REPORTAGE. Á In Salah, ville gazière, on meurt faute de soins (VIDÉO)

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L’enfant avait trois ans. Il avait développé une péritonite suite à une inflammation de l’appendicite. En l’absence d’un chirurgien pédiatre à In Salah pour l’opérer en urgence, le garçon devait être transféré à l’hôpital d’Adrar, situé à 400 kilomètres. Il décède finalement sur la route. « Ce cas n’était pourtant pas désespéré », se souvient le docteur Salah Azzi, cardiologue à l’hôpital  d’In Salah. C’était il y a trois ans. Depuis les choses n’ont pas changé.

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Dans cette ville gazière du sud du pays, distante de plus de mille kilomètres d’Alger, bénéficier de certains soins est un luxe. Le problème ne se pose pas en termes d’infrastructures pourtant. Chacune des trois communes est dotée d’une polyclinique. Un établissement public hospitalier existe.

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 « Pas de chirurgien à In Salah depuis plus d’un an »

« Le problème est l’instabilité du personnel médical. Les spécialistes qui viennent à In Salah passent une année (pour leur service civil) avant de repartir. Il n’y a donc pas de suivi pour une prise en charge correcte du patient », explique Salah Azzi. Même les médecins généralistes font parfois défaut.

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Sur tout le territoire de cette daïra de près de 50.000 habitants, seulement dix spécialistes sont en activité dont un cardiologue originaire de la région, un pédiatre et deux gynécologues. Hormis un gynécologue cubain, les autres spécialistes sont ici pour passer leur service civil. In Salah n’a pas de chirurgien généraliste depuis plus d’un an.

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« Cela veut dire que pour une petite chirurgie, le patient doit parcourir au moins 400 kilomètres (vers Adrar ou Menia à Ghardaïa) ou 700 kilomètres (vers Tamanrasset) », assure le docteur Azzi. Ce dernier est catégorique : « Si une personne polytraumatisée suite à un accident de la route se retrouve à In Salah, elle est presque condamnée. C’est que son transfert, seulement, peut causer le décès.

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« Il faut des conditions pour ramener des spécialistes »

Salah Azzi ne blâme pourtant pas les médecins spécialistes qui rechignent à s’installer à In Salah même pour une année de service civil que certains considèrent pratiquement comme une sanction. « Pour faire venir un spécialiste, il faut réunir des conditions. Le médecin est un être humain et n’est pas une machine qu’on éteint après les heures de travail ».

Envoyé pour effectuer son service civil, un spécialiste se retrouve dans un appartement indécent avec des problèmes de télécommunication, d’internet et d’autres services qui font défaut. Résultat : dès le premier jour, le médecin pense à son jour de départ.

« Souvenez-vous les dernières manifestations des policiers à Ghardaïa, l’une de leurs revendications était de ne pas rester dans la région plus d’une certaine période », rappelle le docteur Azzi. Et puis, il y a la cherté de la vie. « Ici tout arrive d’ailleurs, donc prenez les prix pratiqués au nord et multipliez-les par deux, voire trois », lâche-t-il.

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Militant anti-gaz de schiste !

Salah Azzi n’est pas seulement médecin. Aux côtés des habitants d’In Salah, le cardiologue milite, lui aussi, contre le gaz de schiste. « On ne leur fait pas confiance », lâche-t-il. Le docteur Azzi est convaincu que le gaz de schiste est un danger. Bien avant que la loi ne passe au Parlement, il évoquait le sujet avec ses amis de Sonatrach. « Personne ne m’a dit que c’était une bonne chose », dit-il.

La venue de Youcef Yousfi pour le forage pilote dans le bassin d’Ahnet a été pratiquement perçue comme une humiliation. « Il est venu avec deux autres ministres en l’absence du chef de daïra d’In Salah, de la société civile, du maire et même du wali de Tamanrasset ! », dénonce le praticien. Les habitants ne comprenaient rien en voyant la présence des forces de sécurité au niveau des ronds-points, selon lui.

« Nous avons su pour le forage le soir en regardant la télé ! Mais je sais pourquoi ils ont fait cela. Ils voulaient montrer que le forage était dans un endroit désertique où il n’y a pas d’habitants », pense-t-il. Dans tous les cas, « on ne voit pas le bénéfice des hydrocarbures ici depuis que l’Algérie a commencé à les exploiter sur tous les plans. Et c’est la même chose pour le nord ».

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