Le FIS peut-il revenir sur la scène politique ?

Benhadj

Rachid Grim est politologue. Lezzar Nesredine est avocat, enseignant universitaire, activiste et militant des droits de l’homme. Dans cet entretien croisé, ils s’expriment sur l’ex-FIS

Comment interprétez-vous les communications de l’ex-FIS dans une période aussi importante pour l’Algérie ?

Rachid Grim : Les communications sont une façon d’occuper le terrain, de faire de la présence. Pour Abassi Madani, c’est beaucoup plus rare de le voir intervenir. Il ne se manifeste que lorsqu’il s’agit d’une vraie occasion. Il profite des moments de rupture dans l’histoire de la vie politique algérienne. À chaque fois qu’il y a quelque chose, il se rappelle au souvenir des Algériens comme pour dire je suis toujours là.

Lezzar Nesredine : ça dépend si les deux ex-chefs du parti dissous se sont exprimés en leur nom personnel. Il faut rappeler que le jugement de condamnation prononcé à leur encontre a été assorti, me semble-t-il, de peines complémentaires et accessoires qui consistent notamment en une interdiction de toute activité politique.

Un des candidats à la présidentielle (Ali Benflis) s’est engagé à lancer un dialogue national regroupant tous les acteurs et les partis quelle que soit leur tendance. Qu’en pensez-vous ?

Lezzar Nesredine : Je ne sais pas si M. Ali Benflis inclut l’ex-FIS dans « tous les partis quelle que soit leur tendance », car théoriquement le FIS n’est plus un parti et appartient à l’histoire. Il faut se rappeler qu’il a été dissous en 1992, il y a plus de vingt ans. Je comprends mal l’opportunité de réveiller, même sous un autre nom, les anciennes formations et les haines enfouies. En battant le rappel des troupes d’un parti dissous, les candidats versent dans un révisionnisme excessif et inopportun. Nous sommes devant un écart de la logique des hommes d’État qui assument la continuité des décisions de l’État. Il faut se souvenir que le Front islamique du salut a été dissous par décision du tribunal d’Alger confirmée par le Conseil d’État. Cette décision est passée en autorité de chose jugée et ne peut en aucun cas être remise en cause. Les anciens partisans du Front islamique du salut n’ont aujourd’hui qu’une possibilité : refonder un autre parti et je pense que rien ne le leur interdit, à l’exception d’Abassi Madani et Ali Benhadj qui ont fait l’objet d’une interdiction d’activité politique.

Rachid Grim : Il a ouvert la boite de Pandore, cela est clair. Je ne sais pas s’il en est conscient. C’est peut-être pour attirer des voix mais je ne sais pas si elles sont vraiment si nombreuses que ça, s’ils représentent une force. Ali Benflis ratisse très large juste pour gagner des voix.

Pourrait-on s’attendre à un retour de l’ex-FIS sur la scène politique algérienne ?

Rachid Grim : Non, je ne pense pas, sincèrement. Quand on observe la scène internationale, l’intégrisme est en train de reculer, de plus en plus. Il faut remarquer que les partisans de l’ex-FIS reviennent avec des positions plus souples. Mais, en réalité, ce n’est ni dans leur nature ni dans leur intérêt. Leur nature c’est la violence.

Lezzar Nesredine : D’abord il n’y a pas eu de loi leur interdisant une activité politique, mais une décision judiciaire qu’il faut examiner avant de répondre. Soit cette interdiction d’exercice de toute activité politique est limitée dans le temps : ce qui veut dire qu’à l’expiration de cette période, les interdits politiques « sont réhabilités de plein droit ». Soit cette interdiction est illimitée dans le temps et à ce moment-là, il faudra une décision de grâce présidentielle pour lever cette interdiction. J’imagine mal une décision présidentielle abrogeant les interdictions d’une décision judiciaire. Ce serait une atteinte à la suprématie de la justice qui est un pilier cardinal de l’État de droit.


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