Des mendiantes occasionnelles dans les rues d’Alger

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Depuis quelques années, de nombreuses femmes accompagnées de leurs enfants viennent de toutes les wilayas du pays pour mendier à Alger durant le mois de ramadan. Notre journaliste en a rencontré certaines. Reportage.

La chaleur est étouffante en ce samedi après-midi, rue Didouche Mourad, au centre d’Alger. Adossée à un mur et profitant du peu d’ombre qu’offre cette artère, Fatima prend un sourire timide lorsqu’on lui demande de raconter son histoire. « Que voulez-vous que je vous dise. Je n’ai tout simplement pas choisi d’être ici. » Son fils de cinq ans joue à côté d’elle. L’enfant aux grands yeux marron ne semble pas comprendre ce qu’il  fait dans la rue. « Je joue toute la journée avec ma voiture, elle est belle. Vous voulez  jouer avec moi ? », nous propose-t-il.

Sa mère ne veut pas beaucoup parler. Mais elle finit tout de même par raconter qu’elle est divorcée. « Je suis de Sétif, ma famille n’a pas accepté mon divorce. J’ai un enfant et je dois le nourrir ». Puis, comme pour fuir nos questions, elle s’allonge sur le carton qui lui sert de matelas. Et tourne le dos.

Agée de 28 ans, son amie est assise à quelques mètres. Elle semble plus à l’aise et veut nous raconter ce qui lui est arrivé. « Moi, je vous dirai tout. Je n’ai pas honte. Après tout, je ne vole pas et je ne fais rien de mal. » La jeune femme à la peau blanche a une fille de sept ans qui répond au joli prénom de Sanaâ. « Je viens de la ville de Bouira pour mendier sur Alger. Mon mari est très malade. Il ne peut même pas bouger », dit-elle en nous regardant droit dans les yeux.

Comme des extraterrestres

Leur quotidien est rythmé par les regards interrogatifs des passants. « Vous voyez ! Tout le monde nous regarde comme si nous étions des extraterrestres. Dites-moi, si je n’étais pas obligée de le faire vous croyez vraiment que je serais là ? Croyez-vous que j’accepterai que ma fille dorme dans la rue si je n’y étais pas contrainte ? ». Mais pourquoi recourir à la mendicité alors qu’elle peut travailler ? « Je travaille de temps en temps comme femme de ménage. Et certaines âmes charitables m’aident. Mais cela ne suffit pas », confie-t-elle. « Mais je ne suis pas mendiante toute l’année. Je viens juste lors des occasions. Comme là, pour les derniers jours du ramadan. J’ai l’espoir que les gens me donnent la Zakat ». Le jour de l’Aïd, la jeune femme rentrera chez elle avec ce qu’elle aura réussi à récolter durant une semaine. « Cela me permettra de tenir quelques mois », dit-elle dans un sourire.

Près du marché Clausel, un garçon de dix ans interpelle les passants. « Achetez-moi un jouet s’il vous plait. » Il n’est pas venu seul ici. Il montre sa famille du doigt. « Ma mère, ma sœur et mon frère sont assis là-bas ». Le petit Mohammed nous confie qu’il obtient de très bons résultats à l’école. Il a obtenu sa 5e année à Chlef avec une belle moyenne de 9,5/10. Mais ses bons résultats à l’école ne lui permettent pas d’éviter la rue en été pour l’instant. « Nous mangeons chez le Croissant-Rouge, mais la nourriture n’est pas bonne. En plus, la maison me manque. Mais je dois aider ma mère », confie-t-il.

Imène, sa sœur âgée de cinq ans, Saida sa maman et Haithem son frère âgé de 6 mois seulement se sont installés dans une petite ruelle à l’ombre. « Je suis mariée, mais mon mari n’a pas d’emploi stable. Il travaille comme porteur et ce qu’il gagne ne suffit même pas pour nourrir les enfants », dit Saida qui tient le petit Haitem endormi sur ses genoux. Le mari est-il au courant que sa femme mendie ? « Bien sûr qu’il le sait. Je l’ai laissé à la maison. Cela fait une semaine que je suis là, mais je rentre pour l’Aïd ».  Mais cette année, les rentes ne sont pas à la hauteur de l’espérance de cette dame d’une quarantaine d’année. « Les gens sont de plus en plus radins même dans les mosquées. »


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