Faire face au choc pétrolier – Des pistes sérieuses élaborées par deux économistes

ministère des finances

Le même constat est partagé par bon nombre d’économistes, hommes politiques et simples observateurs : l’Algérie ne peut maintenir ses dépenses budgétaires dans un contexte de baisse prolongée des prix du pétrole. Raouf Boucekkine et Nour Meddahi, deux Professeurs d’économie respectivement à Aix-Marseille et Toulouse School of Economics, sont du même avis.

Dans un document de 10 pages, cosigné par les deux professeurs, ils proposent une dizaine de mesures permettant d’ « atténuer le choc pétrolier ». Nous vous proposons une revue des mesures les plus importantes.

Arrêter les cadeaux aux riches

Première mesure : Boucekkine et Meddahi préconisent d’augmenter de manière progressive mais substantielle le prix de l’essence. Le prix réel de l’essence est, selon eux, de 110 dinars le litre. Il devrait être cédé à terme à 70 dinars le litre.

Citant des chiffres du ministère des Finances, ils jugent que les subventions cumulées des carburants, du gaz et de l’électricité s’élevaient à 1975 milliards de dinars en 2012 et atteindront en 2014, avec la hausse de la consommation, un total de près de 2400 milliards de dinars en 2014, « soit le tiers du budget de l’Etat ».

Pour les deux professeurs, la subvention du sucre doit être réduite, puis complètement supprimée. Car elle profite « aux plus aisés », notamment aux industriels, à travers le détournement de cette subvention.

Ces deux subventions sont jugées « antiéconomiques et antisociales ». Le document précise qu’« une bonne partie de cette subvention » profite essentiellement aux classes aisées de la population. Par exemple, citant les chiffres de l’ONS, ils indiquent que les 10% de la population la plus aisée, consomment plus de carburant que les 90% restants, réunis.

Pis, les deux économistes affirment qu’une part importante de ces denrées subventionnées « (…) passe chez les pays voisins à travers la contrebande» et contribue « de fait » au financement du terrorisme.

Plafonner le recours au FRR

Les deux économistes recommandent de plafonner le recours au Fonds de régulation des recettes (FRR) afin de préserver l’épargne du pays. Ils autoriseraient une ponction « (…) de 10 milliards de dollars en 2015 » mais, en règle générale, les prélèvements ne devraient pas dépasser les 6 milliards de dollars par an. En effet, les auteurs estiment qu’ « il a fallu plus d’une décennie pour accumuler les 70 milliards de dollars du FRR. Il serait déraisonnable de les dépenser dans une période courte ».

Des mesures « innovantes » pour freiner les importations :

L’Algérie doit privilégier les importations dites « à haute valeur ajoutée », qui permettent de moderniser  le pays et  sa « remise à niveau technologique », indique le document.

Les mesures administratives, instruments favori de nos dirigeants, sont inefficaces, selon la même source et de l’aveu de plusieurs ministres. En revanche, Boucekkine et Meddahi estiment que le gouvernement dispose tout de même de plusieurs outils pour maîtriser les importations sans être en porte à faux avec ses engagements internationaux, comme les contingentements d’importations, les contingentements tarifaires.

Les auteurs proposent également de « différencier la TVA », selon l’origine du produit. Cela permet « de baisser et de cibler les importations ». Les auteurs proposent d’augmenter la TVA « pour les voitures puissantes et les produits énergivores ». « Cette méthode est simple à mettre en œuvre et elle aurait des résultats immédiats et durables puisque les règles de l’OMC n’empêchent pas de différencier la TVA entre produits », précisent-ils.

Ces mesures permettraient également de préserver les réserves de change (en baissant les importations), encourager la production nationale et « ralentir la consommation d’énergie », ajoute la même source.

Déprécier le dinar à sa juste valeur

Les professeurs Boucekkine et Meddahi proposent à la Banque d’Algérie de déprécier le dinar d’au moins 10%. Ceci dans le but de refléter la baisse des prix du pétrole, seule source de devises de l’Algérie. Selon eux, la surévaluation du dinar par rapport aux fondamentaux, estimée à 4% par la Banque centrale, « subventionne les importations au détriment de la production locale et diminue les recettes en dinars de la fiscalité pétrolière » par un effet de change. Il faudrait, selon les deux économistes, que le dinar soit évalué à sa valeur réelle, voire légèrement en dessous, afin de corriger « une aberration économique ».

Encourager l’épargne

Afin d’éviter la surconsommation qui gonfle la facture des importations et qui ne profite pas à la production nationale, nos deux professeurs préconisent un encouragement de l’épargne. Deux pistes sont évoquées : autoriser les bénéficiaires des différentes formes de logements aidés, à mettre plus d’argent que le montant exigé au moment du dépôt initial, et indexer les tranches subséquentes à l’inflation. De cette manière, les ménages seront tentés de payer un maximum au début, pensent les auteurs.

La deuxième consiste à augmenter les taux de rémunération des dépôts à vue, à un niveau supérieur à l’inflation prévisionnelle, de sorte d’encourager les détenteurs à déposer leur argent dans les banques, plutôt qu’à se précipiter sur la consommation, de peur que leur pouvoir d’achat ne s’effrite, sous l’effet conjugué de la hausse des prix et de la perte de valeur du dinar, toujours selon la même source.


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