Contribution : Abdelmadjid Bouzidi

Abdelmadjid Bouzidi n’est plus.

L’ayant connu à l’université et donc dans des circonstances qui nous plaçaient tous les deux au-delà des simples convenances protocolaires, ce n’est pas sans peine que je l’évoque ici : comment ne pas être triste au plus profond de soi lorsqu’on apprend qu’un homme de sa valeur est arraché aux siens, à ses proches, à ses amis, et à tous ceux comme à toutes celles qui l’ont connu, apprécié et aimé ?

Abdelmadjid Bouzidi fait partie de ces personnes très rares qui, après leur disparition, continuent à être présentes par les multiples souvenirs qu’elles laissent et qui, nous parlant d’elles, parlent très éloquemment pour elles.

Que disent mes souvenirs s’agissant d’Abdelmadjid ? Je ne saurais l’exprimer assez bien. Il y a des compliments et des hommages qui, si grandiloquents seraient-ils, ne peuvent apparaître que comme des banalités ou encore des formules convenues.

Ceux qui, avant moi, lui ont rendu hommage à la suite de son décès ont souligné ses qualités humaines et, avant tout, son engagement profond, en tant qu’intellectuel et économiste pour l’Algérie, son pays, l’Algérie notre pays, l’Algérie à laquelle il vouait une passion sans pareille. Il n’était ni un socialiste attardé ni un néolibéral par effet de mode ; il était avant tout peiné par l’effondrement de la pensée critique et, contrairement à l’élite culturelle de la pensée dominante de l’économie politique, il ne s’interdisait pas de penser autrement l’évolution du monde et de la région où il vivait.

Abdelmadjid, quoique d’une volonté des plus fermes et d’une rigueur peu commune, était cependant on ne peut plus démocrate, dans sa vie de tous les jours ; respecter l’autre, tenir compte de son avis, ne pas heurter les sensibilités des uns et des autres, et surtout tenter de convaincre avec un art consommé de la pédagogie, sans jamais vouloir imposer quoi que ce soit, mais aussi savoir écouter et savoir tenir compte des avis et des points de vue de chacun : en cela il excellait.

Mais le plus remarquable de ses traits de caractère, celui qui le distinguait de tous ou de presque tous, c’était sa constance et sa fidélité à sa conviction première : celle selon laquelle une Algérie prospère et socialement juste était possible et désirable, et d’un monde ouvert adossé à une économie solidaire et humaine rétablissant l’équité entre les régions, prêchant la fin des dogmatismes, et réhabilitant les valeurs d’éthique et d’équité dans l’enseignement de l’économie.

Cette Algérie-là, il l’avait désirée mais il ne lui suffisait pas, loin de là, de la désirer ou de la souhaiter seulement ; il n’avait eu de cesse, jusqu’au terme de sa vie, de continuer à la servir, à la fois comme finalité existentielle, comme objectif politico-économique et comme aspiration qu’il pensait devoir partager avec tous.

Et cela sans répit. Mais aussi sans dépit : dois-je rappeler qu’il a été l’un des principaux inspirateurs du projet de politique industrielle approuvé par le gouvernement en juin 2013 et que j’avais présenté, étant alors en charge de l’industrie ? Sa joie fut à la hauteur de sa passion lorsque je lui avais annoncé que ce projet, qui lui devait tant et tant, et dont je pourrais dire qu’il était également le sien comme celui de tous ceux et toutes celles qui portent l’industrie algérienne au cœur, avait abouti.

C’est que, comme dans tout combat pour un idéal, la route parait, à chaque fois qu’on avance, plus longue encore. Mais poursuivre sans relâche son action au service du redressement industriel algérien n’est-il pas le gage le plus grand et la caution la plus essentielle que l’on apporte à son combat pour cet idéal ?

Abdelmadjid Bouzidi avait un idéal. Il s’y était tenu jusqu’aux dernières semaines de sa vie. N’est-ce pas pour nous tous qui avons à pleurer sa disparition le plus bel exemple qui soit d’une vie forgée pour la fidélité à un projet de société servi et soutenu par la ténacité ?

*Chérif Rahmani, ancien ministre, est Président de la Fondation Déserts du monde.    


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