ENTRETIEN. Adila Bendimerad : le public algérien « est en très bonne santé »

Affiche La patience de la pierre

La comédienne algérienne Adila Bendimerad remonte sur scène avec « La Patience de la Pierre ». Dans cette pièce de théâtre avec Adel Bentounsi et Damien Ounouri, adaptée du roman « Pierre de Patience » de l’auteur afghan Atiq Rahimi, l’actrice interprète une femme qui veille son mari blessé et dans le coma.

Entretien

Parlez-nous de votre rôle dans la pièce « La patience de la pierre » ?

C’est un personnage, une femme qui se met à parler toute seule mais ce n’est pas un monologue. Il y a un homme blessé avec elle. Elle parle à quelqu’un qui ne répond pas, qui est dans le coma. On découvre petit à petit qu’il s’agit de son mari. On devine au fur et à mesure de la pièce ce qu’a pu être leur relation en tant que mari et femme. C’est un mari qui a choisi de prendre les armes et de faire une guerre. On comprend que c’est un djihadiste. C’est vraiment une femme qui a de la colère, qui tente de comprendre et questionner son homme qui a choisi de les abandonner et de prendre les armes.

Est-ce qu’il s’agit d’une adaptation du roman à la société algérienne ?

C’est une pièce adaptée d’un roman afghan, le mari était un taliban à ce moment-là. Ce n’est pas du tout la même forme de guerre que celle qui a pu se passer ici. On devine un peu que c’est l’Algérie des années 90 mais sans références précises.

Il ne s’agit pas vraiment d’une transposition du roman à la société algérienne, on peut reconnaitre ce qu’ont pu être les années 90 ici mais aussi ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui, des années 2014-2015. Tous ces hommes qui choisissent les armes et l’anéantissement. C’est une femme qui est entourée de gens qui ont pris les armes et qui ont décidé de tuer, d’être contre la vie.

Il y a déjà eu des représentations à Oran, Chlef et Tizi Ouzou. Vous serez à Sidi Bel Abbes et à Saida les 6, 7 et 8 avril prochain. Jusqu’à présent, quel a été l’accueil réservé par le public algérien ?

D’une part, je trouve qu’il y a déjà pas mal de monde qui vient au théâtre malgré le fait que nous ne faisions pas énormément de communication. Je trouve que le public est présent, pour une pièce qui n’est pas évidente aussi. Mais, ce qui me marque le plus, c’est l’attention du public. Rien ne leur échappe, il y a une vraie écoute, une vraie envie de ne  rien perdre de ce moment de théâtre.

Très souvent, le public vient nous voir à la fin du spectacle. Les gens nous attendent, derrière les loges ou à la sortie et discutent avec nous de la pièce. C’est pour certains des souvenirs un peu douloureux des années 90, c’est pour d’autres plus jeunes, un rappel de ce qui se passe actuellement dans le monde avec les djihadistes, Daech… Et pour d’autres, c’est juste une histoire de couple, une femme qui parle à son mari de son quotidien, de son amour, de leur désir, ce qu’elle aimerait qu’il fasse, ce qu’ils auraient pu faire ensemble et ce qu’ils n’ont pas fait. Les gens sont attentifs et font beaucoup de remarques sur les choix de mise en scène qui sont assez particuliers.

Pour cette pièce mise en scène par Guillemette Grobon, combien de temps à pris la préparation?

Ça a mis un mois et demi. L’adaptation a été faite par Mourad Senouci, c’est lui qui est à l’origine du projet et qui m’a contactée pour me demander si je prendrai le temps de faire une parenthèse avec le cinéma et de revenir au théâtre. Il m’avait vu sur scène il y a quatre ans lorsque je jouais au théâtre national. Ensuite, j’avais arrêté pendant mes tournages de films. J’ai fait un peu de théâtre de rue mais surtout du cinéma. Donc je me suis dit que c’était peut-être le moment d’y retourner. J’ai lu le texte et j’ai pensé à Guillemette avec qui j’avais déjà travaillé.

Est-ce que l’initiative du théâtre de rue est toujours d’actualité ?

Ça fait trois ou quatre ans que j’anime de petits ateliers de théâtre de rue, maintenant le relais est pris par deux comédiens : Lila Touchi et Tarik Bouarara qui ont participé avec moi au théâtre de rue. Ça ne s’arrête pas, bien au contraire, ça continue ! D’ailleurs, cette année ils devraient faire un atelier avec d’autres metteurs en scène et dans d’autres wilayas.

Constatez-vous que le théâtre est un art qui attire de plus en plus d’Algériens  ou juste une frange particulière de la société ?

J’ai trouvé tous les âges justement. « La Patience de la Pierre » n’est pas du tout un spectacle pour les enfants mais les gens viennent avec les leurs et je n’ai pas envie de leur dire de ne pas les emmener. Même si parfois la pièce est un peu violente, il faudra que les enfants la comprennent à leur façon. Leur réaction est impressionnante. À Tizi Ouzou, par exemple, il y a eu un calme, une écoute incroyable. À Chlef des enfants se sont mis à me parler. Globalement, je ne trouve pas que le public ait déserté le théâtre bien au contraire.

Si le public algérien est informé, il vient et surtout il est en très bonne santé. Il a une grande qualité d’écoute et de compréhension. Il vit vraiment avec nous le moment de spectacle. Par contre, ce qui va moins bien, c’est en terme administratif, bureaucratique et de vision de la production théâtrale.

Vous avez rencontré des difficultés à monter la pièce…

C’est-à-dire qu’avec tous les moyens qu’on a et que le ministère donne au théâtre, on devrait quand même réussir à faire de vraies programmations et de vraies rencontres avec le public. Car le public n’attend que ça. Il y a un vrai décalage entre le public et ce que pourrait être la bureaucratie. Un décalage énorme.

En tant que femme, ressentez-vous des difficultés à exercer votre métier d’actrice en Algérie ?

Non pas du tout, bien au contraire. Je crois que le public a une grande joie de voir des femmes et il aimerait en voir plus parce que les femmes représentent la moitié de la force vive de toute société. On a un accueil magnifique du public. Après, s’il y a d’autres gens qui ne sont pas contents qu’il y ait des femmes, je n’ai jamais été confrontée à eux. Par essence, je suis confrontée au public et bien au contraire c’est beaucoup d’amour et de respect. Les Algériens aiment les actrices et les artistes qui jouent pour eux que ce soit dans le théâtre de rue ou sur scène. Que ce soit à Meissonnier, Bab el Oued ou à la Grande Poste, il y a un grand respect et une reconnaissance du travail de l’artiste. Ils comprennent le besoin qu’on a l’un de l’autre.

Quelles sont les prochaines étapes de la tournée, y aura-t-il des représentations à l’étranger ?

Pour le moment, nous allons arrêter car nous allons retravailler le spectacle, prendre du recul et aller plus loin. On annoncera nos dates précises en amont avec une programmation beaucoup plus claire et probablement plusieurs dates sur Alger. On va aller dans les grandes villes de l’Est, on a même envie d’aller dans le Sud, faire un maximum de wilayas. Pour l’étranger, on attend des réponses, on verra. Le premier pays serait probablement le Maroc.

Quels sont vos futurs projets ?  

J’ai deux projets au cinéma mais c’est encore trop tôt pour en parler.


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