La chronique de Benchicou : One, two, three, où va l’Algérie ?

1. Et maintenant ? Absent à la prière de l’Aïd, absent dans l’affaire du crash de l’avion d’air Algérie, absent de tout, mais chef de l’État quand même !…. L’État… Maintenant que le football laisse la place à la sombre réalité, maintenant qu’il ne s’agit plus de compter jusqu’à trois en anglais ou de s’angoisser sur la tactique de coach Vahid, nous revoilà face à l’accablante interrogation que l’on a si courageusement reléguée derrière d’urgentes priorités, la Coupe du monde, le ramadan, la canicule, l’Aïd… :  derrière cet homme malade, malade de pouvoir surtout, derrière cet homme tremblant sur son fauteuil roulant, que l’on ni entendu, ni vu pendant que le président français parlait des affaires algériennes, derrière cet homme pathétique, qui  dirige donc l’État de l’Algérie, notre patrie, celle-là que l’on croyait indépendante ? Oui, qui ?  Des lobbys, sans doute.  Des cartels d’ici et d’ailleurs, puissants, impitoyables, insatiables, qui ne disent pas leur nom, mais que l’on sent décidés à sucer les dernières gouttes de sang de ce pays exsangue.

Le quatrième mandat semble avoir été un compromis entre divers appétits : l’appétit de pouvoir d’un homme décidé à ne rien lâcher ; l’appétit d’oligarques algériens et autres spéculateurs pour qui la reconduction de Bouteflika signifiait impunité et perpétuation du pillage ; l’appétit de la pègre pétrolière mondiale qui entendait poursuivre l’œuvre machiavélique entamée sous Chakib Khelil ; l’appétit des stratèges politiques occidentaux toujours habités par des projets d’expansion dans la région et à qui ce régime sans consistance, sans ambition et sans grande diplomatie, convenait parfaitement.
2. Un État aux ordres, irresponsable, sans vision et sans outils. C’est cette tentacule prédatrice qui a œuvré pour faire reconduire l’État bouteflikien, incohérent, faiblement relié à une société faible, ne gouvernant pas, gérant l’immobilisme, un État où personne ne gouverne et où personne n’est gouverné, laissant place aux pilleurs de tous acabits et aux intrigues politiciennes.

Durant un an, ils ont aligné les mensonges sur l’état de santé du Président, « entré à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce pour de simples examens complémentaires » disaient-ils, avec aplomb. Le léger accident vasculaire se termine ainsi par une lourde vacance du pouvoir. Mais il fallait reconduire Bouteflika, reconduire le pouvoir le plus irresponsable qu’ait connu l’Algérie en 50 ans afin qu’il exécute les desseins des capitales étrangères et des lobbys. Cela commence plutôt bien : sur insistance française, et sans consulter personne, Bouteflika a décidé de recourir à l’exploitation du gaz de schiste.  Selon une information rapportée par des médias français, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, aurait confié à des journalistes que la France et l’Algérie allaient prochainement signer « un accord permettant des recherches françaises sur le territoire algérien dans le domaine de l’exploitation du gaz de schiste».

Gouverner, c’est obéir aux puissants, gouverner c’est mentir au peuple. Mentir sur l’état de santé du Président mais aussi sur l’État de santé de l’économie nationale. La tragédie nous arrive en effet, droit sur la gueule !  Le pétrole, les réserves financières en milliards de dollars, c’est fini ! Oui, fini. Les projections les plus optimistes donnent l’Algérie pour importatrice nette de pétrole dès 2025. Au cours des trois mandats du « pouvoir civil » de Bouteflika, il a été gaspillé l’argent du présent et celui du futur. Les hydrocarbures ont été si outrageusement pompées qu’il ne devrait plus rien rester dans le sous-sol d’ici quelques années, date à laquelle nous serions 40 millions d’Algériens, tous, théoriquement, voués à la précarité puisque Bouteflika aura épuisé les réserves pétrolières sans doter la maison Algérie d’une économie diversifiée pouvant prendre la relève du pétrole et du gaz naturel.  En l’espace de cinq ans seulement, la production algérienne de pétrole est passée de 1,6 à 2 millions de barils par jour, soit un bond de 25% ou le double de la moyenne d’augmentation de la production Opep durant la même période.

Les recettes ? Sans s’étaler sur la partie supposée avoir été dérobée par la kleptocratie au pouvoir, elle a surtout engraissé la mafia de l’import via les importations qui ont explosé  entre le premier et le troisième mandat de Bouteflika, passant de 9 milliards de dollars en 1999 à 49 milliards en 2012. Aucun investissement sérieux n’a été engagé dans la production pour doter le pays d’une économie  viable qui prenne le relais des hydrocarbures.

3. Zerguine savait-il mentir ? On ne sait pas. Dans un contexte mafieux, au contact d’un régime déterminé à innocenter l’ancien ministre Chakib Khelil, à surproduire pour se gaver, à se lancer dans l’expérience suicidaire du gaz de schiste, à mentir sur ce qui nous attend, l’ancien président-directeur général de Sonatrach n’était pas l’homme idoine. Abdelhamid Zerguine, qui n’a rien compris au secret de la gouvernance, déclarait à qui voulait l’entendre que  les gisements de pétrole sont en « déclin » et les réserves sont « modestes ». Il fut, évidemment, immédiatement contredit pas son ministre de tutelle, Youcef Yousfi pour qui « l’Algérie continuera à produire du pétrole et des hydrocarbures en général pendant « de longues années encore ».

Dans l’Algérie de Bouteflika, un responsable ça ment ou ça s’en va. C’est ce qu’avait compris le ministre des Finances, Karim Djoudi. Le grand argentier laissait entendre qu’il n’y avait plus d’argent en caisse, que les salaires comme les pensions ne seront plus augmentés… Comme de juste, il est aussitôt recadré par le chef du gouvernement, Abdelmalek Sellal, qui jure ses grands dieux que tout va à merveille dans ce territoire coupé du monde qui s’appelle l’Algérie. Résultat : Karim Djoudi ne figure plus dans le gouvernement et Abdelhamid Zerguine est limogé. Ce dernier, aggravant son cas, aurait, selon diverses sources, refusé de donner un marché de gré-à-gré à un privé algérien membre de la tentacule bouteflikienne et aurait même coopéré avec les enquêteurs dans le cadre de l’information judiciaire contre l’ancien ministre Khelil.

Que faire, je vous le demande, d’un responsable qui n’a rien compris au secret de la gouvernance algérienne de 2014 ?

Il était capable de vouloir dire son mot dans la façon de répartir les 102 milliards d’investissements que Sonatrach compte dépenser pour retrouver le niveau de production de 2008 en 2018 !

Non, il n’avait pas sa place parmi eux.


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