Quand Bouteflika confond pouvoir et Etat

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Étonnante est la sortie du président, Abdelaziz Bouteflika, à l’occasion de la célébration, ce jeudi 19 mars, de la Journée de la victoire. Le chef de l’Etat menace et met en garde la presse et l’opposition, s’octroie « le droit constitutionnel » et « moral » d’agir avec fermeté et rigueur contre ceux qui s’opposent à sa  politique.

Dans son discours, le président confond l’Etat et la fonction qu’il occupe depuis 1999. Les critiques visant sa personne et sa politique deviennent dès lors une menace contre la stabilité du pays et un complot contre la Nation.

Les menaces du président

Bouteflika promet d’agir vite, très vite même. Les sanctions, à en croire son discours, ne vont pas tarder à tomber : « (..) il s’agit d’un devoir constitutionnel, légal, légitime et moral qui ne peut souffrir ni report ni dérobade », précise-t-il dans son discours.

Question : que compte faire concrètement le président ? Empêcher les actions de l’opposition. Cette option est déjà en œuvre depuis plusieurs années. Les partis d’opposition sont empêchés de manifester à Alger et même de se réunir dans des salles fermées. Ils n’ont pas accès aux médias publics, notamment la télévision.

Quant à la presse, elle subit d’énormes pressions depuis plusieurs années. Des pressions qui se sont accentuées depuis l’arrivée de Bouteflika à la tête du pays.

Le président Bouteflika, qui s’adresse pour la première fois de manière directe ou presque – le message a été lu par son conseiller Benamor Zerhouni – aux populations de Ghardaïa et d’In Salah, impute l’entière responsabilité des dérapages et des blocages à l’opposition. Elle est accusée de vouloir mener la politique « de la terre brûlée » dans ces régions.

Qu’en est-il alors pour le pouvoir ? « Je vous aime, mais on n’est pas prêt à reculer sur le gaz de schiste », semble dire le président aux habitants d’In Salah. L’amour du président serait suffisant pour calmer les esprits de la population dans le Sud qui exige l’arrêt des travaux d’exploration du gaz de schiste qu’ils vivent comme une menace pour leur avenir.

Flou politique et incertitudes

Autre question : comment expliquer ces tirs simultanés sur l’opposition par le président Bouteflika et le patron du  FLN ? À partir d’Oran, Amar Saâdani a en effet mis en cause « une certaine opposition » qui dresse un tableau noir de la situation en Algérie, selon lui. Il appellera le peuple à rejeter les thèses de l’opposition.

Les deux sorties interviennent, en effet, dans un contexte politique extrêmement flou. Le président, qui va achever dans quelques jours la première année de son quatrième mandat, reste totalement absent de la scène politique. Une absence qui commence à peser lourdement, amenant même certains de ses anciens alliés à réagir. C’est le cas notamment de Louiza Hanoune qui a appelé le frère du président et son conseiller, Saïd Bouteflika à parler.

La révision de la Constitution, annoncée par le président Bouteflika en avril 2011 peine à voir le jour. D’ailleurs le chef de l’Etat n’a fait aucune allusion à ce projet dans son discours d’aujourd’hui. Quant à l’opposition, celle ciblée par le président, ne s’essouffle pas malgré toute la pression exercée contre elle. Elle multiplie ses sorties et ses actions sur le terrain. L’inquiétude et la peur ont-elles changé de camp ?


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