Entretien. Amara Benyounès : « Quand François Hollande parle, un certain nombre d’Algériens sont au garde à vous »

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Le Sud va mal. Pourquoi ?

Je ne suis pas d’accord avec ce constat. Un certain nombre de personnes manifestent à In Salah. Dans tous les pays du monde, il y a ce débat autour de l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste. Certes, il y a des militants (anti-gaz de schiste, ndlr) qui sont, peut être, sincèrement convaincus. Mais il est évident qu’il y a beaucoup de manipulation dans cette affaire. Et puis, j’ai une interrogation concernant la position de l’opposition : la loi (révision de la loi sur les hydrocarbures autorisant le gaz de schiste en 2013, ndlr) est passée à l’APN. Elle a été débattue et approuvée. Ils (les opposants, ndlr) n’avaient rien dit et ils l’avaient tous, plus au moins, tacitement, soutenue. Il a suffit que quelques personnes manifestent pour qu’ils se découvrent un intérêt particulier pour la question du gaz de schiste.

Je dis et je pèse mes mots : tout responsable politique algérien qui s’oppose au gaz de schiste est quelqu’un de totalement irresponsable ! Car il y va de la sécurité énergétique du pays et donc de la souveraineté nationale. D’ailleurs, organiser des manifestations le 24 février pour dire non au gaz de schiste et dire en même temps oui à la préservation de la souveraineté nationale est une contradiction monstrueuse.

Qui est derrière cette manipulation ?

Des personnes se sont posées des questions sur le gaz de schiste. Le gouvernement a apporté des réponses. Le Premier ministre a été d’une clarté absolue. Le Président les a rassurées. Après ces explications, les choses devaient normalement rentrer dans l’ordre. Le fait que cela continue prouve qu’il y a de la manipulation politique de l’opposition et de parties étrangères. Au moins depuis 2011, des tentatives de déstabilisation de ce pays n’ont pas abouti.

Qui sont ces parties étrangères ?

Elles sont connues. Je ne suis pas partisan de la complotite. Mais depuis 2011, cette manipulation est devenue une évidence surtout quand on voit ce qui se passe en Syrie, en Libye et en Egypte.

Que pensez-vous des réponses apportées par le gouvernement au mouvement contre le gaz de schiste ?

Le gouvernement et le président de la République ont dit deux choses. D’abord, il faut qu’il y ait de l’exploration car il s’agit d’un impératif absolu. Ensuite, il n’y aura pas d’exploitation avant au moins une dizaine d’années. Il faut avoir un ou deux points d’expérimentation pour savoir comment les choses se passent. Ce qui est important et qu’on doit retenir, c’est qu’il n’y aura pas d’exploitation à très court terme du gaz de schiste. Nous sommes en phase d’exploration pour connaître les réserves et ce qu’on a trouvé est satisfaisant.

De nombreux pays ont renoncé au gaz de schiste…

Un seul pays a bloqué l’exploitation du gaz de schiste : la France. Et il se trouve que quand François Hollande parle, un certain nombre d’Algériens sont au garde à vous. Cela dit, même en France, la droite dit qu’il est criminel de ne pas autoriser l’exploration du gaz de schiste. Ce pays a refusé d’explorer (cette ressource) pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il s’agissait du bassin parisien qui est urbanisé à 100%. Ensuite, ce pays a une industrie nucléaire très puissante et très importante. Enfin, des considérations d’alliances politiques au sein du gouvernement avec les écologistes qui s’opposent de manière radicale au gaz de schiste.

Je ne vois pas pourquoi ces arguments qui ne concernent ni de près ni de loin l’Algérie vont nous être imposés. Parmi les derniers pays qui ont pris la décision (d’exploiter le gaz de schiste) figurent l’Arabie Saoudite, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne. À 30 kilomètres de New York, il y a un puits de gaz de schiste exploité. La pollution des nappes albiennes est un énorme mensonge de l’opposition. Sid Ahmed Ghozali qui ne peut pas être accusé d’être proche du pouvoir ou de ne pas connaître le secteur a, lui-même, dit que sur la quasi-totalité des puits conventionnels, nous traversons la nappe albienne. Et il faut savoir que la recherche de gaz de schiste n’est pas une obsession. Vous avez une richesse naturelle qui est disponible. Ce n’est pas une malédiction. Tout le monde, à commencer par le président et le premier ministre, affirme que l’essentiel est dans la diversification de notre économie.

Comment doit-on gérer la situation à In Salah ?

Le mouvement reste pacifique et le droit d’exprimer son point de vue est garantie par la Constitution tant qu’il n’y a pas de débordements. Il faut éviter la violence et rester dans le dialogue et la concertation. On va voir comment cela va évoluer. Mais ce n’est pas toute la population qui manifeste. L’opposition exploite la question. Une certaine opposition  algérienne et certains médias, le microcosme politico-médiatique d’Alger ont échoué. C’est incroyable à quel point ils (les opposants, ndlr) sont tous les jours présents, avec des interviews et des articles, alors qu’ils n’arrivent pas à organiser un seul rassemblement. Nous sommes le seul parti politique à avoir organisé des meetings à l’extérieur de la capitale mais il n’y a pas eu de médiatisation.

Le Secrétaire général du FLN a estimé qu’on a abandonné le Sud. Partagez-vous son avis ?

Pas du tout ! En fait, je ne commente pas les déclarations du responsable du FLN qui est libre de dire ce qu’il veut. Mais il est faux de dire que l’Etat ne fait pas beaucoup de choses pour le sud. Les gens sont en train de singulariser le sud de façon très dangereuse et parfois irresponsable. Pourquoi veulent-ils singulariser cette région ? Supposons qu’un problème se pose à Oran. Dira-t-on que la région de l’ouest a été abandonnée par l’Etat par exemple ? Les enseignants sont en grève. Pourquoi ne pas dire que le Nord va mal ? Citez-moi un seul pays qui a fait 1200 kilomètres de conduites d’eau In Salah-Tamanrasset ? Combien cela a coûté, selon vous ? Des milliards. Nous avons des projets de logements comme au nord. Nous avons un fonds pour le transport de marchandises (produits subventionnés) vers le Sud qui coûte sept milliards (de centimes) par an. L’objectif est que le citoyen puisse acheter ces produits au même prix payé par un citoyen au nord. C’est de la folie de dire que nous avons abandonné le Sud.

Même en termes d’infrastructures par exemple ?

Dans le monde entier, il y a des villes, plus commerçantes et plus développées que d’autres. Croyez-vous que vous allez trouver une autoroute dans le désert américain ? Nous avons la transsaharienne reliant Alger à Tamanrasset et qui va relier d’autres pays africains. Cependant, il ne faut pas oublier que le pays est immense et on fait ce qu’on peut. On peut dire qu’on peut faire mieux partout dans le pays mais on ne peut pas dire que rien n’a été fait.

Donc le Sud va bien et la situation dans cette région ne vous inquiète pas ?

Je ne dis pas que le Sud va bien comme je ne dirais pas que l’Algérie entière va bien. La situation au sud serait inquiétante si toutes les wilayas du sud avaient une revendication politique commune. Pour l’instant, ce sont des mouvements différents les uns des autres. Et puis, la manifestation dans les pays démocratiques est un signe de bonne santé d’un pays.

Il y a eu des affrontements, des manifestations et des émeutes à Touggourt, Ghardaïa, In Salah, Laghouat…

Les problèmes sont totalement différents les uns des autres. Le problème de Ghardaïa n’a rien à voir avec celui d’In Salah. Et celui d’In Salah n’a rien à voir avec celui de Touggourt par exemple. Au sud, il y a des problèmes de chômage, de logement, de distribution de terrains mais on ne peut pas dire que le Sud va mal à cause de cela. En Kabylie, on bloque des routes à cause du gaz par exemple.

Cela dit, je n’arrive pas à comprendre cette opposition qui cherche, à chaque fois, à enfourcher le cheval pour demander au pouvoir de partir. Les gens manifestent pour des revendications sociales et non politiques visant à renverser le régime. Nous sommes en train de construire une démocratie. Et dans une démocratie, le débat se pose à l’intérieur des institutions. Nous avons une Assemblée nationale élue et d’autres assemblées locales élues. Ils (les opposants) oublient les conséquences de l’exploitation de la rue dans les années 1990. L’exploitation de la rue ne peut ramener que l’extrémisme religieux. Il faut prendre conscience de cela.

Accepteriez-vous de participer aux nouvelles consultations politiques du MSP ?

Les positions du MSP sont connues, très développées et extrêmement médiatisées. Des positions que nous ne partageons absolument pas. Cela étant dit, le MSP est le bienvenu au siège du MPA. On va l’écouter s’il demande à nous rencontrer. Nous discutons avec tous les partis légaux et agrées qui respectent les institutions de l’Etat et ses lois. Nous refusons de discuter avec une seule catégorie : les terroristes.

Est-ce que vous prendrez part finalement à la Conférence du consensus du FFS ?

Nous avons une réunion dimanche avec le FFS qui a rencontré beaucoup de partis et de personnalités. Pour nous, les deux conditions que nous avons posées restent valables. La première est liée au respect, la crédibilité et la légitimité des institutions notamment l’institution présidentielle et la non remise en cause de l’élection présidentielle de 2014. La seconde est la non association des responsables du FIS dissout à la conférence.

Donc aucune décision n’a été prise ?

Nous allons d’abord les écouter. On doit connaître l’ordre du jour de la réunion, les participants, l’organisation. Et dans tous les cas, je ne prendrai pas seul la décision mais avec le Bureau national.

Le Président a appelé l’opposition a participé à la révision constitutionnelle. Y aura-t-il de nouvelles consultations et quelle forme pourraient-elles prendre ?

Selon mes informations, il n’y aura pas de nouvelles consultations après celles qui ont été menées par Abdelkader Bensalah, par Abdelmalek Sellal et par Ahmed Ouyahia. La quasi-totalité de la classe politique avait participé à ces trois rounds. Chacun a donné son point de vue. Cela dit, elle (l’opposition) peut participer à travers le débat public qui aura lieu autour de la révision constitutionnelle. Un débat qui va nous permettre de discuter d’un projet de société, de l’Algérie. Et je suis certain, que les membres de la Coordination (CNLTD) n’auront pas beaucoup de points en commun quand on commencera à débattre des articles et des amendements de la Constitution.

Les rumeurs autour des différents remaniements ne mettent pas le gouvernement dans une certaine instabilité ?

Un ministre de la République qui ne peut pas travailler à cause de la rumeur n’a rien à faire au gouvernement. Nous tenons des réunions chaque mercredi et je ne vois aucune incidence sur le fonctionnement ou le travail du gouvernement. Ce ne sont que des rumeurs.

Anwar Haddam a dit qu’il était en négociation pour revenir au pays. Qu’en pensez-vous ?

Ces gens disent n’importe quoi par rapport aux relations avec le pouvoir. Donc il peut raconter ce qu’il veut. Concernant l’attentat du boulevard Amirouche (contre le commissariat central, ndlr), il a dit une chose incroyable. (Anwar Haddam) ne regrette pas l’action armée mais il déplore le fait que celle-ci n’ait pas aboutie. Cela veut dire qu’il est contre l’action armée parce qu’elle n’a pas été efficace. Ce qui est grave ! Toujours sur l’attentat du boulevard Amirouche, il dit que l’Islam n’accepte pas qu’on tue les innocents,  les enfants, les femmes et des vieillards. Mais on peut tuer les agents de police ? Comment on pourrait permettre à quelqu’un comme lui de faire encore de la politique. Je pense qu’on ne peut pas donner plus que ce que la charte accorde.


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