La chronique de Benchicou. Message post-mortem de Houria à M. Ramtane Lamamra 

Benchicou

Depuis 16 ans, nous avons fini par savoir, nous, familles endeuillées par le terrorisme, à quoi ressemblait un ministre qui ment, un ministre qui vole, un ministre qui triche, un ministre  qui travaille ou même, plus rare, un ministre qui croit à sa mission, mais nous n’avions aucune idée d’un ministre algérien qui manifeste contre le terrorisme, pour la liberté et la démocratie.

Qui se serait douté qu’une telle créature existe ?

Dans nos manifestations à nous, on ne rencontrait que des policiers qui nous suggéraient, à coups de gourdin, d’aller nous faire égorger ailleurs. En Algérie, il est rigoureusement interdit de manifester contre le terrorisme et encore moins pour la liberté et la démocratie, pour la raison supérieure que, officiellement, le terrorisme est aboli  par décret présidentiel.

Du coup, nos morts n’étaient plus que des dépouilles encombrantes qui venaient contredire la statistique officielle de la « paix revenue ». Nos victimes à nous n’étaient pas dans le timing politique : elles avaient la maladresse de se laisser assassiner par des islamistes avec lesquels le Président avait conclu un pacte de paix.

On ne contredit pas un chef d’Etat si heureux de vivre dans un autre monde. Qu’importe si, entre temps, les tueurs poursuivaient leurs massacres. Il suffisait de n’en point parler. Nous avons souffert du silence du gouvernement qui vous envoie parader à Paris pour une cause qu’il censure à Alger.

Vos médias ont toujours préféré eux aussi égarer la carte de l’Algérie, ouvrir sur la Palestine, s’étendre généreusement sur la Yougoslavie, bifurquer obligatoirement par le séjour de quelque officiel étranger sur le sol national et terminer le tout par des nouvelles sportives.

Un enfant algérien tué par les terroristes du GIA est quand même moins susceptible d’indignation que celui assassiné par les soldats israéliens.

Alors, vous comprendrez, monsieur le ministre, ma stupeur de voir que vous incarnez une espèce absolument insoupçonnable, celle d’un ministre membre d’un gouvernement qui pactise à Alger avec les islamistes armés et qui marche contre eux à Paris, de la place de la République à la place de la Nation.

Nous vous concédons que le contraire aurait été plus aléatoire : nous n’avons jamais appris, à Alger, à atteindre la Nation à partir de la République, personne n’étant pressé de bâtir une vraie République, c’est à dire un régime politique où les fonctions de chef d’État ne sont pas héréditaires, mais procèdent de l’élection, ce qui suppose, (mesurez-donc !) que la souveraineté appartient au peuple !

Alors, maintenant que je sais à quoi ressemble un ministre algérien qui manifeste contre le terrorisme, pour la liberté et la démocratie, je trouve votre personnage conforme à la parodie générale, celle d’une espèce de monarchie bâtarde, archaïque, fardée en République, où il n’y a ni de place de la République ni de place de la Nation, seulement une place de la Concorde civile qui, telle une bâtisse immortalisant les grandes forfaitures, est ainsi baptisée en l’honneur du pacte avec les islamistes.

Nous conviendrons avec vous, M. le ministre, qu’il serait loufoque de vouloir entamer une marche contre le  terrorisme à partir d’une place qui lui est officiellement dédiée ! Parodie pour parodie, mieux vaut défiler contre le terrorisme à Paris haut lieu du shopping et de… la Comédie française.

Houria Zanoun, décédée récemment.

Mère d’Amal, 17 ans, assassinée par les tueurs islamistes.


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