L’Algérie a déroulé le tapis rouge au président du Mouvement tunisien Ennahda, Rached Ghanouchi, en visite à Alger le 24 août. Le chef islamiste, qui n’occupe aucune fonction officielle, est venu parler de la coopération régionale face à la menace terroriste. « L’entretien a été l’occasion de discuter avec le président Bouteflika sur la situation dans notre région et les défis auxquels elle fait face, notamment, ceux liés aux interventions étrangères et leurs conséquences sur la région entière », a indiqué M. Ghanouchi dans une déclaration à la presse au terme de l’audience. L’Algérie, comme la Tunisie, favorise les solutions politiques et met en garde contre « l’ingérence étrangère ». Des positions de principe connues et maintes fois défendues par les deux voisins.
Alors quel est l’intérêt de ce déplacement ?
En Tunisie, la presse locale s’est interrogée sur la nature de l’accueil réservé à l’hôte de l’Algérie. En effet, ce dernier fut reçu avec beaucoup d’égards : tapis rouge, audience avec le président de la République, dîné en l’honneur de la délégation tunisienne et tout cela à quelques mois de deux échéances politiques importantes pour le pays. En effet, la Tunisie s’apprête à organiser des élections législatives en octobre et va enfin élire son président en novembre.
Difficile dès lors d’imaginer que le président algérien et le chef d’Ennahda aient pu ignorer ces deux étapes décisives lors de leur tête-à-tête. L’Algérie qui défend officiellement le principe de non-ingérence dans les affaires tunisiennes s’est montrée concernée de très près par la transition politique en cours. Rached Ghanouchi n’est pas à sa première visite en Algérie, il n’est pas le seul officiel tunisien à avoir été reçu par le chef de l’État en convalescence. M. Bouteflika avait accueilli, rappelons le, Beji Caid Essebsi, candidat à la présidentielle de novembre. Certains observateurs avaient évoqué à l’époque, une possible médiation algérienne pour rapprocher les acteurs politiques tunisiens et faire sortir le pays de l’impasse lors de la crise de 2013. Mais ni les Tunisiens, ni les Algériens n’ont confirmé à ce jour ce rôle.
Ce qui est sûr c’est la volonté du pouvoir algérien, qui a chassé les islamistes du pouvoir dans les années 90, de coopérer avec Enahdha en Tunisie. Choix stratégique bien évidemment, le parti, même s’il ne dirige plus le gouvernement, est la première force politique du pays. Pour l’Algérie, la stabilité du voisin tunisien est essentielle. Un gouvernement fort, capable de faire face à la menace terroriste et de coopérer aux efforts régionaux pour endiguer ce risque, garantira, non seulement, la sécurité pour la Tunisie mais contribuera surtout à assurer la paix dans la région.