La chronique de Hafid Derradji : nous sommes encore des amateurs en politique et en communication

Dans une énième tentative de la part des proches du président Bouteflika d’exploiter le football et les résultats de la participation algérienne au Mondial pour s’attirer la sympathie des foules qui demandaient à Halilhodžić de rester, le chef de l’État a appelé le coach bosnien à poursuivre à la tête des Verts. Cette demande, présentée par la presse officielle et privée comme appui aux demandes des supporters, n’a pas pris en considération les conséquences d’une telle démarche.  Certes, il est beau de voir le public algérien uni pour dire à quel point il apprécie les efforts déployés par l’entraîneur Halilhodžić en lui demandant de rester. Il est également beau de voir l’intérêt que porte le Président à cette équipe et aux demandes des masses. Cependant, un tel intérêt devrait s’appliquer tout le temps et dans tous les domaines.  Le peuple algérien a besoin de voir son Président intervenir pour protéger les cadres et les compétences nationales à tous les niveaux, comme il l’a fait pour Halilhodžić.

Pourquoi le Président ne prend position qu’en faveur du maintien de l’entraîneur de l’équipe nationale de football, sans prendre la peine de réfléchir aux raisons du refus de ce dernier de renouveler son contrat en Algérie ? Un refus qui n’est pas venu après le Mondial. Il l’avait formulé depuis un moment aux responsables de la Fédération qui lui demandaient de rester jusqu’au Mondial de 2018.  Mais Halilhodžić a préféré négocier avec les Sud-Africains, les Marocains et d’autres clubs en Russie et en Turquie. Faut-il rappeler que nombreux sont les cadres et les compétences en Algérie qui ont enregistré des succès notables dans plusieurs domaines ? Ils ont brillé. Ils se sont distingués dans les sciences, les arts, la culture et la créativité, dans la finance et les affaires, sans jamais recevoir le soutien et l’appui des autorités.

Pire encore : pour certains, ce fut l’injustice, l’exclusion, la marginalisation et le déni de leur succès.  Des comportements qui laissent penser que nous luttons contre le succès, lui préférant la médiocrité et le sous-développement. Combien sont les responsables algériens, les ministres et les cadres de l’État qui ont excellé et brillé dans leur travail et qui ont réussi dans leurs missions ? Et pourtant, nous les avons combattus sans que le Président n’intervienne en leur faveur pour les protéger et les encourager, au moment où des privilégiés parmi les politiques, les hommes d’affaires et les opportunistes se vantent tous les jours d’avoir le soutien du chef de l’État.  Un tel paradoxe ne se produit qu’en Algérie qui a renversé le concept de l’échec et de la réussite. Par ailleurs, l’appel du Président au « coach Vahid’, largement repris et commenté par les médias publics et privés, porte préjudice à l’image de l’Algérie et donne l’impression que les politiques se mêlent du choix de l’entraineur de l’Équipe nationale. Mais pas seulement, il porte aussi préjudice à l’image du chef de l’État lui-même, notamment après le refus de Halilhodžić de continuer à entrainer l’équipe algérienne.

Le sélectionneur a reçu des offres plus intéressantes que celles proposées par l’Algérie. Il a également décidé de partir en raison de la mauvaise foi de certains médias qui se sont ligués contre lui durant trois années avant de l’encenser ces derniers jours à la faveur des résultats des Verts au Mondial. Les proches du Président auraient pu le faire intervenir sans directement l’impliquer.  On aurait dû l’informer que le contrat de Halilhodžić avait expiré et qu’il avait déjà décidé de partir depuis un moment déjà et qu’il est en droit de le faire.  Tout comme la Fédération a le droit et l’obligation de chercher un remplaçant le plus tôt possible afin de continuer à construire l’équipe dont rêve tout un peuple.

Il n’était pas nécessaire de faire campagne pour une telle démarche auprès de l’opinion publique, à plus forte raison que le coach est étranger et il n’est donc pas tenu de répondre à la demande du président algérien.  Il a donc préféré entraîner un club turc sachant que les Algériens étaient prêts à satisfaire toutes ses demandes matérielles, « afin de sauver la face du Président auprès de l’opinion publique ».

Ces pratiques et ces lacunes viennent, encore une fois, nous rappeler que nous sommes des amateurs en matière de communication et de la chose politique. Elles sont la preuve que nous n’apprenons pas de nos erreurs.  Nous continuons de penser que nous avons tout compris, que le peuple est dupe et qu’il continue de croire à nos mensonges. En réalité, le peuple semble plus sage et plus habile que ses dirigeants. Il est surtout très patient devant leurs erreurs à répétition et leur mauvaise gestion des événements.

derradjih@gmail.com


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