Vu de Paris : l’esprit de l’Emir Abd El Kader, le souffle du sacrifice algérien durant la Grande guerre et les conseillers de l’Elysée

Si seulement l’esprit de concorde du grand Emir Abd El Kader pouvait encore souffler sur le monde comme il souffla en Syrie quand il protégea de son rempart les populations chrétiennes sauvées du massacre en 1860. Après cet événement, le grand initié soufi dans la lignée de son maître Ibn Arabi, aura noué toutes sortes de liens humains, couvert de médailles et de sollicitations.

La plus étrange, en apparence, fut, il y a tout juste 150 ans, dans la ville d’Alexandrie, son initiation à une loge maçonnique d’origine française. Ce mercredi à Paris, c’est la Loge qui porte son nom, L’Emir Abd El Kader à la Grande Loge de France qui a célébré cet anniversaire pour se rappeler que l’Emir fut à la fois un soldat de l’indépendance algérienne mais également un combattant pour la pureté du cœur et de l’âme, relié aux idéaux de la maçonnerie symbolique. L’Emir avait réalisé le grand Djihad cher aux Soufis du monde entier et parvenu à l’union avec le Divin. Encore aujourd’hui, à travers la Zawya Alawya de Mostaganem, le Cheikh Khaled Bentounes fait rayonner la force de l’Emir avec cet esprit de paix du cœur et d’élévation spirituelle dont tant d’initiés à travers le monde sont les vivants piliers, porteurs d’espoir par leur conscience pour la planète.

Dans le même temps et sur un plan politique, à Paris, c’est l’extrême-droite qui continue de se mobiliser sur tous les sujets possibles et fait ressentir son souffle nauséabond. Ces adversaires de la devise républicaine refusent la fraternité aux Algériens sacrifiés alors que le gouvernement français a invité une délégation militaire algérienne à défiler symboliquement le 14 juillet sur les Champs-Elysées pour rappeler leur sacrifice durant la guerre 14-18.

Sur Internet, ce sont bien les forces de la haine entre les peuples qui sont à l’œuvre laissant penser abusivement que les Français, dans leur ensemble, sont contre pareille manifestation de concorde universelle, sur la place du même nom à Paris. Bien au contraire, ces moments où l’Histoire partagée permet d’être célébrée et aidera toujours les hommes et les femmes de bonne volonté à continuer d’établir des ponts entre eux, à l’instar de ce que fut l’Emir Abd El Kader surnommé « l’Isthme des Isthmes ».

Celui qui est pour le coup décrié par une immense majorité des Français, c’est bien l’actuel président qui ne sait plus comment faire pour tenter de se sortir du désamour populaire. Il a, dimanche dernier, tenté un hold-up sur le premier match de l’équipe de France pour la Coupe du monde. Il a réuni divers sportifs au palais de l’Elysée, s’est fait abondamment filmer au milieu d’eux et fut quasiment le premier à se lever comme un vulgaire supporter dans son salon pour célébrer les buts français. François Hollande n’a toujours pas compris qu’il lui est reproché d’être un homme trop normal et pas assez présidentiel.

Et rien ne dit que les changements de conseillers auxquels il vient de procéder pourront y changer grand-chose. Assurément, il a autour de lui un pro de la communication qui devrait pouvoir tenter d’écrire un récit médiatique pour le Président. Mais on ne change pas l’image d’un homme si rapidement.

Dans le même temps, François Hollande s’est séparé d’un financier qui faisait office de numéro deux auprès de lui pour le remplacer par une conseillère qui arrive de la City londonienne. Cette femme qui dit avoir « des inclinations de gauche » passe surtout pour avoir été la redoutable maitresse d’œuvre d’un politique favorable à la sphère financière dans une banque américaine. Et rien ne dit qu’elle prônera une inflexion à gauche alors que la base électorale de François Hollande s’est singulièrement réduite dans les urnes lors des deux dernier scrutins électoraux qui viennent d’avoir lieu.

Enfin, deux nouveaux conseillers fraîchement nommés auprès du président français auront attiré l’attention. Nombreux à Alger seraient, en effet, tous prêts de protester contre la nomination d’Audrey Azoulay, la fille de l’ancien conseiller du roi du Maroc, André Azoulay. D’aucuns ont voulu y voir une bonne manière faite au régime chérifien alors que les relations sont au plus mal actuellement entre Paris et Rabat. En réalité, cette jeune femme, outre son origine marocaine, est un pur produit des meilleures écoles françaises. Diplômée de l’École nationale d’administration, elle était jusqu’à présent employée au Centre nationale du cinéma ce qui l’aidera à tenir son rang de conseillère à la présidence en charge de la Culture.

L’hebdomadaire Le Point croit savoir que Mohammed VI a même pris son téléphone pour féliciter François Hollande de cette recrue. Pas sûr que cela soit vrai alors qu’André Azoulay n’est plus le conseiller écouté qu’il fut sous Hassan II. En tous cas, le Makhzen se mobilise (voir Tahar Benjelloun la semaine dernière) pour essayer de réchauffer les relations avec Paris n’ayant finalement rien à gagner au pourrissement de la situation.

Second sujet d’étonnement et d’inquiétude à Alger, la nomination de l’ancien nègre du général Bigeard. De sombres et sinistres mémoires pour les Algériens. Ainsi, ce garçon, Vincent Feltesse, qui avait dirigé la campagne numérique du candidat Hollande, par ailleurs élu de Bordeaux, a-t-il écrit le livre de Mémoires du tortionnaire français. « De la brousse à la jungle », tel était le titre de l’ouvrage coécrit par Vincent Feltesse avec Bigeard. La jungle pour l’Algérie. Voilà qui résonne assez mal dans la mémoire algérienne. Pas sûr que ce soit ce conseiller qu’il faille envoyer à Alger pour préparer le prochain voyage de François Hollande, s’il a lieu un jour.

Mais après tout, l’Histoire et les filiations ne doivent pas empêcher les hommes de bâtir un monde de paix autour d’eux, c’est peut-être là la grande leçon de l’Emir Abd El Kader dont chacun a grande joie à se faire photographier devant sa statue à Alger. Il incarne pour chacun un grand homme et ce pour des raisons parfois toutes différentes, voire opposées. C’est ce que l’on appelle des consciences universelles et l’Algérie peut légitimement chercher à en revendiquer une part de la filiation.


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