La chronique de Hafid Derradji : Cessez vos mensonges !

Hafid_Derradji

Lorsqu’on use de mensonge pour expliquer des questions insignifiantes, il peut, à la rigueur, être toléré et passer inaperçu. Mais quand le mensonge est transformé en projet pour la Nation, aucune personne sensée ne peut l’accepter.

Ce qui se produit aujourd’hui sur le plan politique, notamment depuis le début de la campagne électorale, où les gueulards du quatrième mandat se targuent de la stabilité dont jouit l’Algérie depuis l’avènement du règne de Bouteflika, tout cela est un grand mensonge. Ils s’engagent dans toutes formes de manigances, d’extorsion et de coercition à l’adresse du peuple algérien qu’on appelle  à choisir entre Bouteflika ou le chaos. Ceux qui animent cette campagne, ne disent mot de la corruption, de l’injustice et clament haut et fort que tout changement serait un désastre pour l’Algérie et son peuple. Dans le même temps, ils omettent de dire que la vérité se reflète dans les chiffres et non dans des paroles creuses,  des prêches et l’hérésie politique.

Faut-il aujourd’hui dire que toutes les preuves sont là pour attester que l’Algérie n’a point connu de stabilité au cours des quinze dernières années ? Il est même évident qu’aucune stabilité n’est possible si les choses continuent de la sorte, notamment depuis la mobilisation montante des Anti-quatrième mandat, l’amplification du désespoir et la frustration dans de nombreux milieux.

Par ailleurs, les manifestations et les mouvements de protestations ont atteint un niveau record depuis 2011 où tout le peuple a participé aux revendications pour le changement et l’amélioration des conditions de vie et le respect de la dignité et des droits du citoyen. Les partisans du quatrième mandat insistent pour glorifier et présenter Bouteflika comme le symbole de la stabilité malgré son impotence.

Il est désormais de notre devoir de dénoncer les mensonges et les ruses d’une stabilité présumée que les protagonistes du quatrième mandat essaient de nous vendre en prétendant que nous en jouissons depuis quinze ans. Oui, il existe une stabilité, mais avec un goût et une couleur différente.  C’est la stabilité dans le chaos et la corruption.  C’est la stabilité dans le pillage et l’oppression; dans la restriction des libertés, la stabilité du taux de chômage toujours en hausse et l’inflation. Qu’entendez-vous par stabilité ? Est-ce la baisse des revenus ? Est-ce la malédiction qui frappe Ghardaïa ?  Est-ce cette prétendue sécurité, ou la sédition entre les enfants d’un même pays ? Est-ce que la situation de la Kabylie et sa fragmentation depuis 2001 peut être appelée stabilité ?

Et pour revenir à ce qui se passe ces derniers jours, peut-on appeler stabilité, les lapsus répétés des hommes de Bouteflika qui insultent le peuple ? Ou, est-ce un nouveau projet de sédition en bonne et due forme ? Aujourd’hui, il n’y a aucune place au doute, nous vivons la stabilité de la médiocrité et de l’absurdité politique.  Un pseudo stabilité qui a nourri une avidité pour le pouvoir chez le Président et son clan exécrable.  Exécrables, ils le sont par leurs actions qui ont précipité la destruction programmée des institutions, et une frustration voulue chez le citoyen par le fait d’un groupe de politiciens qui manquent de bon sens, de discernement et de conscience nationale.

Tout le monde s’accorde à qualifier d’abrutis ceux qui excellent dans l’art d’insulter le peuple et de le dénigrer sans aucune considération pour lui, en usant d’adulation et de courbette envers le Président. Nous, nous sommes installés dans un quotidien où le vice et le crime sont devenus un comportement social habituel.  Un quotidien où tout s’achète, même la conscience des gens, et où on insulte les hommes intègres et justes.  Nous, nous sommes installés dans une politique dépassée par son chaos.  Une politique qui a tout détruit sans rien édifier, nous sommes installés dans une liberté d’expression transformée en blasphème et apostasie contre le dirigeant.  Nous, nous sommes installés dans une réalité où le président a « failli » quand il était debout sur ses pieds et qui veut détruire l’Algérie maintenant qu’il est impotent. Nous, nous sommes installés et nous resterons dans une situation où notre Président nous apportera la paix, non pas par ses décisions, mais par son entourage, et je vous laisse imaginer la stabilité dans un pays où le pouvoir s’exerce par procuration, d’un entourage comme celui-ci qui fait bouger la scène politique aujourd’hui.

Oui, c’est la stabilité d’une liberté d’expression et d’une presse partisane qui excelle dans l’art de satisfaire son maître et n’hésite pas à se courber pour lui plaire. C’est la stabilité de certaines chaînes télévisées privées, pour qui le désordre est un principe et le vide juridique une base. Des chaines qui font leurs choux gras en divisant les Algériens, usant du son et de l’image comme méthodologie médiatique pour le chantage et l’extorsion. Oui, c’est la stabilité et la continuité du marchandage et des intimidations contre tous ceux qui osent lever la tête pour crier fort et dénoncer les injustices. Oui, c’est la stabilité dans la corruption et le pouvoir des détenteurs de l’argent et des richesses  acquises, ou plutôt pillées au vu et au su de tous. Oui, nous sentons l’odeur de l’argent sale dans chaque  institution et dans chaque projet.

Les catastrophes se succèdent et les scandales financiers font partie du quotidien ; à commencer par l’affaire Sonatrach et l’autoroute Est-Ouest rebaptisée par les Algériens, l’autoroute « vol-pillage », et c’est ainsi pour tous les autres secteurs; l’éducation, le transport, les services et la santé. C’est la stabilité de la fuite des cerveaux qui ont coûté des milliards à l’État pour que des pays étrangers en récoltent les fruits.  C’est la stabilité du phénomène de la « harga » parmi les jeunes avec 520 candidats à l’immigration clandestine qui ont péri en mer depuis 2006.  C’est les 60 000 consommateurs de drogues dans le milieu scolaire, ce chiffre effrayant et qui donne froid dans le dos. C’est celle-là, la stabilité qu’ils proclament. C’est la stabilité de la peur et des alertes sur nos frontières de l’est avec nos voisins tunisiens et libyens.  C’est la menace permanente du terrorisme sur nos frontières sud avec le Mali, c’est la stabilité de l’obstruction avec le Maroc, et le mépris de la France et son chantage incessant.

Le plus risible, ou dois-je dire, le plus alarmant ? Est de dire que le slogan de campagne de Bouteflika pour le quatrième mandat c’est la lutte contre la corruption … C’est une contradiction grotesque.  Si stabilité, il y a, monsieur le Président et messieurs les membres de son entourage, comment expliquer la recrudescence de la corruption de manière jamais égalée ces dernières années ? La corruption, les malversations, le népotisme, le favoritisme ne peuvent exister dans un État de droit.  Ils ne grandissent et ne se développent que dans le chaos, l’instabilité et l’anarchie qui se sont installés depuis 15 ans.

Aujourd’hui, c’est le règne de la « chkara » et le marchandage des « beggaras ».  La pratique de la politique s’est transformée en bourse ou celui qui a « le bras court » et pour qui l’argent coule à flot peut acheter un siège au Parlement.

Comment un Président conscient peut-il permettre à la corruption de gangréner les institutions de l’État pendant des années pour, ensuite, demander un délai supplémentaire de cinq ans et vouloir ensuite y mettre un terme ?  Va-t-il faire pendre Khalifa qui est né et a grandi sous son règne ? Va-t-il ordonner l’exécution de Chakib Khelil sur la Place des martyrs pour prouver sa bonne foi ! C’est la plus grande des mascarades. C’est la destruction et non la stabilité.

Les réalisations des États ne se mesurent pas seulement en dollars et en dinars, ni par le nombre de kilomètres de l’autoroute Est-ouest ou les postes de travail disponibles, ni par les logements achevés.  Les réalisations d’un État se mesurent par sa capacité à éduquer son peuple et à former ses hommes sur des bases intellectuelles et scientifiques, et surtout à leur inculquer les valeurs morales de la suprématie des lois et des principes, celui du respect mutuel entre les citoyens et les responsables. Bouteflika ! Rien de cela n’a été réalisé lors de vos trois précédents mandats, et ne se réalisera pas si vous veniez à en obtenir un quatrième.

La société est toujours fragile et a besoin d’une construction véritable sur des bases réelles et non sur des mensonges politiques et une propagande partisane comme celle pratiquée par vos partisans qui veulent vous maintenir au pouvoir pour garantir la stabilité et la pérennité. Si votre État était stable, ô Bouteflika !  Les scandales politiques, économiques et sociaux que nous avons vécus n’auraient jamais existé. Vous n’avez rien compris à la stabilité, monsieur le Président et personne ne comprend cette stabilité que vous évoquez, nous ne comprenons pas la stabilité d’un État absent, qui n’a eu d’État que le nom, sous le règne de Bouteflika.  Si la stabilité est éphémère, l’État le sera aussi et finira par ne plus exister.


Pour commenter nos articles, rendez-vous sur notre page Facebook,
en cliquant ici