Le bloc-notes de Ghani Gedoui : Tonton et les tontons flingueurs

Il n’arrête plus de parler. C’est un moulin à paroles, lui qui était si parcimonieux. Il disait qu’il se méfiait du verbe. À la longue, il fatiguera le verbe avec le risque majeur de devenir verbeux, cet état étant l’AVC de tout homme politique. À trop parler, on ne l’entendra plus. Même les réformateurs qui se sont vraiment réformés depuis dans l’aigre, le rance et l’amer, finiront par en avoir marre.  Il se taisait, Hamrouche, non point parce qu’il n’avait rien à dire. Mais parce qu’il jugeait le moment peu propice à ses affaires, je veux dire à sa carrière politique, car Hamrouche  a beau avancer masqué, tout en nuance, tout en entrechat, sa prolixité soudaine le trahit. Avoir de l’ambition pour un politique, quoi de plus naturel.  Mais se poser au-dessus des autres, dans le rôle du commandeur, pour demander, la larme à l’œil et la canine pointue embusquée sous la langue, à Bouteflika, Gaïd Salah et Toufik de s’unir pour sauver l’Algérie, j’ai comme l’impression qu’il y a erreur de casting : c’est mère Theresa qui est de retour incarnée par Hamrouche.

Mais enfin, soyons sérieux, ce genre de message alarmiste, sombre et assombrissant, allant même à dire qu’en  tant que retraité, il a peur de cette situation, n’a qu’un objectif : se positionner pour l’après-présidentielle dans la peau du sage, du philosophe, du pacifique qui n’a d’autre intérêt que la Nation.  Le message aux trois est le suivant : voyez mes amis, je ne suis pas dans la course parce que je sais que je n’avais aucune chance et parce que je ne veux pas ajouter le bruit à la fureur comme le fait Benflis. Moi, je suis un homme de raison et de bon sens. Je vous demande, dans l’intérêt de tous, le peuple comptant pour du beurre, de mettre de l’eau dans votre vin, de trouver un consensus. En tous les cas, je suis prêt à vous aider pour une sortie de crise. Je n’ai pas d’ambition précise. Mais si vous voyez mon utilité à un poste de vice-président – arbitre, faites comme bon vous semble, je suis au service de la République. Ses précautions oratoires lors de la conférence montrent qu’il n’accable les uns qu’au nom de l’Algérie, notre mère à tous. Et pour cette mère, il hausse le ton d’un côté pour tendre la main de l’autre.  Du grand art ?  Presque. Du grand écart érigé en art. Ce qui n’est pas tout à fait de l’art.

Tonton et son âge

J’allais répondre à un certain Mohamed Abassa qui m’a traité de putain, entre autres amabilités, sur un site. J’allais juste lui dire qu’il ne faut jamais utiliser des termes vulgaires qui pourraient choquer nos jeunes générations. Juste ça, mes amis. Mais quand j’ai appris son âge, 70 bornes, quand j’ai su qu’il résidait à Paris, je me suis dit : « Non, je ne vais pas répondre à un homme qui pourrait être mon père. Non, je ne répondrai pas à cet homme si courageux qui insulte le Président à partir d’un bar de St Michel ».

Franchement,  je vous le demande : peut-on décemment répondre à un homme qui pourrait être votre père et qui est en état permanent d’ébriété ?

Tout ce que je pourrais lui dire tient en quelques mots qui lui feront plaisir, car il faut faire plaisir à ceux qui ne sont plus tout à fait de ce monde, des fantômes errants : « Bois-moins et reviens dans ton pays. La bière n’est peut-être pas extraordinaire. Mais nous avons un bon vin. Je t’offrirai chaque jour 3 bouteilles. Je pourrais même t’en offrir 6. À condition, tu permets que je te le dise, que tu améliores ton style et que tu insultes moins. 6 bouteilles gratis, ni vu, ni connu, allez viens tonton. Rentre chez-toi, tu boiras plus et tu insulteras plus. Tu veux aussi du whisky ? Tu en auras ? Des contrats faramineux du secteur public pour ta future boite de sondage à l’image de ceux dont tu as profité naguère ? Pas de problèmes, tu auras des contrats juteux. Peut-être aussi quelques blondes nordiques ? À ton âge, tu peux encore ? Très bien. Tu auras les blondes et du viagra en cadeau. Pas besoin de viagra parce que tu parlais de bières blondes et non de femmes ?  Aucun souci. J’aurais dû m’en douter. Tu auras toutes les bières : blondes, brunes … Tu auras tout, mais vraiment tout. Rentre au pays, tonton, parce qu’ici, nous avons besoin de tout pour faire un monde. Nous rassemblons, nous unissons tous les caractères et tous les tempéraments. C’est notre serment pour l’Algérie. Ça te rend fou furieux ? Tu veux encore m’insulter ? Défoule-toi ! Traite-moi de tous les noms. Je te pardonne d’avance. Quand tu seras lucide, passe me voir à TSA puisque tu veux me connaitre. Tu ne peux pas rentrer en Algérie ? Donne-moi tes coordonnées pour que je puisse te voir. Au bar de St Michel. On partagera des blondes selon nos goûts. L’un boira et pissera, l’autre jouira. Merci de m’avoir fait jouir, tonton. Encore une autre blonde ? Tu en es déjà à la quinzième. Pour noyer ton chagrin, dis-tu ? Le chagrin d’être mal dans sa peau à ton âge. Bois, tu oublieras. Tu oublieras même ton âge. Tonton.

Les tontons flingueurs

À la place de Bouteflika, je passerai des nuits blanches. À cause du cauchemar « Ahmed Bencherif », qui se dit farouchement opposé à un quatrième mandat. Bencherif n’est plus rien qu’un vieillard gâteux ? Faux. Le plus important est ce qui se passe dans la tête de Bencherif. Et si on entre dans cette tête, on voit qu’il est toujours patron de la Gendarmerie nationale. Il est toujours aussi puissant. Fort de l’appui de ses troupes, il pense que Bouteflika entendra la raison des armes qui est, comme chacun sait,  la meilleure des raisons : celle du plus fort.

Toujours aussi directe, le cauchemar du président Bouteflika traite de malades tous ceux qui l’appuient. Et pour qui est-il,-lui ? « Il répond pour l’Algérie, pour Benflis ». C’est rassurant sur l’état de santé mental de Bencherif. S’il confond Benflis avec l’Algérie, c’est qu’il a toujours sa tête.  Car il aurait pu la confondre avec lui. S’il insulte Saïd Bouteflika, c’est qu’il a toute sa tête. Je veux dire qu’il sait au moins que Saïd est le frère du Président. Pas mal comme trait de lucidité pour un homme de 86 ans. On aurait pu craindre qu’il le confonde avec l’autre Saïd, Sadi pour ne pas le nommer. Saïd Bouteflika, c’est le bulletin de santé de tous ceux qui veulent s’acheter une rente dans l’opposition. Ils tapent,  insultent, se défoulent  et hurlent « Vive la démocratie ! ». L’âge n’apporte pas toujours la maturité, pas plus que la sagesse. Quand on est léger à 20 ans, on le restera encore un pied dans la tombe. Voyez Bencherif. Il croit toujours que Bouteflika est au maquis. Et que l’Algérie est en guerre. Et que Benflis a des chances de gagner. S’il a une qualité, Bencherif, c’est qu’il sait au moins nous faire rire.


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