Depuis quelques années, la téléphonie mobile connaît une véritable révolution dans son modèle économique. La voix (appels classiques) est en déclin. Face à la concurrence d’applications gratuites comme Viber, Skype ou Whatsapp ou même Facebook, la facturation des appels perd son sens. De même pour le roaming : lors d’un déplacement à l’international, les utilisateurs privilégient largement l’usage d’internet pour effectuer leurs appels, gratuitement.
En Algérie, ce phénomène est apparu tardivement avec l’installation récente des réseaux 3G. Mais les derniers éléments publiés par les opérateurs montrent qu’il est en pleine expansion. Avec cette nouvelle donne, les opérateurs de téléphonie mobile font face à un défi d’adaptation à la demande et doivent faire évoluer leurs offres de services et trouver des relais de croissance pour compenser la baisse des revenus issus de la voix.
L’internet mobile : nouveau terrain de bataille
L’internet mobile à haut-débit apparait, en Algérie comme ailleurs, comme un relais de croissance primordial face au déclin de la voix. « La voix, les données, les applications, tout passe désormais par internet », affirme Younes Grar, un expert et consultant en technologies de l’information. La vraie bataille entre les opérateurs se joue donc sur le terrain de l’internet mobile. Certains opérateurs, à l’étranger, rivalisent de nouveautés pour attirer les « mobinautes » : des débits toujours plus importants, des prix concurrentiels, la télévision mobile, le paiement par téléphone etc.
De leur côté, les Algériens ne recherchent, pour l’instant, qu’une bonne couverture réseau et une connexion décente, en attendant de futures innovations. Mais ce secteur n’en est pas moins stratégique et porteur pour les opérateurs locaux. « L’Algérie n’est pas une exception », affirme M. Grar. Comme les homologues étrangers, européens notamment, les opérateurs algériens doivent passer par l’internet mobile, selon l’expert.
Djezzy, un cas d’école
C’est dans ce contexte que l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) vient de publier les chiffres du nombre d’abonnés 3G des différents opérateurs.
Selon l’ARPT, Djezzy possède 581 386 clients à la 3G. Il arrive très loin derrière Ooredoo (près de 3 millions de clients). Les chiffres de Mobilis n’ont pas été validés par l’ARPT.
Depuis son arrivée sur le marché algérien, c’est la première fois que Djezzy n’est pas leader sur un segment décisif de la téléphonie mobile.
En cause ? Le retard accumulé pour le lancement de la 3G, à cause des déboires d’OTA avec le fisc et la Banque d’Algérie. Suite à son rachat par Vimpelcom, l’État a fait valoir son droit de préemption et la longue procédure de négociation avait paralysé l’opérateur.
Ainsi, les abonnés « classiques » de Djezzy n’ont pas attendu avant de migrer directement vers les autres opérateurs pour accéder à la 3G dès décembre 2014, date le lancement de cette technologie.
Mais pas seulement. Djezzy semble être moins fort dans le domaine qui a fait ses succès passés : le marketing qui a été la marque de fabrique de l’opérateur. Djezzy est, par exemple, à l’origine d’un mot rentré dans le quotidien des algériens : « flexy ». Cependant, on remarque depuis quelques années une forme de relâchement et un manque de vision de la part de l’ancienne équipe dirigeante.
Un canard boiteux dans le giron de l’État
Au début de l’année, Djezzy a été racheté à 51% par l’État algérien, qui hérite, pour la somme de 2,6 milliards de dollars, valorisant l’opérateur à 5,2 milliards de dollars, de ce qui ressemble de plus en plus à un « canard boiteux ». En effet, les marges de l’opérateur s’érodent fortement depuis plusieurs années, marquant une perte de vitesse fulgurante pour l’opérateur, le tout dans un contexte d’instabilité managériale.
À l’issue d’une guerre d’usure avec le président Vincenzo Nesci, le directeur général Philippe Tohmé a été remercié au début de l’année. Le directeur commercial est sur la sellette. Le plus inquiétant est que les conflits ne portaient visiblement pas sur des considérations techniques ou managériales.
Pour Vimpelcom, la maison-mère de Djezzy, c’est une très bonne affaire, quels que soient les résultats futurs de Djezzy. Le russe empoche un total de 3,8 milliards de dollars, qui soulage le poids de sa dette à l’international et dont les cours des actions en bourse ont flambé depuis l’annonce de ce rachat. Depuis le 1er janvier, l’action Vimpelcom a gagné près de 30%, grâce à l’acquisition de Djezzy par l’État algérien.
L’État algérien, via le FNI, entrera au conseil d’administration de Djezzy lors de la prochaine assemblée générale prévue en avril. Il aura un droit de regard sur certaines décisions stratégiques.