La chronique de Hafid Derradji. La Constitution, le Président et l’armée !

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Le dernier scoop médiatique faisant état de la rencontre entre le Président de la République et les chefs militaires pour les informer du projet de révision de la Constitution comme promis par celui-ci, n’était pas une révélation fortuite et innocente du Président et de son entourage proche. Ce n’était pas non plus une preuve que ladite révision était une priorité pour le Président. Encore moins une assurance pour le peuple que le Président mettait cette consultation, de toutes les parties prenantes, à la tête de ses préoccupations afin de mettre en place une Constitution à même de faire face aux défis et aux développements connus par le pays. Une promesse pourtant annoncée par les supporters du Président lors de la dernière campagne présidentielle.

Cette fuite vise à impliquer l’armée en donnant l’impression que cette dernière appuyait le projet du Président ou qu’elle était la cause de sa non-application. Or, nous savons que le Président s’est octroyé toutes les prérogatives et désire mettre en place une Constitution sur mesure qui lui permettrait de demeurer roi sur l’Algérie et d’assurer une descendance à son entourage.  

Certains observateurs disent que cette information a été divulguée sciemment par le cercle présidentiel afin de couvrir des différends existants entre certains chefs militaires et Bouteflika concernant l’amendement et les prérogatives du Président dans la nouvelle Constitution. Cela concerne aussi les prérogatives du vice-président et du Premier ministre et la séparation des pouvoirs tant voulue mais qui demeure floutée par Bouteflika afin que le pouvoir individuel reste loin des institutions républicaines.

Tout le monde, en Algérie et ailleurs, sait que le Président reçoit régulièrement et depuis un moment des responsables de la grande muette. Ceci prouve que l’objectif de cette fuite est d’induire en erreur l’opinion publique et d’impliquer l’institution militaire qui, rappelons-le, a été priée il y a un an, par Amar Saïdani, de rester derrière les murs de ses casernes… Tout comme ce dernier avait demandé la mise en place d’un état civil où l’armée serait loin de la politique pour que la situation d’oligopole puisse prendre la forme du pouvoir absolu pratiqué par une poignée d’opportunistes !

Si on considérait que cette divulgation était innocente et que le Président avait accueilli les chefs de l’armée pour les consulter sur ledit projet, alors pourquoi les représentants de partis politiques, de la société civile et autres personnalités n’ont pas eu droit au même accueil et privilèges ? Ou alors le Président les méprise et ne les respecte point et cela depuis plus de quinze ans alors !

Qu’en est-il des séances de consultation faites par son ministre chef de cabinet, Monsieur Ahmed Ouyahia ? Et quelle est la nature de cet amendement de la Constitution qui prend tellement de temps sans qu’on n’y revienne ou s’y tienne ?

L’Algérie indépendante a connu bien des constitutions et Bouteflika à lui seul, en a amendé deux, en attendant la troisième, ce qui relève d’un record même pour certaines républiques bananières… alors qu’il jurait devant Allah et le peuple qu’il respecterait la Constitution et la perpétuerait. Cependant, à chaque fois, il revenait sur ses engagements et ne respectait ni la Constitution, ni le peuple, ni les chouhadas, ni les moudjahidines, et encore moins l’opposition. On a l’impression que nous sommes face à un cas de vengeance contre tous, un cas de mépris et de dédain général comme si l’objectif était de limiter l’État, son histoire, sa civilisation et son avenir à un seul être.

Le plan constitutionnel Bouteflikien sera prêt sous peu, pour dégustation locale et étrangère. Le Président n’a nul besoin d’une nouvelle Constitution puisque la gestion des affaires de l’État se fait loin des institutions républicaines et de ses lois. Nous avons un Président élu chez lui et un Président nullement élu par le peuple mais qui gère les affaires étatiques dans l’ombre. Nous avons également un Premier ministre nommé et absent de son poste car la vedette lui a été volée par un homme d’affaires qui s’est presque autoproclamé Premier ministre. Dans l’ère où nous vivons, le ministre n’est plus ministre, le directeur n’a plus cette fonction, les préceptes et les définitions ne sont plus valides, les principes se sont effondrés et ne valent plus rien …dans un monde où tout se vend et s’achète.


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