par des lectures, des idéologies, de préjugés sur l’histoire et beaucoup d’autres choses.

Je voulais raconter une histoire et pas un essai parce qu’il y en a beaucoup autour de Camus. Je voulais exploiter l’angle mort. L’arabe anonyme (dans L’Étranger de Camus) était une brèche assez fascinante pour moi. Je voulais l’investir, non pas avec de la réflexion – d’autres l’ont fait beaucoup mieux que moi – mais avec de l’imaginaire.

Au-delà de la « contre-enquête », vous brossez surtout un tableau de ce qu’est la société algérienne…

Exactement ! Encore une fois, je ne voulais pas écrire un livre autour de Camus. Je voulais que Camus ou son personnage, Meursault, me servent de prétexte pour mon texte. Qu’ils soient un départ pour une histoire qui s’autonomise au fur et à mesure. Il ne s’agissait pas d’écrire une histoire autour du personnage de Camus mais à partir de ce personnage. Et fatalement, on aboutit à un tableau de la société algérienne.

Dans votre roman, le principal personnage dit : « tant et tant de fois aujourd’hui je prends ce peuple pour un seul homme avec qui j’évite d’avoir de trop longues discussions et que je maintiens à distance respectueuse… »

Je crois que c’est l’attitude qu’ont beaucoup d’algériens avec beaucoup d’autres algériens. C’est l’attitude de chacun avec les autres. J’avais écrit une fois qu’on était 36 millions de Meursault, chacun dans son coin. Á l’époque, on était 36 millions d’habitants.

Est-ce que vous travaillez sur un nouveau projet ?

Je travaille sur un essai et un autre roman qui doit être lancé prochainement en chantier. Mais je préfère ne pas trop en parler en ce moment.

Un essai politique ?

Non, pas du tout. Je laisse l’exercice du journaliste. Je pense que quand on fait de la littérature, il faut aller au-delà du politique qui reste, quand même, très conjoncturel. Et puis, ce n’est pas le même chantier.


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