Pourquoi le taux de suicide est-il faible en Algérie ?

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L’Organisation mondiale de la Santé a publié un rapport sur le suicide dans le monde, notant le faible niveau en Algérie. Président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem), Mustapha Khiati en explique les raisons. Et s’inquiète d’une nouvelle tendance : le suicide chez les très jeunes.

Pourquoi le taux de suicide est-il faible en Algérie ?

D’abord, il faut savoir que c’est une donnée très connue en Algérie. Elle tient à un point principal , le facteur religieux. Le suicide est en effet vu comme un pêché dans l’Islam. Dans le Sud de la Méditerranée, le taux de suicide est généralement bas par rapport aux autres pays. Même si on a remarqué que ce taux ne cesse d’augmenter.

Y a-t-il des disparités géographiques dans le pays ?

Nous avons réalisé un rapport sur ce sujet en 2005. Nous avons observé que 70% des suicides avaient lieu dans l’ancienne grande Kabylie, les régions proches de Bouira. Nous avons interprété cela comme une plus grande permissivité avec les valeurs religieuses et une pression sociale moins forte sur l’Islam. Les gens se sentent moins attachés à la religion et décident davantage de passer à l’acte.

Sommes-nous certains que ces chiffres ne sont pas sous-évalués par le pouvoir ?

Il est possible qu’il y ait une sous-estimation. Il n’y a pas de chiffres officiels nationaux. Quand nous avons réalisé notre rapport, nous avons obtenu les données de la police et de la gendarmerie. Qui ressemblent d’ailleurs aux données publiées par l’OMS. Ces chiffres-là étaient très rigoureux. Car avec les problèmes du terrorisme, lorsqu’une mort est suspecte la police enquête pour déterminer s’il s’agit vraiment d’un suicide. On peut donc dire que ces chiffres tendent vers le vrai chiffre. S’il y a des erreurs, cela ne porte pas sur des données importantes.

Pourquoi se suicide-t-on en Algérie ?

Il n’y a pas d’étude précise sur ce sujet. On ne peut donc pas savoir si les chagrins, les disputes en matière d’héritage ou autres motifs soient plus représentés dans les causes du passage à l’acte. Seuls les services de renseignement et de police connaissent la réponse.

Toutes les catégories d’âges sont-elles concernées ?

La plupart des personnes ont moins de 35 ans. Mais on observe une nouvelle tendance assez inquiétante, le suicide chez les très jeunes. À partir de 10 ou 11 ans, de plus en plus de jeunes algériens se suicident. Nous possédons une génération de plus en plus connectée qui refuse l’autorité. Nous allons d’ailleurs mener un colloque très bientôt sur le sujet.


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