« La menace de Daech est réelle pour l’Algérie »  

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Abdelhamid Larbi Cherif est un ancien colonel de l’ANP. Dans cet entretien, il revient sur les défis sécuritaires de l’Algérie.

Quel serait, à votre avis, l’impact d’une intervention internationale en Libye sur l’Algérie ?

Je pense qu’une action militaire en Libye est une perte de temps et de moyens. Avant, il faut arrêter les hostilités entre les différents belligérants et imposer un gouvernement d’unité nationale et renforcer l’armée Libyenne par la formation et l’équipement en moyens pour faire face à l’émergence et l’extension de Daech.

Pour l’Algérie, je pense que le commandement de l’Armée a pris les mesures qui s’imposent  par le renforcement de nos frontières au sud et à l’est avec un déploiement impressionnant de moyens. Le commandement a pris en considération le débordement de la situation pour protéger le pays, mais en cas d’intervention la situation va se dégrader davantage et nous risquons un épuisement des forces et moyens. Je pense que ce sera un danger et une menace à long terme.

Le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi a appelé hier à une coalition internationale pour intervenir en Libye. Veut-il concurrencer l’Algérie en Afrique ?

Le président égyptien a saisi l’occasion pour lancer cet appel pour plusieurs objectifs.  L’Égypte est encerclée par deux fronts de Daech. Le premier se trouve à l’est en Sinaï et le deuxième à l’Ouest aux frontières de la Libye, composé de 8000 terroristes fortement armés, sans oublier que l’ex-chef d’état égyptien déchu, Mohamed Morsi a encouragé le ralliement des Égyptiens dans les groupes terroristes activant en Syrie, ce qui représente une menace grave sur la sécurité en Égypte.

Le président Al Sissi a su profiter de la bonne entente entre la France, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes unis. Il a signé des accords d’achat d’avions de combat français Rafale qui n’ont pas trouvé preneurs jusque là et d’une frégate, par un financement franco-saoudien et émirati. Notons que la France a subventionné cet accord et a longtemps appelé à une intervention militaire en Libye. Là, on trouve un croisement d’intérêts. En outre, l’Égypte cherche à reprendre sa position  perdue de leader dans le monde arabe.

Quelle est la réalité de la menace Daech pour l’Algérie ?

Daech représente une menace pour le monde arabo-musulman. L’État Islamique proclamé par Al Baghdadi vise à s’élargir dans la géographie de ce dernier, et vise comme capitale Médine en Arabie Saoudite. L’Algérie est, également, un projet de cette horde. N’oublions pas que plusieurs Algériens (environ 200) ont rallié les rangs de ces groupes activant en Syrie et en Irak d’une part, et d’autre part la présence en Syrie de 3000 terroristes tunisiens, 1500 Marocains, 700 Libyens, 900 Français d’origine maghrébine en majorité. S’ajoutent aussi les groupes qui s’activent  dans les pays du Sahel et à l’intérieur du pays. Tout cela sans oublier les réseaux dormants. La menace de Daech est réelle pour notre pays. Il ne faut pas oublier que l’Algérie est visée pour ses moyens.

Aujourd’hui quatre gendarmes tunisiens ont été assassinés par un groupe terroriste, près de la frontière algérienne. L’instabilité sécuritaire en Tunisie constitue-t-elle un danger pour l’Algérie ?

Bien sûr, la Tunisie représente l’extension stratégique de l’Algérie. S’il y a des groupes qui activent en Tunisie cela veut dire qu’ils menacent directement notre pays.  La Tunisie et la Libye font partie de la profondeur sécuritaire et stratégique de l’Algérie. Ce qui se passe dans nos frontières peut éveiller les réseaux terroristes dormants.

Le problème est qu’on ne combat pas une armée classique mais on doit lutter contre une pensée. Les terroristes véhiculent leurs idées extrémistes en tant que djihad. Cela est très dangereux. Il est également difficile à contrôler. C’est un danger asymétrique. Ils font de la propagande pour manipuler la jeunesse.

Boko Haram avait déclaré, il y a quelques jours, que ses milices sont aux portes du Niger, pays voisin de l’Algérie. L’Algérie est-elle menacée ?

Oui, il ne faut pas perdre de vue cette phalange qui avance dans l’Afrique, mais elle se positionne loin derrière Daech. La menace de Boko Haram sur l’Algérie est minime par rapport à celle de l’État Islamique.


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