Au lendemain des déclarations de Toufik Makhloufi à TSA, accusant les autorités de l’avoir abandonné, Mustapha Berraf, président du Comité olympique algérien, s’explique. Il aborde également plusieurs autres sujets. Entretien.
Toufik Makhloufi a déclaré que la bourse olympique qui lui permet de financer ses stages de préparation ne lui a pas été versée et qu’il se sentait délaissé et abandonné. Qu’avez-vous à nous dire sur ce sujet, en tant que président du COA ?
Dans son cas, il ne s’agit pas d’une bourse olympique. Les athlètes de son niveau ont un budget spécial de l’État. Il y a un manque de coordination entre la Fédération d’athlétisme, les différents services concernés et lui-même.
Visiblement, il est parti aux États-Unis dans la précipitation. Il n’y a pas eu le temps nécessaire pour s’occuper de son dossier.
Concernant sa déclaration, il ne faut pas la prendre comme un cri de détresse, mais plutôt comme un appel pour régler ce problème le plus rapidement possible. J’ai eu des entretiens avec lui et je lui ai dit qu’on était prêt à rembourser toutes les factures et les dépenses engagées jusque-là. Il m’a dit qu’il allait envoyer les documents pour lui faire les transferts nécessaires mais jusqu’à cet instant, on n’a rien reçu de sa part.
Toufik Makhloufi se trouve actuellement à Los Angeles pour se préparer aux prochains championnats du monde qui doivent se tenir au mois d’août à Pékin. Bien que son dossier de sortie n’était pas prêt au moment de son départ, il a quand même pris la décision de s’envoler pour les États-Unis. On le comprend, car il ne veut pas rater les objectifs qu’il s’est fixé pour l’année en cours. Nous avons contacté la Fédération pour trouver les meilleures solutions pour ne pas perturber la préparation de l’athlète.
Il faut savoir que les fédérations sont chargées d’élaborer les dossiers de sortie des athlètes et d’en assurer le suivi. En ce qui concerne Makhloufi, nous espérons que son dossier sera ficelé dans les meilleurs délais, pour lui permettre d’entamer sa saison dans les meilleures conditions. Il ne faudrait pas perdre de vue qu’il demeure notre grand espoir pour les prochains Jeux Olympiques de Rio 2016.
Justement, les Jeux Olympiques de Rio sont prévus dans moins de deux ans. Le programme des athlètes algériens est-il respecté ?
Il y a quelques retards dus essentiellement à des problèmes organiques au niveau des Fédérations et des difficultés au niveau des aspects techniques. Nous avons établi une liste des potentiels qualifiés aux Jeux Olympiques. Tous les moyens ont été donnés aux Fédérations pour que ces athlètes bénéficient des meilleures conditions de préparation.
Vous tablez sur combien de médailles à Rio ?
Je n’ai pas un chiffre exact dans ma tête, mais on a un grand espoir en Makhloufi et en deux ou trois autres athlètes. Mon plus grand souhait est de voir l’équipe nationale olympique de football se qualifier aux JO de Rio 2016, parce que le football algérien est absent des JO depuis de nombreuses décennies.
En parlant de football, pourquoi avez-vous déclaré que c’est le Gabon qui organisera la CAN 2017 ?
Mes différentes déclarations à ce sujet font suite à différents recoupements d’informations qui ont été portés à ma connaissance par plusieurs acteurs du mouvement sportif africain avec lesquels j’entretiens des relations privilégiées. J’ai voulu à travers mes diverses interventions, rappeler aux décideurs du football africain la nécessité de veiller à l’équité et à l’impartialité que doit commander leur jugement dans l’attribution de la future CAN 2017. Cela y va de la crédibilité de la CAF et mon message a été bien perçu.
Le dossier de candidature de l’Algérie est très fiable et très solide, il y a beaucoup d’éléments qui plaident en sa faveur et je pense que l’attribution de ce grand évènement lui reviendra.
Que s’est-il passé exactement entre vous et Issa Hayatou, lors de sa dernière visite à Alger. On dit qu’il n’a pas voulu vous serrer la main ?
Il y a eu une incompréhension et tout est rentré dans l’ordre. Moi j’ai le devoir, même en étant responsable africain du sport, de défendre mon pays et je pense que ce petit malentendu a été dissipé. Cela dit, personne ne peut m’empêcher de m’exprimer librement et en toute franchise sur les questions d’actualité de l’Algérie et tout ce qui concerne le sport en Algérie et surtout l’organisation de grands évènements comme la CAN 2017.
Issa Hayatou compte beaucoup d’amis en Algérie et j’en fais partie. Il a toujours eu d’excellentes relations avec notre pays. On a juste tiré la sonnette d’alarme pour que notre dossier soit examiné avec le plus grand soin. J’espère que le vote sera en notre faveur, car l’Algérie dispose de tous les atouts nécessaires pour organiser la CAN 2017.
Dernièrement le Comité Olympique Algérien a signé un accord avec le Comité olympique espagnol, en quoi consiste cet accord exactement ?
C’est un accord très important pour nous. Il consiste à établir des relations et des échanges durables entre les équipes nationales des deux pays. Il s’agit aussi de bénéficier de l’expérience des Espagnols qui sont, dans beaucoup de disciplines, les meilleurs au monde. Par exemple : l’un des meilleurs entraîneurs de Judo arrivera bientôt en Algérie pour aider dans la préparation de nos athlètes aux Jeux Olympiques de Rio.
Nous avons aussi obtenu l’accord du président du Comité olympique espagnol pour que le président de la Fédération espagnole de football se déplace à Alger pour établir avec son homologue algérien, M. Mohamed Raouraoua, un programme entre les deux Fédérations.
Après le fiasco de la participation algérienne au championnat du monde de handball au Qatar, ne pensez-vous pas que cette discipline a besoin d’une meilleure prise en charge ?
La participation algérienne au championnat du monde de Handball 2015 a été effectivement chaotique. Les athlètes et techniciens qui ont participé à cet évènement important ont peut-être échoué mais il ne faut pas oublier qu’ils ont réussi à se qualifier au championnat du monde.
Maintenant, il s’agit de se remettre en question, mais il faut soutenir notre équipe nationale pour lui permettre de retrouver rapidement le haut niveau. Les perturbations ne servent pas la famille sportive. Mais la porte est ouverte pour ceux qui ont des solutions et ils peuvent les proposer à la Fédération de handball.
Il faut une réorganisation au niveau des clubs, une harmonisation des textes et une application stricte de la loi et surtout un renforcement des capacités techniques au niveau de toutes les régions.
Les compétitions des sports collectifs passent pratiquement inaperçues ces dernières années. Elles ne sont pratiquement plus suivies par le grand public. Pourquoi, selon vous ?
Le football prend toute la place, mais les fédérations des autres sports collectifs comme le basket-ball ou le handball doivent obtenir des résultats sur le plan régional, continental et international. Avec de bons résultats, elles peuvent attirer les jeunes qui s’intéresseront de nouveau à ces disciplines.
Il faut avouer que ces dernières années, ces sports ont été ignorés et oubliés et aucun moyen ne leur a été dégagé pour se développer.
Actuellement, on n’a pas un éventail de joueurs de très haut niveau, il faut dire la vérité. Certes, nous avons un potentiel de jeunes important, mais il est mal exploité.
Que pensez-vous du modèle de l’EN de football composée pratiquement que de joueurs issus de l’émigration, est-ce que ce modèle peut être copié par d’autres sports ?
Tout Algérien, quel que soit son lieu de résidence, a le droit de postuler à la sélection. Je suis contre la naturalisation d’athlètes étrangers, mais les sportifs qui ont la nationalité algérienne ont le droit de représenter le pays, même s’ils ont été formés ailleurs. Je suis pour que ces athlètes constituent des locomotives pour les autres. S’ils sont meilleurs bien évidemment. Il est clair qu’il ne peut pas y avoir, dans un pays comme l’Algérie, une forme de discrimination ou de régionalisme et surtout aucune forme de racisme. Ces jeunes sportifs issus de l’émigration ont beaucoup de qualités et j’ai eu à le constater, quand j’étais au niveau de la Fédération de basket-ball. On avait des joueurs qui s’étaient bien comportés et qui ont prouvé qu’ils étaient dignes et fiers d’être algériens.
L’Algérie organisera les Jeux africains de la Jeunesse en 2018. Croyez-vous que grâce aux JAJ 2018, l’Algérie prouvera qu’elle est capable d’organiser des grandes compétitions internationales ?
L’Algérie aura effectivement l’honneur d’organiser les Jeux africains de la Jeunesse (JAJ 2018). C’est un évènement très important pour le mouvement sportif et olympique africain. C’est une étape qui devrait permettre à l’Algérie de se hisser au premier rang des nations africaines sur cette catégorie d’âge. On espère, grâce aux Jeux africains de la Jeunesse, avoir des sportifs de haut niveau pour les Jeux Olympiques en 2024. L’Algérie est candidate pour organiser les Jeux méditerranéens de 2021 (à Oran) et c’est une étape importante pour relancer le sport dans notre pays.
L’Algérie est-elle capable d’organiser de grands évènements sportifs ?
Il y aura toutes les infrastructures et les dispositions d’accueil nécessaires pour organiser toutes les grandes manifestations sportives internationales à l’exception des Jeux Olympiques et la Coupe du Monde de Football.
Cela dit, grâce aux nouvelles résolutions prises par la 127e session du Comité International Olympique qui s’était tenue au mois de décembre, on peut co-organiser les Jeux Olympiques. Les nouvelles directives du Comité international olympique permettent en effet des candidatures conjointes, où pourraient s’associer plusieurs pays en vue d’équilibrer leurs financements publics et mieux rentabiliser l’utilisation des installations sportives après la fin des J.O. Le CIO voudrait en fait, éviter une sous-exploitation des infrastructures sportives après la clôture des JO, à l’image de ce qui s’est passé avec le parc olympique de Pékin. L’Algérie, la Tunisie et le Maroc disposent d’un potentiel extraordinaire pour abriter conjointement divers événements majeurs eu égard aux stades, piscines et autres installations dont ils disposent.