Le bloc-notes de Ghani Gedoui

Le Président et le dandy-dindon

On ne va pas crier victoire. Nous autres, nous avons le triomphe modeste. On ne se pavane pas, on ne roule pas des mécaniques, on n’insulte personne, on ne fait pas le beau devant les médias étrangers avec forces courbettes et entrechats, séquelles du colonialisme. Nous ne nous prosternons que devant Dieu.

Nous savions, parce que nous connaissons notre pays et ses habitants, que Bouteflika allait gagner les doigts dans le nez. Nous le savions depuis des lustres. Étions-nous des oracles ? Non Messieurs. Ça crevait les yeux pour celui qui voulait voir. On nous traitait de fous, de vendus, de « chiyatine », d’illuminés, de nuls, toutes choses agréables à l’oreille. Etre traité de la sorte par les ennemis de la démocratie, c’était du Guerouabi  pour nous. Je sais, je sais que vous allez  dire : « Qui est Guerouabi ? » parce que pour vous, il n’y a d’autre référence que celle de Mozart. Et bien non, chers amis, l’Algérie profonde, l’Algérie qui ne vote pas, la vôtre qui rote repu, l’Algérie de Bouteflika adore ce que vous détestez : Chab Khaled,  Ahmed Khelifi, Djamel Alam, Blaoui Houari, Ahmed Wahbi … Souriez et traitez-nous de ringards.

On assume ce qualificatif, car nous sommes fiers d’appartenir à cette Algérie dont le cœur ne bat pas à Paris. Comme je suis d’humeur joyeuse et vous savez pourquoi. Je vais me laisser aller à quelques confidences. Je n’attends rien de mon soutien à Bouteflika. Certains me voient ambassadeur, d’autres, ministre, d’autres avec un compte bancaire  gonflé par des rémunérations. C’est vrai, je vous le concède, que je ferai un ambassadeur pas plus mauvais qu’un autre et un ministre pas plus bancal qu’un autre. Mais, il n’y a rien de tel. Pouvez-vous concevoir qu’on supporte Bouteflika parce qu’on y croit, par principe ? Parce que pour nous, cet homme est le Salut d’une Algérie en panne de grands hommes visionnaires, un homme qui a un pied dans l’histoire. Pas la petite que vous aimez. La vraie qui se fait sans vous. Celle qui marque et démarque.

Bien sûr qu’il est convalescent. Et après ? À choisir entre un champion de la vitesse crétin et un président malade aux facultés mentales intactes, mon choix est fait. Souffrez qu’il y ait encore des Algériens sincères sans autre ambition que celle de voir l’Algérie rester ce qu’elle est : une île de stabilité dans un monde de chaos.  À cette stabilité, le nouveau Bouteflika va apporter  une nouvelle dynamique économique qui permettra à l’Algérie de devenir l’un des dragons de l’Afrique et du Monde arabe. Vous me dites qu’il y a beaucoup de dragons en Algérie ? Vrai, mais je parlais par métaphore. Vous aimez les métaphores ? Très bien. Alors, une autre qui sera particulièrement appréciée par Benflis : Bouteflika est le soleil qui nous a sorti des ténèbres du terrorisme. J’exagère ? Quand on aime, on ne craint pas le style métaphorique. C’est l’amphigourique qu’il faut craindre, car il dénote le mauvais goût. Pire, le mauvais style.

Benflis, le dandy-dindon

Il  a été égal à lui-même. Clinquant au-dehors, creux au-dedans. Toc ! Toc ! Entendez-vous l’écho ? C’est une trompette. Cet homme qui à 70 ans pense lancer un parti. Drôle d’idée pour celui qui a essayé de discréditer cette élection en lançant des cris d’orfraie dans tout micro étranger qui se tendait à lui. Il hurlait, à qui voulait l’entendre, que les dés sont pipés.  Qu’il avait eu plus de 50% de voix, que c’est lui le président. Et pourquoi pas empereur ? D’où tient-il ces chiffres ? Mystère et boule de gomme. Il n’a qu’à faire lui-même un petit sondage, rapide comme ses jugements, en dehors de sa cour et de la Maison de la presse, il sera atterré : personne ne le connait dans cette Algérie qu’il veut diriger. Il n’a ni le charisme, ni le prestige, ni le passé, ni la compétence du Président qui l’avait nommé Premier ministre.

L’incroyable, c’est qu’il n’avait aucune preuve de fraude, que des présomptions. C’est ce qu’on appelle la politique de la terre brûlée. Il est cuit par la vox populi, alors il veut carboniser le vainqueur. S’il avait un brin de cohérence, dégoûté par ce qu’il appelle une fraude généralisée, il se retirerait de la politique. Je le vois très bien en « gandoura » dans une retraite au cœur du Sahara, entouré de Rahabi et de Bencherif. Un trio d’enfer. Désopilant. Sauf pour Rahabi qui n’aime pas les radoteurs. Ni les enquiquineurs. Avec l’ex-colonel, il sera servi. Pourquoi Benflis, le dandy, ne s’est-il pas retiré ? Réfléchissez un peu. Oui, c’est ça : il table sur la disparition prochaine de Bouteflika. Il le dit sans fausse honte, il le dit, sourire aux lèvres, en se frottant les mains d’impatience.

À défaut d’être un aigle, il fait le vautour même si on le lui reconnait, il n’a rien d’un vautour. Plutôt un pigeon, oui un pigeon, qui fait le vautour. Question de tempérament. Il n’a pas pu battre Bouteflika sur le terrain. Il attend que la providence fasse le boulot à sa place. C’est ce qu’on appelle le courage en politique. Dans la foulée, il tape même sur l’armée qu’il aurait voulue séditieuse et factieuse. Tout cela parce qu’elle a été républicaine. C’est de la graine de dictateur tonton Ali, l’homme aux mille promesses, ex-futur président d’une Algérie rêvée. Sans être méchant, je lui dirai que même sans Bouteflika, il sera barré par Sellal, Ouyahia et même Ghoul. Si ce n’est par le petit Belaïd qui semble avoir du souffle et qui porte le même prénom honni par Benflis. Alors Benflis président ? Dans tes rêves.

La presse française, une presse néocolonialiste

C’est une presse de désinformation. Qu’elle soit de gauche ou de droite, diamétralement opposée sur tout, sauf sur la haine du pouvoir algérien et parfois, ne craignons pas de le dire, des Algériens tout court. Et des musulmans en général. Les beurs en savent quelque chose. Cette bonne vieille presse qui se dit libre et professionnelle fonctionne sur ce principe : mauvaise nouvelle pour Bouteflika ou l’Algérie, bonne nouvelle pour elle. Dès leur arrivée sur le sol algérien, les envoyés très spéciaux de cette presse sont orientés vers les journalistes recommandés par quelques bonnes âmes, journalistes de leur État ici à Alger, à la francophilie dévote. Un véritable lobby qui milite pour une Algérie faible, ouverte à tous les vents, colonisée, coco, rococo, et à la botte de l’Occident.

Ces relais agissent à visages découverts, en pays conquis, sans aucune opposition, car la communication est le véritable talon d’Achille de l’équipe présidentielle avec un ministre de la Communication fantomatique et dépassé ignorant tout des stratégies de com, des relations publiques et de lobbying. Lui, c’est un ministre des années Boumediene qui ne sort de son bureau que pour inaugurer les chrysanthèmes. C’est une façon de faire de la politique. Anachronique. Il est urgent de faire passer dans la trappe ce ministre, au demeurant sympathique, mais d’un autre temps. Qu’on lui donne une ambassade en Afrique, il y fera merveille. Il parle un anglais parfait et a le sens des anecdotes. Et danse vachement bien avec une bonne descente. Tout du diplomate qu’il était. Et rien d’un ministre moderne et professionnel.

Ceci dit, pas de confusion, il n’est pas dans mon esprit de condamner ces indicateurs médiatiques au service de la presse française. Bien au contraire, il faut s’en inspirer. Ils ont choisi leur camp en faisant du bon boulot dans ce sens. Chacun défend sa mère patrie. La leur qui nous maltraite, la nôtre dans laquelle ils vivent grassement. En s’amusant comme des fous. Ils ont raison. Parce que, voyez-vous Messieurs, aimer son pays aujourd’hui, c’est être ringard. C’est être pour le quatrième mandat.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici