Le Bloc-notes de Ghani Gedoui::Zeroual, du bruit dans le brouhaha

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Je le pensais sage, il était simplement mutique. Et c’est cette retraite, cette parcimonie des mots qui faisait croire à beaucoup que cet homme était d’une profondeur sans limite. On arrivait à fantasmer sur lui, à le parer de toutes les vertus et même, pour certains, que Dieu leur pardonne, à le considérer, comme Dieu lui-même.

Zeroual me fait penser à un oiseau silencieux qui ne dit mot, suscitant l’admiration à cause de son aphonie. Un oiseau muet, ça vous change de ces volatiles qui piaillent comme des folles si bien qu’on ne les entend plus. Une fois l’an, une seule fois, il ouvre le bec pour lancer un mot qui lui ôte tout le crédit qu’il avait. Le mot ? « Merde » en arabe qui sonne plus cru, plus vulgaire qu’en français. Illimité dans le silence, s’exprimant Zeroual se délimite et donne raison à ceux qui ont toujours dit que c’était un militaire f’hel sans aucun doute, mais sans aucune épaisseur politique.

C’est un homme de guerre, un brave parmi les braves, un homme propre, un père magnifique, un gentilhomme mais en aucun cas un fin politique, un homme d’Etat qui peut répondre aux défis qui se posent actuellement à notre pays. Lui qui ne savait quoi dire aux rares chefs d’Etats qu’il rencontrait d’ailleurs avec beaucoup d’ennui, lui qui avait refusé de rencontrer Hillary Clinton quand elle avait fait escale à Alger dans les années 9O, plongeant ses conseillers dans la gêne et la stupeur, lui sait quel a été le rôle du président Bouteflika : il a donné une voix et une présence à l’Algérie dont on avait même oublié l’existence durant les années de feu et de sang.

Et puis, l’avez-vous oublié, l’Algérie de Zeroual, même si lui n’était pas impliqué, était aussi celle de la corruption et du stupre. C’était la Rome antique sans les Romains.

Allez ? Je vous le dis franchement, je n’aime pas cette position de donneur de leçon de Zeroual, de moraliste bien au chaud dans sa demeure. Seuls les facebookers virtuels,  peuvent se permettre cette attitude. Mais un militaire, un ex-président, ça sonne faux. Soit il parle et il va au charbon  soit il se tait. En aucun cas à s’ériger en arbitre des élégances.

De Gaulle qui est l’inspirateur de beaucoup d’hommes politiques algériens et l’un des libérateurs de la France du joug allemand,  s’était interdit d’intervenir dans les débats avant qu’il ne soit rappelé aux affaires.

Mais revenons à la déclaration de Zeroual. Au-delà de l’appel à l’unité et l’hommage à l’armée, je ne vois qu’une justification : faire barrage au quatrième mandat de Bouteflika ! On va être large, aussi compréhensif qu’un prêtre au confessionnal écoutant un pêcheur. Supposons que Zeroual n’est que mu par l’intérêt de l’Algérie, faisons-lui ce crédit. Vous croyez à ça ? Oui, nous aussi. Mais une question s’impose, oh ! Une toute petite question si insistante qu’elle devient impérieuse : Pourquoi Zeroual n’avait-il pas fait entendre sa voix quand Bouteflika s’était présenté pour le troisième mandat ? C’était l’occasion pour lui, de rappeler à l’ordre ceux qui ont révisé la Constitution qu’il a fait voter en son temps et qui limitait l’exercice présidentiel à deux mandats.

Là on aurait applaudi sa sortie. Elle aurait été légitime et compréhensible. Il ne l’a pas fait pourquoi ? Parce que Benflis n’était pas candidat en 2009. Mais oui, il faut toujours chercher le mobile de chaque action humaine. Et Zeroual qui est loin d’être un ange ou un saint, mais un homme, n’a pu résister à appuyer Benflis. Astuce politique : il ne soutient pas directement l’enfant de sa ville. Ça aurait mis à mal sa stature d’homme au-dessus des luttes, au-dessus des régions. Non, il le fait indirectement, insidieusement même, en enrobant son discours, très ampoulé d’ailleurs, de circonvolutions militaro-nationaliste-patriotiques.

On croit avoir affaire à un ex-président qui a écourté son mandat faute de trancher dans la lutte des clans au sommet de l’Etat, on découvre un homme qui veut barrer la route à Bouteflika pour une question d’inimitié. On n’aime jamais celui qui nous succède et réussit mieux que nous. J’aurais souhaité que Zeroual ne se dresse pas contre un Bouteflika affaibli par la maladie, mais qui a l’ambition d’être toujours utile à son pays. J’aurais souhaité que Zeroual se présente, comme le lui ont demandé avec insistance ses soutiens. On aurait entendu son appel. Mais en tant que candidat pour « Sauver l’Algérie » du péril du quatrième mandat.

A défaut de partager sa position, on aurait applaudi la beauté du geste, le retour et l’engagement d’un homme au service de son pays. Et qui n’a pas peur d’aller au charbon. Même si on ne croit pas à l’homme providentiel, on dira : enfin voici  un homme.

Mais l’appel d’un pantouflard, quelle signification a-t-il ?  Du bruit dans le brouhaha.


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